valut à Jules Romain la protection du marquis de
Mantoue. Ce prince, grâce à la recommandation du Castiglione,
accueillit dans sa capitale, avec la plus éclatante distinction, l'héritier de
Raphaël, et l'on peut dire avec vérité que Mantoue est principalement
redevable au Castiglione des immenses et magnifiques ouvrages
d'architecture et de peinture qu'y a laissés le génie de Jules Romain. Le
Castiglione avait puisé l'amour du beau dans l'étude approfondie des
oeuvres d'Homère, de Platon, de Cicéron et de Virgile, ces maîtres de
ceux qui savent. Aussi, malgré les agitations d'une vie mêlée aux
intrigues des cours, aux chances des combats et aux négociations de la
politique, il ne négligea aucune occasion de s'occuper des arts, de se
lier avec les grands maîtres, ses contemporains, et d'admirer leurs
chefs-d'oeuvre. Il fut peut-être le seul homme de son temps qui pût
entretenir des relations d'amitié aussi intimement avec Michel-Ange
qu'avec Raphaël: il dut cet heureux privilège non-seulement à l'aménité
de ses manières et à la bienveillance de son caractère, mais encore à ses
connaissances profondes et variées, à la solidité de son jugement, à son
goût si délicat et si sûr que Raphaël lui-même craignait de ne pouvoir le
satisfaire; enfin, à son amour dû beau qui ne l'abandonna jamais et qui
lui faisait constamment rechercher le séjour de Rome. Cette préférence
qu'il accorda toujours à la ville que le Bramante, Raphaël et ses élèves,
Michel-Ange, Sebastiano-del-Piombo, Daniel de Volterre et tant
d'autres avaient choisie comme une commune patrie, ne se démentit
jamais. Aussi, lorsque du fond de l'Espagne, où il suivait, comme nonce
de Clément Vil auprès de Charles-Quint, des négociations fort
importantes, il apprit la prise de cette ville par les bandes indisciplinées
du connétable de Bourbon, la dispersion des élèves de Raphaël, les
ravages exercés dans le Vatican et la basilique de Saint-Pierre, la
destruction d'un grand nombre de chefs-d'oeuvre et tant d'autres
malheurs irréparables, il fut tellement frappé de ces désastres, qu'au
témoignage de tous ses contemporains, la douleur qu'il en ressentit ne
tarda pas à le conduire au tombeau.
Pour apprécier l'influence que le Castiglione a pu exercer sur les
artistes de son temps, et en particulier sur Raphaël et Jules Romain, il
est nécessaire de le suivre dans les diverses situations de sa vie. C'est ce
que nous allons essayer de faire, en nous appuyant surtout sur ses
propres lettres qui équivalent presque à des mémoires[3].
[Note 3: Ces lettres ont été publiées par l'abbé Serassi en deux volumes
petit in-4, in Padova, 1769, presse Giuseppe Comino.--Ce savant
éditeur a également publié une édition du Cortegiano, du Castiglione,
qu'il a fait précéder de la vie de l'auteur. Cette biographie m'a fourni
des renseignements précieux.]
Balthasar Castiglione naquit à Casatico, maison de campagne de sa
famille dans le Mantouan, le 6 décembre 1478. Son père, Christophe de
Castiglione, était un noble et brave gentilhomme et sa mère, Louise de
Gonzague, était une femme aussi distinguée par son esprit que par sa
beauté. Elle appartenait à l'une des branches des Gonzague, dont le chef
était marquis de Mantoue.
C'était alors l'époque de la renaissance des lettres, et le goût des
oeuvres de l'antiquité agitait tous les esprits. Les découvertes
d'ouvrages grecs et latins faites en Italie, et leur publication à Florence,
sous les auspices de Laurent de Médicis; les travaux de Politien et de
beaucoup d'autres savants illustres avaient dirigé les esprits vers l'étude
des écrivains de l'antiquité. Les nobles et riches Italiens de ce siècle,
bien supérieurs en cela aux seigneurs des nations ultramontaines,
avaient en honneur la culture des lettres, et ne faisaient pas consister
exclusivement le mérite d'un chevalier dans la force corporelle et dans
l'adresse à manier les armes. L'étude des lettres grecques et latines
entrait nécessairement dans l'éducation d'un jeune homme que sa
naissance ou sa fortune appelait à jouer un rôle dans le monde. Les
parents du Castiglione n'eurent garde de manquer à ce devoir. Malgré
les embarras d'une famille nombreuse[4] et d'une fortune médiocre, ils
n'hésitèrent pas à lui donner les meilleurs maîtres, afin de lui procurer
des connaissances solides et brillantes.
[Note 4: Le Castiglione avait deux soeurs et deux frères, dont l'un
mourut très-jeune.]
La ville de Milan était alors gouvernée par Louis Sforce, prince aussi
distingué par son amour des lettres que par ses qualités guerrières. Sa
cour était le rendez-vous des littérateurs, des savants et des artistes[5].
C'est là que Balthasar Castiglione fut envoyé dans sa jeunesse,
non-seulement pour y apprendre les exercices du corps, l'équitation, le
maniement des armes, mais surtout pour y étudier les écrivains de
l'antiquité. Georges Merla ou Merula, ce rival de Politien, l'initia à la
connaissance de la langue latine. Démétrius Chalcondyles lui apprit les
lettres grecques, et plus tard, sous la direction de Béroalde le vieux, il
se livra à l'étude approfondie
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