Histoire de la magie | Page 8

Éliphas Lévi
Dieu,» a dit la
sagesse éternelle. La pureté du coeur épure donc l'intelligence et la

rectitude de la volonté fait l'exactitude de l'entendement. Celui qui
préfère à tout la vérité et la justice aura la justice et la vérité pour
récompense, car la Providence suprême nous a donné la liberté pour
que nous puissions conquérir la vie; et la vérité même, quelque
rigoureuse qu'elle soit, ne s'impose qu'avec douceur et ne fait jamais
violence aux lenteurs ou aux égarements de notre volonté séduite par
les attraits du mensonge.
Cependant, dit Bossuet, «avant qu'il y ait quelque chose qui [7] plaise
ou qui déplaise à nos sens, il y a une vérité; et c'est par elle seule que
nos actions doivent être réglées, ce n'est pas par notre plaisir.» Le
royaume de Dieu n'est pas l'empire de l'arbitraire, ni pour les hommes
ni pour Dieu même. «Une chose, dit saint Thomas, n'est pas juste parce
que Dieu la veut, mais Dieu la veut parce qu'elle est juste.» La balance
divine régit et nécessite les mathématiques éternelles. «Dieu a tout fait
avec le nombre, le poids et la mesure.» C'est ici la Bible qui parle.
Mesurez un coin de la création, et faites une multiplication
proportionnellement progressive, et l'infini tout entier multipliera ses
cercles remplis d'univers qui passeront en segments proportionnels
entre les branches idéales et croissantes de votre compas; et maintenant
supposez que d'un point quelconque de l'infini au-dessus de vous une
main tienne un autre compas ou une équerre, les lignes du triangle
céleste rencontreront nécessairement celles du compas de la science,
pour former l'étoile mystérieuse de Salomon.
«Vous serez mesurés, dit l'Évangile, avec la mesure dont vous vous
servez vous-mêmes.» Dieu n'entre pas en lutte avec l'homme pour
l'écraser de sa grandeur, et il ne place jamais des poids inégaux dans sa
balance. Lorsqu'il veut exercer les forces de Jacob, il prend la figure
d'un homme, dont le patriarche supporte l'assaut pendant toute une nuit,
et la fin de ce combat, c'est une bénédiction pour le vaincu, et avec la
gloire d'avoir soutenu un pareil antagonisme le titre national d'Israël,
c'est-à-dire un nom qui signifie: «fort contre Dieu.»
Nous avons entendu des chrétiens, plus zélés qu'instruits, [8] expliquer
d'une manière étrange le dogme de l'éternité des peines. «Dieu,
disaient-ils, peut se venger infiniment d'une offense finie, parce que si

la nature de l'offenseur a des bornes, la grandeur de l'offensé n'en a
pas.» A ce titre et sous ce prétexte, un empereur de la terre devrait
punir de mort l'enfant sans raison qui aurait par mégarde sali le bord de
sa pourpre. Non, telles ne sont pas les prérogatives de la grandeur, et
saint Augustin les comprenait mieux lorsqu'il écrivait: «Dieu est patient
parce qu'il est éternel!»
En Dieu tout est justice, parce que tout est bonté; il ne pardonne jamais
à la manière des hommes, parce qu'il ne saurait s'irriter comme eux;
mais le mal étant de sa nature incompatible avec le bien, comme la nuit
avec le jour, comme la dissonance avec l'harmonie, l'homme d'ailleurs
étant inviolable dans sa liberté, toute erreur s'expie, tout mal est puni
par une souffrance proportionnelle: nous avons beau appeler Jupiter à
notre secours quand notre char est embourbé, si nous ne prenons la
pelle et la pioche comme le routier de la fable, le Ciel ne nous tirera pas
de l'ornière. «Aide-toi, le Ciel t'aidera!» Ainsi s'explique, d'une manière
toute rationnelle et purement philosophique, l'éternité possible et
nécessaire du châtiment avec une voie étroite ouverte à l'homme pour
s'y soustraire, celle du repentir et du travail!
En se conformant aux règles de la force éternelle, l'homme peut
s'assimiler à la puissance créatrice et devenir créateur et conservateur
comme elle. Dieu n'a pas limité à un nombre restreint d'échelons la
montée lumineuse de Jacob. Tout ce que la nature a fait inférieur à
l'homme, elle le soumet à l'homme, c'est à lui d'agrandir son domaine
en montant toujours! Ainsi la [9] longueur et même la perpétuité de la
vie, l'atmosphère et ses orages, la terre et ses filons métalliques, la
lumière et ses prodigieux mirages, la nuit et ses rêves, la mort et ses
fantômes, tout cela obéit au sceptre royal du mage, au bâton pastoral de
Jacob, à la verge foudroyante de Moïse. L'adepte se fait roi des
éléments, transformateur des métaux, arbitre des visions, directeur des
oracles, maître de la vie, enfin, dans l'ordre mathématique de la nature,
et conformément à la volonté de l'intelligence suprême. Voilà la magie
dans toute sa gloire! Mais qui osera dans notre siècle ajouter foi à nos
paroles? ceux qui voudront loyalement étudier et franchement savoir,
car nous ne cachons plus la vérité sous le voile des paraboles ou des
signes hiéroglyphiques, le temps est venu où tout doit être dit, et nous

nous proposons de tout
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