le moyen de
rire au lieu d'apprendre.
La magie était la science d'Abraham et d'Orphée, de Confucius et de
Zoroastre. Ce sont les dogmes de la magie qui furent sculptés sur des
tables de pierre par Hénoch et par Trismégiste. Moïse les épura et les
revoila, c'est le sens du mot révéler. Il leur donna un nouveau voile
lorsqu'il fit de la sainte Kabbala l'héritage exclusif du peuple d'Israël et
le secret inviolable de [4] ses prêtres, les mystères d'Éleusis et de
Thèbes en conservèrent parmi les nations quelques symboles déjà
altérés, et dont la clef mystérieuse se perdait parmi les instruments
d'une superstition toujours croissante. Jérusalem, meurtrière de ses
prophètes, et prostituée tant de fois aux faux dieux des Syriens et des
Babyloniens, avait enfin perdu à son tour la parole sainte, quand un
sauveur, annoncé aux mages par l'étoile sacrée de l'initiation, vint
déchirer le voile usé du vieux temple pour donner à l'Église un nouveau
tissu de légendes et de symboles qui cache toujours aux profanes, et
conserve aux élus toujours la même vérité.
Voilà ce que notre savant et malheureux Dupuis aurait dû lire dans les
planisphères indiens et sur les tables de Denderah, et devant
l'affirmation unanime de toute la nature et des monuments de la science
de tous les âges, il n'aurait pas conclu à la négation du culte vraiment
catholique, c'est-à-dire universel et éternel!
C'était le souvenir de cet absolu scientifique et religieux, de cette
doctrine qui se résume en une parole, de cette parole, enfin,
alternativement perdue et retrouvée, qui se transmettait aux élus de
toutes les initiations antiques; c'était ce même souvenir, conservé ou
profané peut-être dans l'ordre célèbre des templiers, qui devenait pour
toutes les associations secrètes des rose-croix, des illuminés et des
francs-maçons, la raison de leurs rites bizarres, de leurs signes plus ou
moins conventionnels, et surtout de leur dévouement mutuel et de leur
puissance. Les doctrines et les mystères de la magie ont été profanés,
nous ne voulons pas en disconvenir, et cette profanation même,
renouvelée d'âge en âge, a été pour les [5] imprudents révélateurs une
grande et terrible leçon. Les gnostiques ont fait proscrire la gnose par
les chrétiens et le sanctuaire officiel s'est fermé à la haute initiation.
Ainsi la hiérarchie du savoir a été compromise par les attentats de
l'ignorance usurpatrice, et les désordres du sanctuaire se sont reproduits
dans l'État, car toujours, bon gré mal gré, le roi relève du prêtre, et c'est
du sanctuaire éternel de l'enseignement divin que les pouvoirs de la
terre pour se rendre durables attendront toujours leur consécration et
leur force.
La clef de la science a été abandonnée aux enfants, et, comme on devait
s'y attendre, cette clef se trouve actuellement égarée et comme perdue.
Cependant un homme d'une haute intuition et d'un grand courage moral,
le comte Joseph de Maistre, le catholique déterminé, confessant que le
monde était sans religion et ne pouvait longtemps durer ainsi, tournait
involontairement les yeux vers les derniers sanctuaires de l'occultisme
et appelait de tous ses voeux le jour où l'affinité naturelle qui existe
entre la science et la foi les réunirait enfin dans la tête d'un homme de
génie. «Celui-là sera grand! s'écriait-il, et il fera cesser le XVIIIe siècle,
qui dure encore... On parlera alors de notre stupidité actuelle comme
nous parlons de la barbarie du moyen âge!»
La prédiction du comte de Maistre se réalise; l'alliance de la science et
de la foi, consommée depuis longtemps, s'est enfin montrée, non pas à
un homme de génie, il n'en faut pas pour voir la lumière, et d'ailleurs le
génie n'a jamais rien prouvé, si ce n'est sa grandeur exceptionnelle et
ses lumières inaccessibles à la foule. La grande vérité exige seulement
qu'on la trouve, puis [6] les plus simples d'entre le peuple pourront la
comprendre et au besoin la démontrer.
Elle ne deviendra pourtant jamais vulgaire, parce qu'elle est
hiérarchique et parce que l'anarchie seule flatte les préjugés de la foule;
il ne faut pas aux masses de vérités absolues, autrement le progrès
s'arrêterait et la vie cesserait dans l'humanité, le va-et-vient des idées
contraires, le choc des opinions, les passions de la mode déterminées
toujours par les rêves du moment sont nécessaires à la croissance
intellectuelle des peuples. Les foules le sentent bien, et c'est pour cela
qu'elles abandonnent si volontiers la chaire des docteurs pour courir
aux tréteaux du charlatan. Les hommes même qui passent pour
s'occuper spécialement de philosophie, ressemblent presque toujours à
ces enfants qui jouent à se proposer entre eux des énigmes, et qui
s'empressent de mettre hors du jeu celui qui sait le mot d'avance, de
peur que celui-là ne les empêche de jouer en ôtant tout son intérêt à
l'embarras de leurs questions.
«Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront
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