dire.
Nous allons découvrir non-seulement cette science toujours occulte qui,
comme nous l'avons dit, se cachait sous les ombres des anciens
mystères; qui a été mal révélée, ou plutôt indignement défigurée par les
gnostiques; qu'on devine sous les obscurités qui couvrent les crimes
prétendus des templiers, et qu'on retrouve enveloppée d'énigmes
maintenant impénétrables dans les rites de la haute maçonnerie. Mais
nous allons amener au grand jour le roi fantastique du sabbat, et
montrer au fond de la magie noire elle-même, abandonnée depuis
longtemps à la risée des petits-enfants de Voltaire, d'épouvantables
réalités.
Pour un grand nombre de lecteurs, la magie est la science du diable.
Sans doute. Comme la science de la lumière est celle de l'ombre.
Nous avouons d'abord hardiment que le diable ne nous fait pas [10]
peur. «Je n'ai peur que de ceux qui craignent le diable, disait sainte
Thérèse.» Mais aussi nous déclarons qu'il ne nous fait pas rire; et que
nous trouvons fort déplacées les railleries dont il est si souvent l'objet.
Quoi que ce soit, nous voulons l'amener devant la science.
Le diable et la science!--Il semble qu'en rapprochant deux noms aussi
étrangement disparates, l'auteur de ce livre ait laissé voir d'abord toute
sa pensée. Amener devant la lumière la personnification mystique des
ténèbres, n'est-ce pas anéantir devant la vérité le fantôme du mensonge?
n'est-ce pas dissiper au jour les cauchemars informes de la nuit? C'est
ce que penseront, nous n'en doutons pas, les lecteurs superficiels, et ils
nous condamneront sans nous entendre. Les chrétiens mal instruits
croiront que nous venons saper le dogme fondamental de leur morale
en niant l'enfer, et les autres demanderont à quoi bon combattre des
erreurs qui ne trompent déjà plus personne; c'est du moins ce qu'ils
imaginent. Il importe donc de montrer clairement notre but et d'établir
solidement nos principes. Nous disons d'abord aux chrétiens:
L'auteur de ce livre est chrétien comme vous. Sa foi est celle d'un
catholique fortement et profondément convaincu: il ne vient donc pas
nier des dogmes, il vient combattre l'impiété sous ses formes les plus
dangereuses, celles de la fausse croyance et de la superstition; il vient
tirer des ténèbres le noir successeur d'Arimanes, afin d'étaler au grand
jour sa gigantesque impuissance et sa redoutable misère; il vient
soumettre aux solutions de la science le problème antique du mal; il
veut [11] découronner le roi des enfers et lui abaisser le front jusque
sous le pied de la croix! La science Vierge et mère, la science dont
Marie est la douce et lumineuse image, n'est-elle pas prédestinée à
écraser aussi la tête de l'ancien serpent?
Aux prétendus philosophes l'auteur dira: Pourquoi niez-vous ce que
vous ne pouvez comprendre? L'incrédulité qui s'affirme en face de
l'inconnu n'est-elle pas plus téméraire et moins consolante que la foi?
Quoi, l'épouvantable figure du mal personnifié vous fait sourire? Vous
n'entendez donc pas le sanglot éternel de l'humanité qui se débat et qui
pleure broyée par les étreintes du monstre? N'avez-vous donc jamais vu
le rire atroce du méchant opprimant le juste? N'avez-vous donc jamais
senti s'ouvrir en vous-mêmes ces profondeurs infernales que creuse par
instant dans toutes les âmes le génie de la perversité? Le mal moral
existe, c'est une lamentable vérité; il règne dans certains esprits, il
s'incarne dans certains hommes; il est donc personnifié, il existe donc
des démons, et le plus méchant de ces démons est Satan. Voilà tout ce
que je vous demande d'admettre, et ce qu'il vous sera difficile de ne pas
m'accorder.
Qu'il soit bien entendu, d'ailleurs, que la science et la foi ne se prêtent
un mutuel concours qu'autant que leurs domaines sont inviolables et
séparés. Que croyons-nous? ce que nous ne pouvons absolument savoir
bien que nous y aspirions de toutes nos forces. L'objet de la foi n'est
pour la science qu'une hypothèse nécessaire, et jamais il ne faut juger
des choses de la science avec les procédés de la foi, ni, réciproquement,
des choses de la foi avec les procédés de la science. Le verbe de foi
n'est pas scientifiquement discutable. «Je crois, parce que c'est
absurde,» [12] disait Tertullien, et cette parole, d'une apparence si
paradoxale, est de la plus haute raison. En effet, au delà de tout ce que
nous pouvons raisonnablement supposer, il y a un infini auquel nous
aspirons d'une soif éperdue, et qui échappe même à nos rêves. Mais
pour une appréciation finie, l'infini n'est-ce pas l'absurde? Nous sentons
cependant que cela est. L'infini nous envahit; il nous déborde; il nous
donne le vertige avec ses abîmes; il nous écrase de toute sa hauteur.
Toutes les hypothèses scientifiquement probables sont les derniers
crépuscules ou les dernières ombres de la science; la foi commence où
la raison tombe épuisée... Au delà de la raison humaine, il y a la raison
divine, le grand absurde pour
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