ceux qui seront neutres! Ils auront le temps de nous conna?tre, et ils se rangeront avec nous. Mais malheur, trois fois malheur à ceux qui s'armeront pour les Mameluks et combattront contre nous! Il n'y aura pas d'espérance pour eux; ils périront.?
Bonaparte dit à ses soldats: ?Vous allez entreprendre une conquête dont les effets sur la civilisation et le commerce du monde sont incalculables. Vous porterez à l'Angleterre le coup le plus s?r et le plus sensible, en attendant que vous puissiez lui donner le coup de mort.
?Les peuples avec lesquels nous allons vivre sont mahométans; leur premier article de foi est celui-ci: _Il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète_. Ne les contredisez pas; agissez avec eux comme nous avons agi avec les Juifs, avec les Italiens. Ayez des égards pour leurs muphtis et leurs imans, comme vous en avez eu pour les rabbins et pour les évêques. Ayez pour les cérémonies que prescrit le Koran, pour les mosquées, la même tolérance que vous avez eue pour les couvens, pour les synagogues, pour la religion de Mo?se et celle de Jésus-Christ. Les légions romaines protégeaient toutes les religions. Vous trouverez ici des usages différens de ceux de l'Europe, il faut vous y accoutumer. Les peuples chez lesquels nous allons entrer traitent les femmes autrement que nous. Souvenez-vous que dans tous les pays, celui qui viole est un lache.
?La première ville que nous rencontrerons a été batie par Alexandre. Nous trouverons à chaque pas de grands souvenirs, dignes d'exciter l'émulation des Fran?ais.?
Sur-le-champ Bonaparte fit ses dispositions pour établir l'autorité fran?aise à Alexandrie, pour quitter ensuite le Delta et s'emparer du Caire, capitale de toute l'égypte. On était en juillet, le Nil allait inonder les campagnes. Il voulait arriver au Caire avant l'inondation, et employer le temps qu'elle durerait, à faire son établissement. Il ordonna que tout demeurat dans le même état à Alexandrie, que les exercices religieux continuassent, que la justice f?t rendue comme avant par les cadis. Il voulut succéder seulement aux droits des Mameluks, et établir un commissaire pour percevoir les imp?ts accoutumés. Il fit former un divan, ou conseil municipal, composé des scheiks et des notables d'Alexandrie, afin de les consulter sur toutes les mesures que l'autorité fran?aise aurait à prendre. Il laissa trois mille hommes en garnison à Alexandrie, et en donna le commandement à Kléber, que sa blessure devait, pour un mois ou deux, condamner à l'inaction. Il chargea un jeune officier du plus rare mérite, et qui promettait un grand ingénieur à la France, de mettre Alexandrie en état de défense et d'y faire pour cela les travaux nécessaires. C'était le colonel Crétin, qui, à peu de frais et en peu de temps, exécuta à Alexandrie des travaux superbes. Bonaparte donna ensuite des ordres pour mettre la flotte à l'abri. C'était une question de savoir si les gros vaisseaux pourraient entrer dans le port d'Alexandrie. Une commission de marins fut chargée de sonder le port, et de faire un rapport. En attendant, la flotte fut mise à l'ancre dans la rade d'Aboukir. Bonaparte ordonna à Brueys de faire promptement décider la question, et de se rendre à Corfou, s'il était reconnu que les vaisseaux ne pouvaient pas entrer dans Alexandrie.
Après avoir vaqué à ces soins, il fit ses dispositions pour se mettre en marche. Une flottille considérable chargée de vivres, d'artillerie, de munitions et de bagages, dut longer la c?te jusqu'à l'embouchure de Rosette, entrer dans le Nil, et le remonter en même temps que l'armée fran?aise. Il se mit ensuite en marche avec le gros de l'armée, qui, privée des deux garnisons laissées à Malte et Alexandrie, était forte de trente mille hommes à peu près. Il avait ordonné à sa flottille de se rendre à la hauteur de Ramanieh, sur les bords du Nil. Là il se proposait de la joindre et de remonter le Nil parallèlement avec elle, afin de sortir du Delta et d'arriver dans la Moyenne-égypte, ou Bahireh. Pour aller d'Alexandrie à _Ramanieh_, il y avait deux routes, l'une à travers les pays habités, le long de la mer et du Nil, l'autre plus courte et à vol d'oiseau, mais à travers le désert de Damanhour. Bonaparte n'hésita pas, et prit la plus courte. Il lui importait d'arriver promptement au Caire. Desaix marchait avec l'avant-garde; le corps de bataille suivait à quelques lieues de distance. On s'ébranla le 18 messidor (6 juillet). Quand les soldats se virent engagés dans cette plaine sans bornes, avec un sable mouvant sous les pieds, un ciel br?lant sur la tête, point d'eau, point d'ombre, n'ayant pour reposer leurs yeux que de rares bouquets de palmiers, ne voyant d'êtres vivans que de légères troupes de cavaliers arabes, qui paraissaient et disparaissaient à l'horizon, et quelquefois se cachaient derrière des
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