Histoire de la Revolution francaise, III | Page 4

Adolphe Thiers
croire coupables ceux qu'il ha?ssait. Louvet lui avait inspir�� tout autant de haine, en se faisant le second de Brissot aux Jacobins et dans le journal la Sentinelle. Louvet, plein de talent et de hardiesse, s'attaquait directement aux hommes. Ses personnalit��s virulentes, reproduites chaque jour par la voie d'un journal, en avaient fait l'ennemi le plus dangereux et le plus d��test�� du parti Robespierre.
Le ministre Roland avait d��plu �� tout le parti jacobin et municipal par sa courageuse lettre du 3 septembre, et par sa r��sistance aux empi��temens de la commune; mais n'ayant rivalis�� avec aucun individu, il n'inspirait qu'une col��re d'opinion. Il n'avait offens�� personnellement que Danton, en lui r��sistant dans le conseil, ce qui ��tait peu dangereux, car de tous les hommes il n'y en avait pas dont le ressentiment f?t moins �� craindre que celui de Danton. Mais dans la personne de Roland c'��tait principalement sa femme qu'on d��testait, sa femme, fi��re, s��v��re, courageuse, spirituelle, r��unissant autour d'elle ces girondins si cultiv��s, si brillans, les animant de ses regards, les r��compensant de son estime, et conservant dans son cercle, avec la simplicit�� r��publicaine, une politesse odieuse �� des hommes obscurs et grossiers. D��j�� ils s'effor?aient de r��pandre contre Roland un bas ridicule. Sa femme, disaient-ils, gouvernait pour lui, dirigeait ses amis, les r��compensait m��me de ses faveurs. Dans son ignoble langage, Marat l'appelait _la Circ��_ du parti.
Guadet, Vergniaud, Gensonn��, quoiqu'ils eussent r��pandu un grand ��clat dans la l��gislative, et qu'ils se fussent oppos��s au parti jacobin, n'avaient cependant pas ��veill�� encore toute la haine qu'ils excit��rent plus tard. Guadet m��me avait plu aux r��publicains ��nergiques par ses attaques hardies contre Lafayette et la cour. Guadet, vif, prompt �� s'��lancer en avant, passait du plus grand emportement au plus grand sang-froid; et, ma?tre de lui �� la tribune, il y brillait par l'��-propos et les mouvemens. Aussi devait-il, comme tous les hommes, aimer un exercice dans lequel il excellait, en abuser m��me, et prendre trop de plaisir �� abattre avec la parole un parti qui lui r��pondrait bient?t avec la mort.
Vergniaud n'avait pas aussi bien r��ussi que Guadet aupr��s des esprits violens, parce qu'il ne montra jamais autant d'ardeur contre la cour, mais il avait ��t�� moins expos�� aussi �� les blesser, parce que, dans son abandon et sa nonchalance, il heurtait moins les personnes que son ami Guadet. Les passions ��veillaient peu ce tribun, le laissaient sommeiller au milieu des agitations de parti, et, ne le portant pas au-devant des hommes, ne l'exposaient gu��re �� leur haine. Cependant il n'��tait point indiff��rent. Il avait un coeur noble, une belle et lucide intelligence, et le feu oisif de son ��tre, s'y portant par intervalle, l'��chauffait, l'��levait jusqu'�� la plus sublime ��nergie. Il n'avait pas la vivacit�� des reparties de Guadet, mais il s'animait �� la tribune, il y r��pandait une ��loquence abondante, et, grace �� une souplesse d'organe extraordinaire, il rendait ses pens��es avec une facilit��, une f��condit�� d'expression, qu'aucun homme n'a ��gal��es. L'��locution de Mirabeau ��tait, comme son caract��re, in��gale et forte; celle de Vergniaud, toujours ��l��gante et noble, devenait, avec les circonstances, grande et ��nergique. Mais toutes les exhortations de l'��pouse de Roland ne r��ussissaient pas toujours �� ��veiller cet athl��te, souvent d��go?t�� des hommes, souvent oppos�� aux imprudences de ses amis, et peu convaincu surtout de l'utilit�� des paroles contre la force.
Gensonn��, plein de sens et de probit��, mais dou�� d'une facilit�� d'expression m��diocre, et capable seulement de faire de bons rapports, avait peu figur�� encore �� la tribune. Cependant des passions fortes, un caract��re obstin��, devaient lui valoir chez ses amis beaucoup d'influence, et chez ses ennemis la haine, qui atteint le caract��re toujours plus que le talent.
Condorcet, autrefois marquis et toujours philosophe, esprit ��lev��, impartial, jugeant tr��s bien les fautes de son parti, peu propre aux terribles agitations de la d��mocratie, se mettait rarement en avant, n'avait encore aucun ennemi direct pour son compte, et se r��servait pour tous les genres de travaux qui exigeaient des m��ditations profondes. Buzot, plein de sens, d'��l��vation d'ame, de courage, joignant �� une belle figure une ��locution ferme et simple, imposait aux passions par toute la noblesse de sa personne, et exer?ait autour de lui le plus grand ascendant moral.
Barbaroux, ��lu par ses concitoyens, venait d'arriver du Midi, avec un de ses amis d��put�� comme lui �� la convention nationale. Cet ami se nommait Rebecqui. C'��tait un homme peu cultiv��, mais hardi, entreprenant, et tout d��vou�� �� Barbaroux. On se souvient que ce dernier idolatrait Roland et P��tion, qu'il regardait Marat comme un fou atroce, Robespierre comme un ambitieux, surtout depuis que Panis le lui avait propos�� comme un dictateur indispensable. R��volt�� des crimes commis depuis son absence, il les imputait volontiers �� des hommes qu'il d��testait d��j��, et il se pronon?a, d��s son arriv��e, avec une
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