Histoire de la Revolution francaise, III | Page 7

Adolphe Thiers
fait le jour même une proposition qui excite une grande rumeur parmi les ennemis de la Gironde: ?Citoyens représentans, dit-il, il faut ici que tout respire un caractère de dignité et de grandeur qui impose à l'univers. Je demande que le _président de là France_ soit logé dans le palais national des Tuileries, qu'il soit précédé de la force publique et des signes de la loi, et que les citoyens se lèvent à son aspect.? à ces mots, le capucin Chabot, le secrétaire de la commune Tallien, s'élèvent avec véhémence contre ce cérémonial, imité de la royauté. Chabot dit que les représentans du peuple doivent s'assimiler aux citoyens des rangs desquels ils sortent, aux sans-culottes, qui forment la majorité de la nation. Tallien ajoute qu'on ira chercher le président de la convention à un cinquième étage, et que c'est là que logent le génie et la vertu. La proposition de Manuel est donc rejetée, et les ennemis de la Gironde prétendent qu'elle a voulu décerner à son chef Pétion les honneurs souverains.
Après cette proposition, une foule d'autres se succèdent sans interruption. De toutes parts on veut constater par des déclarations authentiques les sentimens qui animent l'assemblée et la France. On demande que la nouvelle constitution ait pour base l'égalité absolue, que la souveraineté du peuple soit décrétée, que haine soit jurée à la royauté, à la dictature, au triumvirat, à toute autorité individuelle, et que la peine de mort soit décrétée contre quiconque en proposerait une pareille. Danton met fin à toutes les motions, en faisant décréter que la nouvelle constitution ne sera valable qu'après avoir été sanctionnée par le peuple. On ajoute que les lois existantes continueront provisoirement d'avoir leur effet, que les autorités non remplacées seront provisoirement maintenues, et que les imp?ts seront per?us comme par le passé, en attendant les nouveaux systèmes de contribution. Après ces propositions et ces décrets, Manuel, Collot-d'Herbois, Grégoire, entreprennent la question de la royauté, et demandent que son abolition soit prononcée sur-le-champ. Le peuple, disent-ils, vient d'être déclaré souverain, mais il ne le sera réellement que lorsque vous l'aurez délivré d'une autorité rivale, celle des rois. L'assemblée, les tribunes se lèvent pour exprimer une réprobation unanime contre la royauté. Cependant Bazire voudrait, dit-il, une discussion solennelle sur une question aussi importante, ?Qu'est-il besoin de discuter, reprend Grégoire, lorsque tout le monde est d'accord? Les cours sont l'atelier du crime, le foyer de la corruption, l'histoire des rois est le martyrologe des nations. Dès que nous sommes tous également pénétrés de ces vérités, qu'est-il besoin de discuter??
La discussion est en effet fermée. Il se fait un profond silence, et, sur la déclaration unanime de l'assemblée, le président déclare que la royauté est abolie en France. Ce décret est accueilli par des applaudissemens universels; la publication en est ordonnée sur-le-champ, ainsi que l'envoi aux armées et à toutes les municipalités.
Lorsque cette institution de la république fut proclamée, les Prussiens mena?aient encore le territoire. Dumouriez, comme on l'a vu, s'était porté à Sainte-Menehould, et la canonnade du 21, si heureuse pour nos armes, n'était pas encore connue à Paris. Le lendemain 22, Billaud-Varennes proposa de dater, non plus de l'an 4 de la liberté, mais de l'an 1er de la république. Cette proposition fut adoptée. L'année 1789 ne fut plus considérée comme ayant commencé la liberté, et la nouvelle ère républicaine s'ouvrit ce jour même, 22 septembre 1792.
Le soir on apprit la canonnade de Valmy, et la joie commen?a à se répandre. Sur la demande des citoyens d'Orléans, qui se plaignaient de leurs magistrats, il fut décrété que tous les membres des corps administratifs et des tribunaux seraient réélus, et que les conditions d'éligibilité, fixées par la constitution de 91, seraient considérées comme nulles. Il n'était plus nécessaire de prendre les juges parmi les légistes, ni les administrateurs dans une certaine classe de propriétaires. Déjà l'assemblée législative avait aboli le marc d'argent, et attribué à tous les citoyens en age de majorité la capacité électorale. La convention acheva d'effacer les dernières démarcations, en appelant tous les citoyens à toutes les fonctions les plus diverses. Ainsi fut commencé le système de l'égalité absolue.
Le 23, tous les ministres furent entendus. Le député Gambon fit un rapport sur l'état des finances. Les précédentes assemblées avaient décrété la fabrication de deux milliards sept cents millions d'assignats; deux milliards cinq cents millions avaient été dépensés; restait deux cents millions, dont cent soixante-seize étaient encore à fabriquer, et dont vingt-quatre se trouvaient en caisse. Les imp?ts étaient retenus par les départemens pour les achats de grains ordonnés par la dernière assemblée; il fallait de nouvelles ressources extraordinaires. La masse des biens nationaux s'augmentant tous les jours par l'émigration, on ne craignait pas d'émettre le papier qui les représentait, et on n'hésita pas à le faire: une nouvelle création d'assignats fut donc
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