n'avoir rempli la députation de Paris que d'hommes signalés pendant ces horribles saturnales. Jusque-là tout était vrai. Mais ils ajoutaient des reproches aussi vagues que ceux de fédéralisme dont eux-mêmes étaient l'objet. Ils accusaient hautement Marat, Danton et Robespierre, d'aspirer à la suprême puissance; Marat, parce qu'il écrivait tous les jours qu'il fallait un dictateur pour purger la société des membres impurs qui la corrompaient; Robespierre, parce qu'il avait dogmatisé à la commune, et parlé avec insolence à l'assemblée, et parce que, à la veille du 10 ao?t, Panis l'avait proposé à Barbaroux comme dictateur; Danton enfin, parce qu'il exer?ait sur le ministère, sur le peuple, et partout où il se montrait, l'influence d'un être puissant. On les nommait les triumvirs, et cependant il n'y avait guère d'union entre eux. Marat n'était qu'un systématique insensé; Robespierre n'était encore qu'un jaloux, mais il n'avait pas assez de grandeur pour être un ambitieux; Danton enfin était un homme actif, passionné pour le but de la révolution, et qui portait la main sur toutes choses, par ardeur plus que par ambition personnelle. Mais parmi ces hommes, il n'y avait encore ni un usurpateur, ni des conjurés d'accord entre eux; et il était imprudent de donner à des adversaires, déjà plus forts que soi, l'avantage d'être accusés injustement. Cependant les girondins ménageaient plus Danton, parce qu'il n'y avait rien de personnel entre lui et eux, et ils méprisaient trop Marat pour l'attaquer directement; mais ils se décha?naient impitoyablement contre Robespierre, parce que le succès de ce qu'on appelait sa vertu et son éloquence les irritait davantage: ils avaient pour lui le ressentiment qu'éprouve la véritable supériorité contre la médiocrité orgueilleuse et trop vantée.
Cependant on essaya de s'entendre avant l'ouverture de la convention nationale, et il y eut diverses réunions dans lesquelles on proposa de s'expliquer franchement, et de terminer des disputes funestes. Danton s'y prêtait de très bonne foi[1], parce qu'il n'y apportait aucun orgueil, et qu'il souhaitait avant tout le succès de la révolution. Pétion montra beaucoup de froideur et de raison; mais Robespierre fut aigre comme un homme blessé; les girondins furent fiers et sévères comme des hommes innocens, indignés, et qui croient avoir dans les mains leur vengeance assurée. Barbaroux dit qu'il n'y avait aucune alliance possible _entre le crime et la vertu_, et de part et d'autre on se retira plus éloigné d'une réconciliation qu'avant de s'être vu. Tous les jacobins se rangèrent autour de Robespierre, les girondins et la masse sage et modérée autour de Pétion. L'avis de celui-ci et des hommes sensés était de cesser toute accusation, puisqu'il était impossible de saisir les auteurs des massacres de septembre et du vol du Garde-Meuble; de ne plus parler des triumvirs, parce que leur ambition n'était ni assez prouvée ni assez manifeste pour être punie; de mépriser une vingtaine de mauvais sujets introduits dans l'assemblée par les élections de Paris; enfin de se hater de remplir le but de la convention, en faisant une constitution-et en décidant du sort de Louis XVI. Tel était l'avis des hommes froids; mais d'autres moins calmes firent, comme d'usage, des projets qui, ne pouvant être encore exécutés, avaient le danger d'avertir et d'irriter leurs adversaires. Ils proposèrent de casser la municipalité, de déplacer au besoin la convention, de transporter son siège ailleurs qu'à Paris, de la former en cour de justice, pour juger sans appel les conspirateurs, de lui composer enfin une garde particulière prise dans les quatre-vingt-trois départemens. Ces projets n'eurent aucune suite et ne servirent qu'à irriter les passions. Les girondins s'en reposèrent sur la conscience publique, qui, suivant eux, allait se soulever aux accens de leur éloquence et au récit des crimes qu'ils devaient dénoncer. Ils se donnèrent rendez-vous à la tribune de la convention pour y écraser leurs adversaires.
[Note 1: Voyez Durand-Maillanne, Dumouriez, Meillan, et tous les contemporains.]
Enfin, le 20 septembre, les députés à la convention se réunirent aux Tuileries pour constituer la nouvelle assemblée. Leur nombre étant suffisant, ils se constituèrent provisoirement, vérifièrent leurs pouvoirs, et procédèrent de suite à la nomination du bureau. Pétion fut presque à l'unanimité proclamé président. Brissot, Condorcet, Rabaud Saint-étienne, Lasource, Vergniaud et Camus, furent élus secrétaires. Ces choix prouvent quelle était alors dans rassemblée l'influence du parti girondin.
L'assemblée législative, qui depuis le 10 ao?t avait été en permanence, fut informée, le 21, par une députation, que la convention nationale était formée, et que la législature était terminée. Les deux assemblées n'eurent qu'à se confondre l'une dans l'autre, et la convention alla occuper la salle de la législative.
Dès le 21, Manuel, procureur-syndic de la commune, suspendu après le 20 juin avec Pétion, devenu très populaire à cause de cette suspension, enr?lé dès-lors avec les furieux de la commune, mais depuis éloigné d'eux, et rapproché des girondins à la vue des massacres de l'Abbaye; Manuel
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