Histoire de Paris depuis le temps des Gaulois jusquà nos jours - II | Page 8

Théophile Lavallée
des pierres qui avaient formé ce monument; l'une d'elles
avait pour inscription:
«Sous Tibère César Auguste, à Jupiter très-bon, très-grand, les nautes
parisiens élevèrent publiquement cet autel[6].»
[Note 6: TIB. CÆSARE. AUG. JOVI. OPTUMO. MAXUMO... M.
NAUTÆ. PARISIAC. PUBLICE. POSUERUNT.]
Ce monument se composait de pierres cubiques ornées de bas-reliefs
représentant des divinités romaines et gauloises, des soldats romains,
des animaux; sa hauteur devait être de six à huit pieds; il était
probablement surmonté d'une statue de Jupiter et avait autour de lui
deux autels et d'autres ornements accessoires. On ne sait à quelle
époque fut détruit ce monument; mais, dès le VIe siècle, sur son
emplacement, existait une chapelle dédiée à saint Étienne, à laquelle on
adjoignit, dans le siècle suivant, une autre chapelle dédiée à
Notre-Dame. Ces deux petits édifices composaient l'église sacro-sainte

des Parisiens ou la cathédrale. Des fouilles faites en 1847 dans le
parvis ont mis à découvert les substructions de cette église qui étaient
superposées à des constructions romaines. On croit que c'est dans cette
cathédrale que Frédégonde se réfugia après le meurtre de son époux,
comme dans un asile inviolable, et que Gontran sollicita le peuple «de
ne pas le tuer comme il avait déjà tué ses frères[7].» Un concile y fut
tenu en 829.
[Note 7: Grég. de Tours, liv. VII, ch. VIII.]
L'église Notre-Dame, telle qu'elle existe aujourd'hui, date de 1161. Sa
construction est due à l'évêque de Paris, Maurice de Sully, et le pape
Alexandre III en posa la première pierre. On put y célébrer l'office
divin dès 1185, et la masse de l'édifice fut achevée (p.020) en 1223;
mais il fallut encore plus d'un siècle pour achever les innombrables
détails de sculpture que nos pères y ont prodigués, le triple portail et la
triple galerie de sa façade, ses portails latéraux, ses trois grandes
fenêtres à vitraux, toutes ces arabesques, ces dentelles, ces colonnettes,
ces statues, ces pierres travaillées à jour, qui font de Notre-Dame l'un
des plus précieux monuments du moyen âge.
Cet édifice a 130 mètres de long sur 48 de large et 35 de hauteur. Les
deux tours ont 68 mètres d'élévation. On a cru longtemps qu'il était bâti
sur pilotis et qu'un perron de onze marches y conduisait: l'inexactitude
de ces deux assertions vulgaires a été démontrée par les travaux de
1711 et les fouilles de 1847.
L'histoire de cet édifice populaire et vénéré est liée à l'histoire de Paris
et même à l'histoire de France. Que de fêtes y ont été célébrées! que de
baptêmes et de mariages royaux, de Te Deum et de De profundis! que
de générations ont passé sous ces sombres portails! que de drapeaux
conquis par nos armes ont été suspendus sous ces antiques voûtes!
Tous nos rois y sont venus remercier Dieu de leurs victoires, tous se
sont empressés d'ajouter quelque chose à sa splendeur. Philippe-le-Bel,
en mémoire de sa bataille de Mons-en-Puelle, avait fait placer à l'entrée
du choeur sa statue équestre élevée sur deux colonnes. Louis XIV fit
reconstruire tout le sanctuaire avec une grande magnificence: alors fut
placée la belle descente de croix, oeuvre de Coustou aîné, qui orne

encore le maître-autel, et aux deux côtés de laquelle se trouvaient les
figures agenouillées de Louis XIII et de Louis XIV offrant leur
couronne à la Vierge.
Dans l'église Notre-Dame se trouvaient les sépultures de la plupart des
évêques de Paris, du maréchal de Guébriant, de Gilles Ménage, etc.
Quand la révolution arriva, les Parisiens associèrent la vieille (p.021)
cathédrale à leur enthousiasme pour la liberté: on y chanta des Te Deum
pour la prise de la Bastille, pour la nuit du 4 août, pour la séance du 4
février, pour l'acceptation de la Constitution; Bailly et La Fayette y
firent le serment «de consacrer leur vie à la défense de la liberté
conquise;» la garde nationale y vint faire bénir ses drapeaux. Mais, en
1793, quand la Commune de Paris tomba sous la stupide domination
des hébertistes, Notre-Dame fut dépouillée de ses objets d'art, mutilée
dans toutes ses parties, principalement dans sa façade, enfin
transformée en un théâtre impie pour le culte de la Raison[8]. Après la
cessation de ces saturnales, l'église fut fermée et servit quelquefois aux
rassemblements de la section de la Cité, section très-révolutionnaire;
c'est là que se réfugièrent les meneurs de la journée du 12 germinal.
Nous avons vu qu'elle fut rendue au clergé constitutionnel sous le
Directoire, mais que les théophilanthropes en firent un temple à l'Être
suprême; qu'il s'y tint en 1801 un concile où assistèrent cent vingt
prêtres ou évoques constitutionnels; que, le 18 avril 1802, une messe et
un Te Deum y furent célébrés pour le rétablissement officiel du culte
catholique; enfin que, le 2 décembre 1804, dans cette basilique de saint
Louis et de Louis XIV, où semblait empreinte toute
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