Histoire de Paris depuis le temps des Gaulois jusquà nos jours - II | Page 9

Théophile Lavallée
la monarchie
ancienne, Napoléon fut sacré, comme Pépin-le-Bref, de la main du
successeur des apôtres.
[Note 8: Hist. gén. de Paris, p. 172.]
Notre-Dame a eu la meilleure part des déblaiements modernes de la
Cité. Autrefois elle avait sur sa gauche l'Archevêché, sur sa droite le
Cloître, et nous avons dit que son parvis était encombré par
l'Hôtel-Dieu, deux églises et plusieurs maisons. L'Archevêché était le
vieux palais construit en 1161 par Maurice de Sully, siége de
l'officialité, devant lequel avaient lieu les duels judiciaires; il servit de

citadelle au cardinal de Retz pendant les troubles de la Fronde, fut
reconstruit en 1697 par le cardinal de Noailles et embelli en 1750 par
l'archevêque de Beaumont[9]. L'Assemblée constituante (p.022) y
siégea du 19 octobre au 9 novembre 1789; la Convention nationale en
fit un annexe de l'Hôtel-Dieu. Ses bâtiments et ses jardins bordaient la
Seine et se prolongeaient jusqu'à la pointe orientale de l'île par une
promenade réservée dite le Terrain.
[Note 9: Les archevêques de Paris étaient seigneurs temporels d'une
partie de la Cité, du bourg Saint-Marcel, de la Ville-l'Évêque et de neuf
autres fiefs dans Paris: la Trémoille ou les Bourdonnais, le Roule, la
Grange-Batélière, les Rosiers, Tirechappe, Thibault-aux-Dés, les
Tombes, près l'Estrapade, et Poissy, près des Chartreux. Leur revenu
s'élevait à 200,000 livres. Ils avaient, dans leur dépendance directe, ou,
pour mieux dire, dans leur propriété, les trois églises collégiales de
Saint-Marcel, de Sainte-Opportune et de Saint-Honoré, lesquelles
étaient appelées les filles de l'archevêque. Leur diocèse comprenait 22
chapitres, 31 abbayes, 66 prieurés, 184 couvents, 472 cures, 256
chapelles, 34 maladreries.]
Le Cloître était compris entre l'église, la rivière et une ligne tirée de la
rue de la Colombe au Parvis; il renfermait dix rues, les deux églises
Saint-Jean-le-Rond et Saint-Denis-du-Pas, l'une appuyée au chevet,
l'autre au côté droit de Notre-Dame, et qui lui servirent successivement
de baptistère, la chapelle Saint-Aignan, les écoles épiscopales, des
maisons, des jardins, etc. C'était le domaine du chapitre de Notre-Dame,
qui, sous Charlemagne, était déjà célèbre par ses écoles, et qui a donné
à l'église six papes, vingt-neuf cardinaux et une multitude
d'évêques[10]. Avec le Cloître et l'Archevêché, la cathédrale
ressemblait à une forteresse occupant toute la partie orientale de la Cité,
ceinte de grosses murailles et ouverte seulement par trois portes
fortifiées. Aujourd'hui, l'Archevêché a disparu; il a été démoli le 14
février 1831 dans un jour de fureur populaire; (p.023) à sa place est une
vaste promenade plantée d'arbres, ornée d'une jolie fontaine, et qui se
confond avec le quai. Le Cloître a été ouvert par des quais et des rues;
l'église Saint-Jean-le-Rond, sur les marches de laquelle d'Alembert
enfant fut exposé, a été détruite en 1748; l'église Saint-Denis-du-Pas, en

1813.
[Note 10: Le chapitre de Notre-Dame était presque aussi riche et
puissant que l'archevêque: son revenu s'élevait à 180,000 livres, et il
avait, dans sa dépendance, les quatre églises collégiales de Saint-Merry,
du Saint-Sépulcre, de Saint-Benoît, de Saint-Étienne-des-Grés,
lesquelles étaient appelées les filles de Notre-Dame.]
Grâce à ces travaux, la vieille cathédrale, débarrassée de tous ses
entours, s'élève aujourd'hui tout isolée à la pointe de la Cité, comme
autrefois l'autel de Jupiter, qu'elle a remplacé. Cependant, on ne saurait
affirmer que ces changements n'ont pas ôté au monument quelque
chose de son caractère imposant et sévère: les vieilles églises gothiques
s'accommodent mal de nos grandes rues, de nos grandes places, de
notre grand jour; et elles ne sont jamais plus majestueuses que
lorsqu'on les voit pressées, serrées avec amour par un troupeau
d'humbles maisons qui semblent se fourrer sous leurs ailes.
Depuis quelques années, une restauration presque complète de
Notre-Dame a été entreprise; elle tend principalement à rendre à sa
façade, à ses tours, à ses portails, les riches ornements de sculpture dont
les mutilations révolutionnaires l'avaient dépouillée. De plus, un
monument doit être élevé, dans l'intérieur, à la mémoire du saint
archevêque tombé en 1848 sous les balles de la guerre civile en disant:
Puisse mon sang être le dernier versé! Enfin, sur son flanc méridional,
on vient de construire un édifice plein d'élégance et de goût destiné à
servir de sacristie et qui est un abrégé de la cathédrale elle-même.

§ IV.
L'Hôtel-Dieu.
L'Hôtel-Dieu, d'après une tradition qui n'est rien moins que (p.024)
certaine, a été fondé vers le milieu du VIIIe siècle par saint Landry,
huitième évêque de Paris. Il prit de l'accroissement sous
Philippe-Auguste; mais, si l'on en juge par un don de ce roi, les

malades n'y étaient pas traités avec luxe: «Pour le salut de notre âme,
dit-il, nous accordons, pour l'usage des pauvres demeurant à la
Maison-Dieu de Paris, toute la paille de notre chambre et de notre
maison, toutes les fois que nous quitterons cette ville pour aller coucher
ailleurs.» Saint Louis fut plus généreux, et ses libéralités permirent de
donner des

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