Histoire de Paris depuis le temps des Gaulois jusquà nos jours - II | Page 5

Théophile Lavallée
Bains, un vestibule
et l'escalier. «Rien ne peut donner, dit M. Vitet, une plus juste idée de
l'admirable organisation de Lesueur, rien ne fait mieux connaître la
souplesse de son esprit et son aptitude à percevoir la beauté sous toutes
ses formes, que les charmantes et si nombreuses compositions créées
par lui pour l'hôtel Lambert. Son imagination presque dévote accepta
sans restriction, quoique avec une chaste réserve, toutes les données de
la mythologie: il semblait qu'il voulût frayer la route à Fénelon pour
passer du cloître à l'Olympe, en lui apprenant comment on peut mêler
au plus sévère parfum d'antiquité cette tendresse d'expression et cette
sensibilité pénétrante qui n'appartient qu'aux âmes chrétiennes.» L'hôtel
Lambert devint en 1739 la propriété de la marquise Du Châtelet, et le
cabinet des Muses fut habité pendant quatre ans par Voltaire, qui
écrivait à Frédéric: «C'est une maison faite pour un souverain qui serait
philosophe.» Il appartint ensuite au fermier général Dupin, qui le vendit
à Marin Lahaye, son confrère. En 1777, les peintures du cabinet des

Muses et du salon de l'Amour furent achetées par Louis XVI et
transportées au Louvre. Pendant la révolution, l'hôtel Lambert fut
acquis par M. de Montalivet, et une partie des tableaux de
l'appartement des Bains fut transportée dans un château de ce ministre.
Il ne reste aujourd'hui des peintures qui ont fait la gloire de cet hôtel
qu'une partie de la galerie de Lebrun, la coupole de l'appartement des
Bains et des fragments de l'escalier et du vestibule. L'hôtel Lambert a
été acheté en 1842 par la princesse Czartorinska, qui l'habite et l'a fait
restaurer.
L'hôtel Bretonvilliers, situé rue Bretonvilliers, nº 2, et quai de Béthune,
dit autrefois quai des Balcons, avait été construit par Ducerceau pour
Le Ragois de Bretonvilliers, président de la (p.012) Chambre des
comptes. Sa position sur la Seine est telle que Tallemant des Réaux dit:
«Après le sérail de Constantinople, c'est le bâtiment du monde le mieux
situé.» Il avait été décoré par Vouet, et l'on y voyait des peintures de
Mignard, de Poussin, de Bourdon, etc. Tout cela a entièrement disparu,
ainsi que la plus grande partie de l'hôtel, qui, dès 1719, renferma les
bureaux de la ferme générale, et, en 1793, devint le centre des
manufactures d'armes établies à Paris.
Sur le quai d'Orléans était l'hôtel Turgot, où ce grand ministre mourut
en 1783. Dans la rue Regratière a demeuré l'évêque Gobel, qui le
premier se déprêtrisa devant la Convention et périt avec la faction
hébertiste[3].
[Note 3: Voyez Hist. gén. de Paris, p. 173.]

CHAPITRE IV.
ÎLE DE LA CITÉ.
L'île de la Cité a plus de 200,000 mètres carrés de superficie. Elle est
bordée par les quais Napoléon, Desaix, de l'Horloge, des Orfèvres, du
Marché-Neuf et de l'Archevêché. Sa communication avec la rive droite
s'effectue par les ponts Louis-Philippe, d'Arcole, Notre-Dame, au

Change et le Pont-Neuf; avec la rive gauche par les ponts Neuf,
Saint-Michel, Petit-Pont, Saint-Charles, aux Doubles, de l'Archevêché;
avec l'île Saint-Louis par les ponts de la Cité et Louis-Philippe. Elle
forme deux quartiers: celui de la Cité, qui appartient au neuvième
arrondissement; celui du Palais de Justice, qui appartient au onzième.
L'histoire de cette île, vénérable berceau de Paris, est l'histoire de la
ville elle-même jusqu'au XIIIe siècle. Le Paris des deux rives n'avait
alors qu'une médiocre importance: à cause de Notre-Dame et du Palais,
ces deux métropoles religieuse et politique, tous les (p.013) événements
se concentraient dans la Cité, et la population, les églises, les
établissements de tout genre ne cessaient de s'y entasser. A partir du
XIIIe siècle et à mesure que le Paris des deux rives s'agrandit, la Cité
perd de son importance, mais non de sa popularité, car elle reste le
centre des affaires politiques, et même, à cause du Parlement, le centre
des affaires commerciales: elle garde ce caractère jusqu'à la fin du
XVIIe siècle. A dater de cette époque, et surtout de 1789, la Cité cesse
de jouer le premier rôle dans l'histoire de Paris; la richesse s'en est
éloignée; il n'y reste qu'une population misérable et souffrante; elle
devient même un repaire de vagabonds, de repris de justice et de
prostituées; aucun événement ne vient la remettre en saillie, et elle ne
garde d'importance politique que par le Palais de Justice et surtout par
la Préfecture de police, positions de premier ordre, dont les révolutions
ne manquent jamais de s'emparer.
La Cité présentait encore, il y a soixante ans, l'aspect peu séduisant
qu'elle avait au moyen âge: à l'extérieur, privée de quais, sauf dans sa
partie occidentale, ayant ses maisons hautes, fétides, obscures, pressées
sur les bords de la Seine, bordée d'eaux sales, d'herbes dégoûtantes, de
blanchisseries, de guenilles suspendues de toutes parts, elle offrait à
l'intérieur un amas inextricable de ruelles hideuses, de masures noires,
de bouges infects, ruche
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