des scabini ou échevins. Le premier comte de Paris se nommait étienne. ?Les Capitulaires lui furent signifiés, dit un contemporain, pour qu'il les f?t publier dans une assemblée publique et en présence des échevins. L'assemblée déclara qu'elle voulait toujours conserver ces Capitulaires; et tous les échevins, les évêques, les abbés, les comtes les signèrent de leur propre main[5].? Et voilà la première assemblée nationale qui ait voté dans Paris une première constitution!
[Note 5: Capitul. de Baluze, t. Ier, col. 391.]
La ville était encore réduite à son ?le et aux chétifs faubourgs de ses deux rives; elle avait même laissé ruiner ses murailles et ses tours, quand les hommes du Nord vinrent, pendant près d'un demi-siècle, la mettre à de rudes épreuves. En 841 eut lieu leur première incursion; les habitants s'enfuirent avec leurs richesses; la ville fut pillée; Charles le Chauve accourut et acheta le départ des barbares. En 856 eut lieu la deuxième incursion. ?Les Danois, disent les Annales de saint Bertin, envahissent la Lutèce des Parisiens et br?lent la basilique du bienheureux Pierre et celle de Sainte-Geneviève; d'autres basiliques, telles que celles de Saint-étienne (Notre-Dame), Saint-Vincent et Saint-Germain (Saint-Germain-des-Prés), Saint-Denis (Saint-Denis-de-la-Chartre), se rachetèrent de l'incendie à prix d'or. Les marchands transportèrent leurs richesses sur des bateaux pour s'enfuir; mais les barbares prirent les bateaux et les marchands et br?lèrent leurs maisons.? En 861, troisième incursion: l'église Saint-Germain-des-Prés fut dévastée et incendiée. Alors Charles le Chauve releva la muraille de la Cité, fit reconstruire le grand pont qui avait été br?lé, rétablit les tours et les portes des deux
ponts, tant du c?té de la Cité qu'au delà des deux bras de la rivière; enfin il fit batir la grosse tour du Palais. Aussi quand les Normands vinrent une quatrième fois en 885, la ville était prête à résister: elle avait de nombreux défenseurs, et, pour les commander, l'évêque Gozlin, le comte Eudes et Hugues, ?le premier des abbés.? Toutes les églises voisines y avaient envoyé leurs richesses et leurs reliques. Le siége dura un an: les Normands, au nombre de trente mille, se ruèrent vainement contre les murailles et la grosse tour des Parisiens. Enfin le roi Charles le Gros arriva avec une armée; mais, au lieu de combattre pour délivrer la ville, il acheta la retraite des pirates. Cette lacheté le fit tomber du tr?ne et remplacer par le fondateur d'une dynastie nouvelle, le comte Eudes, sous lequel Paris ne revit plus les hommes du Nord. Nous les avons revus, nous, après dix siècles d'intervalle, et tra?nant derrière eux toute l'Europe en armes! Que d'événements entre les deux invasions de 885 et de 1814; entre le comte Eudes, défendant la grosse tour de bois du Palais, et les maréchaux Marmont et Moncey, noirs de poudre, l'épée sanglante, couvrant les barrières de Belleville et de Clichy; entre la déposition de Charles le Gros et l'abdication de Napoléon!
§ IV.
Paris sous les Capétiens, jusqu'à Louis VII.--écoles de Paris.--Abélard.--Hanse parisienne.
Le Xe siècle est l'époque la plus triste de l'histoire de Paris comme de l'histoire de toute la France: les famines et les pestes sont continuelles; la guerre n'a point de relache; on se croit près de la fin du monde. Aussi la ville ne prend aucun accroissement, et l'on n'y voit batir dans la Cité que les petites églises de Saint-Barthélémy, de Saint-Landry, de Saint-Pierre-des-Arcis. Mais avec les rois de la troisième race, Paris reprend un peu de vie: de capitale du duché des Capétiens, elle devient capitale du royaume et profite de sa position géographique pour centraliser autour d'elle la plus grande partie de la France. Cependant son influence n'est pas d'abord politique: heureuse d'être ville royale et affranchie de la turbulente vie des communes, protégée par des franchises et des coutumes qui dataient du temps des Gaulois, vivant paisible à l'ombre du sceptre de ses ma?tres, elle se contente d'avoir sur les provinces l'influence des idées, du savoir, de l'intelligence. Ainsi, au XIe siècle, commence la renommée de ses écoles, foyer de lumières où le monde venait déjà s'éclairer, centre des mouvements populaires, sources intarissables de grandes pensées et de joyeux propos, d'actions généreuses et de tumultueux plaisirs. Paris s'appelle déjà la ville des lettres. ?Les savants les plus illustres, dit un contemporain, y professent toutes les sciences; on y accourt de toutes les parties de l'Europe; on y voit rena?tre le go?t attique, le talent des Grecs et les études de l'Inde[6].? L'école épiscopale, qui avait déjà jeté quelque éclat sous Charlemagne, devient la lumière de l'église sous les ma?tres Adam de Petit-Pont, Pierre Comestor, Michel de Corbeil, Pierre-le-Chantre et surtout Guillaume de Champeaux. Mais elle est bient?t éclipsée par l'école qu'ouvre dans la Cité, près de la maison du chanoine Fulbert, Abélard, le grand homme du siècle, qui, malgré les persécutions dont il fut l'objet,