saint évêque avait détruite en jetant les idoles dans le fleuve. Une autre, pleine de grace et de poésie, racontait qu'une bergère de Nanterre, sainte Geneviève, avait deux fois sauvé la ville: la première en lui amenant, dans un temps de famine, douze bateaux de blé tiré de la Champagne; la seconde en détournant de ses murs par ses prières le dévastateur Attila.
§ II.
Paris sous les rois de la première race.
Les Francs envahissent la Gaule: avec eux la fortune de Lutèce, qui prend le nom de Paris, commence à changer, et l'une des plus humbles cités du monde romain tend à devenir la capitale d'un grand empire. Childéric en fit la conquête; Clovis y fixa sa résidence; la plupart de ses successeurs l'imitèrent et séjournèrent dans le Palais. Alors la ville fut enceinte d'une muraille, dont on a retrouvé les restes en plusieurs endroits de la Cité, et elle se peupla de nouvelles églises qui n'existent plus: Saint-Christophe, Saint-Jean-le-Rond, Saint-Denis-du-Pas, Saint-Germain-le-Vieux, Saint-Denis-de-la-Chartre, etc. Elle continua aussi à s'étendre sur les deux rives de la Seine, et jeta sur les hauteurs ou dans les plaines voisines de grandes basiliques ou d'humbles chapelles qui
devaient engendrer les rues, les quartiers, les faubourgs modernes: c'étaient des jalons marqués à son ambition et qu'elle devait dépasser. Ainsi furent baties sur la rive gauche, les abbayes Sainte-Geneviève et Saint-Germain-des-Prés, les chapelles Saint-Julien, Saint-Severin, Saint-étienne-des-Grès, Saint-Marcel; sur la rive droite, l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, l'abbaye Saint-Martin-des-Champs, les chapelles Saint-Gervais, Saint-Paul, Sainte-Opportune[3], etc. Tous ces édifices, la plupart fort petits, construits en bois, couverts de chaume ou de branches d'arbres, donnaient alors au bassin de Paris bordé de hauteurs toutes boisées, rempli de massifs de vieux chênes, traversé à peine par quelques sentiers, l'aspect le plus pittoresque.
[Note 3: Nous parlerons de chacune de ces églises dans l'Histoire des quartiers de Paris.]
Paris joua un grand r?le sous les rois de la première race: c'était la capitale d'un des quatre royaumes de la Gaule franque; les Francs Saliens ou Neustriens la regardaient comme le chef-lieu de leur domination, et elle excitait la convoitise et la haine des Francs Ripuaires ou Austrasiens. Aussi, en 574, Sigebert, roi de Metz, dans la guerre qu'il fit à son frère Chilpéric, roi de Soissons, br?la Paris.
Cette ville n'eut pas moins à souffrir de la tyrannie des rois barbares qui y faisaient leur résidence. Ainsi, lorsque Chilpéric maria l'une de ses filles à un roi des Visigoths, il voulut lui faire un grand cortége pour l'envoyer en Espagne (584); alors ?il ordonna de prendre dans les maisons de Paris beaucoup de familles et de les mettre dans des chariots, sous bonne garde. Plusieurs, craignant d'être arrachés à leurs familles, s'étranglèrent; d'autres personnes de grande naissance firent leur testament, demandant qu'il f?t ouvert, comme si elles étaient mortes, dès que la fille du roi entrerait en Espagne. Enfin, la désolation fut si grande dans Paris qu'elle fut comparée à celle de l'égypte[4].?
[Note 4: Grégoire de Tours, liv. IV, ch. XLV.]
Le clergé imposait seul un frein aux passions brutales, aux volontés tyranniques des rois francs; les évêques de Paris ne manquèrent pas à cette tache, et presque tous firent les plus grands efforts pour soulager leur troupeau: ainsi, saint Germain arrêta les débordements et les crimes du roi Caribert; saint Landry vendit tous ses biens, et jusqu'aux vases sacrés de son église, pour nourrir les pauvres pendant une famine.
Lorsque les rois francs tombèrent sous la domination des maires du palais, ils habitèrent les grands manoirs des bords de l'Oise et cessèrent de séjourner à Paris. Cependant, ils y venaient quelquefois ?pour s'asseoir sur le tr?ne, dit Eginhard, et faire les monarques;? mais dans ces temps rustiques, leurs entrées n'étaient pas celles de Louis XIV ou de Napoléon: ?Ils étaient montés, dit le même historien, sur un chariot tra?né par des boeufs, qu'un bouvier conduisait.?
§ III.
Paris sous les rois de la deuxième race.--Siége de Paris par les Normands.
La ville ne s'agrandit pas sous Charlemagne et ses successeurs. Ces rois, de race germanique, n'y résidèrent point et ne la traversèrent que rarement; aussi, son histoire, à cette époque, est-elle entièrement nulle. Cependant, elle garde sa renommée, et si un écrivain la nomme ?la plus petite des cités de la Gaule,? un autre l'appelle ?le trésor des rois et le grand marché des peuples.? Elle est célèbre par ses fabriques d'armes et d'étoffes de laine, par ses orfèvres qui se glorifient d'avoir eu dans leur corporation saint éloi, enfin, par son école de Saint-Germain-l'Auxerrois, qui a laissé son nom à une place de la ville. Quant à son gouvernement, c'était celui que Charlemagne avait donné à toutes les parties de son empire, c'est-à-dire que Paris était administré par un comte chargé de lever des troupes, de rendre la justice, de percevoir les imp?ts, et qui avait pour assesseurs