Histoire de Paris depuis le temps des Gaulois jusquà nos jours - I | Page 6

Théophile Lavallée
hanse un compagnon avec
lequel il devait partager les bénéfices. La hanse parisienne, qu'on
appelait aussi la marchandise, devint à cette époque la municipalité de
Paris.

§ V.
Paris sous Philippe-Auguste.--Deuxième enceinte de la ville.
A mesure que le royaume s'étend et s'arrondit, la capitale s'accroît et
s'embellit. Sous Philippe-Auguste, on construit les premiers aqueducs
qui aient été faits depuis la domination romaine, ceux qui amènent sur
la rive droite les eaux de Belleville et du pré Saint-Gervais; on bâtit les
premières halles; on établit le premier pavé. «Le roi, dit Rigord,

historien de Philippe-Auguste, s'approcha des fenêtres du Palais où il se
plaçait quelquefois pour regarder la Seine. Des voitures traînées par des
chevaux traversaient alors la Cité, et remuant la boue, en faisaient
exhaler une odeur insupportable. Philippe en fut suffoqué et conçut dès
lors un grand projet qu'aucun des rois précédents n'avait osé
entreprendre. Il convoqua les bourgeois et le prévôt et leur ordonna de
paver avec de forts et durs carreaux de pierre toutes les rues et voies de
la ville.» Mais cette entreprise ne s'effectua qu'avec beaucoup de
lenteur: on ne pava dans la Cité que la rue qui joignait les deux ponts,
et hors de la Cité le commencement des rues Saint-Denis et
Saint-Jacques[9]. Les autres rues, larges à peine de huit pieds,
restèrent des cloaques pleins d'immondices, parcourus à toute heure par
des animaux domestiques, surtout par des cochons[10].
[Note 9: Sous Louis XIII, il n'y avait encore de pavé que la moitié de la
ville.]
[Note 10: Le fils aîné de Louis VI, en passant rue du Martrois, près de
la place de Grève, fut jeté à bas de son cheval par un de ces cochons, et
mourut de sa chute.]
Paris commence aussi à devenir une ville monumentale: on y ouvre
trois colléges et les deux hôpitaux de la Trinité et de Sainte-Catherine;
on y construit les églises des Saints-Innocents, de
Saint-Thomas-du-Louvre, de Sainte-Madeleine, de
Saint-André-des-Arts, de Saint-Côme, de Saint-Jean-en-Grève, de
Saint-Honoré, aujourd'hui détruites, de Saint-Gervais, de
Saint-Nicolas-des-Champs, de Saint-Étienne-du-Mont, qui existent
encore, le couvent des Mathurins, l'abbaye Saint-Antoine-des-Champs,
enfin la grande Notre-Dame, oeuvre de l'évêque Maurice de Sully, et
qui ne fut achevée qu'au bout de deux siècles[11]. Le roi agrandit le
château du Louvre, commencé par ses prédécesseurs, au moyen d'un
terrain acheté aux religieux de Saint-Denis-de-la-Chartre: il l'achète
pour une rente annuelle de trente sous qui était encore payée en 1789,
et il y fait bâtir la grosse Tour, qui devint le symbole de la suzeraineté
royale et la prison des vassaux rebelles. Quant aux maisons du peuple,
elles restent ce qu'elles étaient depuis des siècles, des tanières de boue

et de chaume, où les familles s'entassent sans meubles, presque sans
vêtements, soumises à toutes les misères, à toutes les humiliations,
mais pleines de résignation et de foi. «Le peuple s'inquiétait peu des
bouges obscurs et infects où il couchait, pourvu qu'elle fût grande, riche,
magnifique, cette église où il passait la moitié de ses jours, où tous les
actes de sa vie étaient consacrés, où il trouvait l'égalité bannie des
autres lieux, où il repaissait son coeur et ses yeux du plus grand des
spectacles. La cathédrale avec sa flèche pyramidale, sa forêt
de colonnes, ses balustres ciselées, sa foule de statues, sa musique
majestueuse, ses pompeuses cérémonies, ses cierges, ses tentures, ses
prêtres, c'était là sa gloire et sa jouissance de tous les jours: c'était sa
propriété, son oeuvre, sa demeure aussi, car c'était la maison de
Dieu[12].»
[Note 11: Nous donnerons l'histoire et la description de chacune de ces
églises dans l'Histoire des quartiers de Paris.]
[Note 12: Histoire des Français, 11e édition, t. Ier, p. 321.]
A cette époque, le Parloir aux Bourgeois, qui, dans les siècles
précédents, était situé près de la porte Saint-Jacques, fut transféré près
du grand Châtelet, sur le quai de la Mégisserie. Les écoles de Paris
furent réunies en Université, et celle-ci prit le titre de fille aînée des rois.
Les vingt mille écoliers qui la composaient obtinrent de si grandes
franchises qu'ils formèrent un monde à part dans la ville, exempt de
toute juridiction municipale, libre jusqu'à la licence, insolent,
tumultueux, réceptacle de toutes les subtilités et de toutes les débauches.
Des querelles incessantes, des rixes interminables éclatèrent entre les
clercs et les bourgeois; la royauté, embarrassée devant l'autorité
ecclésiastique, intéressée d'ailleurs à garder cette jeunesse venue de
toutes les provinces, se prononça toujours en faveur des premiers et
força souvent les prévôts de Paris à des réparations humiliantes envers
l'Université; enfin, une ordonnance de Philippe-Auguste, confirmée par
tous les rois jusqu'au XVIe siècle, interdit aux officiers royaux de
mettre la main sur un clerc, hors le cas de flagrant délit, et dans ce cas,
leur prescrivit de livrer immédiatement le délinquant aux juges
ecclésiastiques. Aussi les
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