d'un
certain Valdus, de Lyon. Ceux-ci étaient mauvais, mais bien moins
mauvais que les autres; car ils s'accordaient avec nous en beaucoup de
choses, et ne différaient que sur quelques-unes. Pour ne rien dire de la
plus grande partie de leurs infidélités, leur erreur consistait
principalement en quatre points; en ce qu'ils portaient des sandales à la
manière des Apôtres; qu'ils disaient qu'il n'était permis en aucune façon
de jurer ou de tuer; et en cela surtout que le premier venu d'entre eux
pouvait au besoin, pourvu qu'il portât des sandales, et sans avoir reçu
les ordres de la main de l'évêque, consacrer le corps de Jésus-Christ.
«Qu'il suffise de ce peu de mots sur les sectes des hérétiques.--Lorsque
quelqu'un se rend aux hérétiques, celui qui le reçoit lui dit: «Ami, si tu
veux être des nôtres, il faut que tu renonces à toute la foi que tient
l'Église de Rome. Il répond: J'y renonce.--Reçois donc des Bons
hommes le Saint-Esprit. Et alors il lui souffle sept fois dans la bouche.
Il lui dit encore:--Renonces-tu à cette croix que le prêtre t'a faite, au
baptême, sur la poitrine, les épaules et la tête, avec l'huile et le
chrême?--J'y renonce.--Crois-tu que cette eau opère ton salut?--Je ne le
crois pas.--Renonces-tu à ce voile qu'à ton baptême le prêtre t'a mis sur
la tête?--J'y renonce.--C'est ainsi qu'il reçoit le baptême des hérétiques
et renie celui de l'Église. Alors tous lui imposent les mains sur la tête, et
lui donnent un baiser, le revêtent d'un vêtement noir, et dès lors il est
comme un d'entre eux.» Petrus Vall. Sarnaii, c. I, ap. Scr. fr. XIX. 5, 7.
Extrait d'un ancien registre de l'Inquisition de Carcassonne. (Preuves de
l'Histoire du Languedoc, III, 371.)
Voy. Gieseler. II, P. 2, p. 495.--Sandii nucleus hist. eccles., VI; 404:
«Veniens papa Nicetas nomine a Constantinopoli...»
Steph. de Borb., ap. Gieseler, II, P. 2a. 508.]
Ainsi à côté de l'Église, s'élevait une autre Église dont la Rome (p. 018)
était Toulouse. Un Nicétas de Constantinople avait présidé près de
Toulouse, en 1167, comme pape, le concile des évêques manichéens.
La Lombardie, la France du Nord, Albi, Carcassonne, Aran, avaient été
(p. 019) représentées par leurs pasteurs. Nicétas y avait exposé la
pratique des manichéens d'Asie, dont le peuple s'informait avec
empressement. L'Orient, la Grèce byzantine, envahissaient
définitivement l'Église occidentale. Les Vaudois eux-mêmes, dont le
rationalisme semble un (p. 020) fruit spontané de l'esprit humain,
avaient fait écrire leurs premiers livres par un certain Ydros, qui, à en
juger par son nom, doit aussi être un Grec. Aristote et les Arabes
entraient en même temps dans la science. Les antipathies de langues, de
races, de peuples, disparaissaient. L'empereur d'Allemagne, Conrad,
était parent de Manuel Comnène. (p. 021) Le roi de France avait donné
sa fille à un César byzantin. Le roi de Navarre, Sanche l'Enfermé, avait
demandé la main d'une fille du chef des Almohades. Richard
Coeur-de-Lion se déclara frère d'armes du sultan Malek-Adhel, et lui
offrit sa soeur. Déjà Henri II avait menacé le pape de se faire
mahométan. On assure que Jean offrit réellement aux Almohades
d'apostasier pour obtenir leur secours. Ces rois (p. 022) d'Angleterre
étaient étroitement unis avec le Languedoc et l'Espagne. Richard donna
une de ses soeurs au roi de Castille, l'autre à Raimond VI. Il céda même
à celui-ci l'Agénois, et renonça à toutes les prétentions de la maison de
Poitiers sur Toulouse. Ainsi les hérétiques, les mécréants, s'unissaient,
se rapprochaient de toutes parts. Des coïncidences fortuites y
contribuaient; par exemple, le mariage de l'empereur Henri VI avec
l'héritière de Sicile établit des communications continuelles entre
l'Allemagne, l'Italie et cette île tout arabe. Il semblait que les deux
familles humaines, l'européenne et l'asiatique, allassent à la rencontre
l'une de l'autre; chacune d'elles se modifiait, comme pour différer
moins de sa soeur. Tandis que les Languedociens adoptaient la
civilisation moresque et les croyances de l'Asie, le mahométisme s'était
comme christianisé dans l'Égypte, dans une grande partie de la Perse et
de la Syrie, en adoptant sous diverses formes le dogme de
l'incarnation[18].
[Note 18: Le mahométisme se réconcilie en ce moment dans l'Inde avec
les régions du pays, comme avec le christianisme au temps de Frédéric
II. (Note de 1833.)]
Quels devaient être dans ce danger de l'Église le trouble et l'inquiétude
de son chef visible? Le pape avait, depuis Grégoire VII, réclamé la
domination du monde et la responsabilité de son avenir. (p. 023)
Guindé à une hauteur immense, il n'en voyait que mieux les périls qui
l'environnaient. Ce prodigieux édifice du christianisme au moyen âge,
cette cathédrale du genre humain, il en occupait la flèche, il y siégeait
dans la nue à la pointe de la croix, comme quand de celle de Strasbourg
vous embrassez quarante villes et villages sur les deux rives du Rhin.
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