cou, interrogea Trublet:
--Docteur, vous dites que mes vertiges viennent de l'estomac: vous ��tes s?r?
Avant que Trublet e?t pu r��pondre, madame Doulce s'��cria que les vertiges venaient toujours de l'estomac, et qu'elle avait au sien, deux ou trois heures apr��s les repas, des gonflements douloureux. Puis, elle demanda un rem��de au docteur.
Cependant F��licie r��fl��chissait, car elle ��tait capable de r��flexion. Tout �� coup:
--Docteur, je voudrais vous faire une question que vous trouverez peut-��tre dr?le... mais je voudrais bien savoir si, de conna?tre tout ce qu'il y a dans le corps, d'avoir vu toutes les affaires que nous avons au dedans de nous, ?a ne vous g��ne pas, des moments, avec les femmes. Il me semble que, d'avoir l'id��e de tout ?a, ?a devrait vous d��go?ter.
Trublet, du fond de ses coussins, envoya un baiser �� F��licie:
--Ma ch��re enfant, il n'y a pas de plus fin, de plus riche, de plus beau tissu que la peau d'une jolie femme. C'est ce que je me disais �� l'instant, en contemplant votre nuque, et vous concevez ais��ment que, sous cette impression...
Elle lui fit une grimace de guenon d��daigneuse.
--Croyez-vous que c'est spirituel, de r��pondre par des imb��cillit��s �� une question s��rieuse?
--Eh bien, mademoiselle, puisque vous le voulez, je vais vous faire une r��ponse instructive. Il y a vingt ans, nous avions �� l'h?pital Saint-Joseph, dans la salle d'autopsie, une vieux surveillant ivrogne, le p��re Rousseau, qui, tous les jours, �� onze heures du matin, d��jeunait au bord de la table sur laquelle le cadavre ��tait ��tendu. Il d��jeunait parce qu'il avait faim. Ceux qui ont faim, rien ne les emp��che de manger, d��s qu'ils ont de quoi. Seulement, le p��re Rousseau disait: ?Je ne sais pas si c'est l'air de la salle qui le veut, mais je ne peux rien manger que de frais et d'app��tissant.?
--Je comprends, dit F��licie. Il vous faut des petites bouqueti��res... C'est d��fendu, vous savez... Mais vous ��tes l�� assis comme un Turc, et vous ne m'avez pas ��crit mon ordonnance.
Elle l'interrogea du regard.
--L'estomac, o�� est-ce au juste?
La porte ��tait rest��e entr'ouverte. Un jeune homme tr��s joli, tr��s ��l��gant, la poussa, et, apr��s avoir fait deux pas dans la loge, demanda gentiment s'il pouvait entrer.
--Vous, dit Nanteuil.
Et elle lui tendit la main, qu'il baisa avec plaisir, correction et fatuit��.
Il traita madame Doulce sans ��gards particuliers, et demanda:
--Comment vous portez-vous, docteur Socrate?
C'est ainsi qu'on appelait parfois Trublet, �� cause de sa face camuse et de sa parole subtile.
Trublet, lui d��signant Nanteuil:
--Monsieur de Ligny, voici une jeune personne qui ne sait pas pr��cis��ment si elle a un estomac. La question est grave. Nous lui conseillons de s'en rapporter, pour la r��ponse, �� la petite fille qui mangeait trop de confitures. Sa maman lui disait: ?Tu te feras mal �� l'estomac.? Et elle r��pondit: ?C'est les dames qui ont des estomacs; les petites filles n'en n'ont pas.?
--Mon Dieu! que vous ��tes b��te, docteur! s'��cria Nanteuil.
--Puissiez-vous dire vrai, mademoiselle. La b��tise, c'est l'aptitude au bonheur. C'est le souverain contentement. C'est le premier des biens dans une soci��t�� polic��e.
--Vous ��tes paradoxal, mon cher docteur, observa M. de Ligny. Mais je vous accorde qu'il vaut mieux ��tre b��te comme tout le monde que d'avoir de l'esprit comme personne.
--C'est vrai, ce qu'il dit l��, Robert! s'��cria Nanteuil, sinc��re et p��n��tr��e.
Et elle ajouta, d'un ton m��ditatif:
--Il y a au moins une chose certaine, docteur. C'est que la b��tise emp��che souvent de faire des b��tises. Je l'ai remarqu�� bien des fois. Hommes ou femmes, ce ne sont pas les plus b��tes qui agissent le plus b��tement. Ainsi, il y a des femmes intelligentes qui sont stupides avec les hommes.
--Vous voulez dire celles qui ne peuvent pas s'en passer.
--On ne peut rien te cacher, mon petit Socrate.
--Ah! soupira la grande Doulce, quelle terrible servitude! Toute femme qui ne domine pas ses sens est perdue pour l'art.
Nanteuil haussa ses jolies ��paules, encore un peu pointues de jeunesse:
--Oh! oh! la grande a?eule, n'essayez donc pas d'abrutir la petite classe. En voil��, des id��es! De votre temps, est-ce que les com��diennes dominaient leurs... comment avez-vous dit ?a? Allons donc! elles les dominaient pas du tout.
S'apercevant que Nanteuil devenait orageuse, la grande Doulce se retira avec prudence et dignit��. Et, dans le couloir, elle fit encore une recommandation:
--Ma mignonne, souviens-toi de jouer Ang��lique en bouton de rose. Le r?le l'exige.
Mais Nanteuil, agac��e, ne l'��coutait pas.
--C'est vrai, dit-elle en s'asseyant devant sa toilette, elle me fait bouillir, la vieille Doulce, avec sa morale! Elle croit qu'on a oubli�� ses histoires? Elle se trompe. Madame Ravaud les raconte six fois par semaine. Tout le monde sait qu'elle avait r��duit son musicien de mari �� un tel ��tat d'��puisement qu'un soir il tomba dans son cornet �� piston. Et ses amants, des hommes superbes, demandez �� Michon, en moins de deux ans elle en faisait des souffles, des ombres.
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