forts et moins hardis. Il s��para chaque homme en deux, de mani��re qu'il n'eut plus que deux bras, deux jambes et une t��te, et la race humaine fut d��s lors ce qu'elle est aujourd'hui. Chacun de nous n'est donc qu'une moiti�� d'homme qui a ��t�� s��par��e de son tout comme on divise une sole en deux parts. Ces moiti��s cherchent toujours leurs moiti��s. L'amour que nous avons les uns pour les autres n'est que la force qui nous pousse �� r��unir nos deux moiti��s pour nous r��tablir dans notre ancienne perfection. Les hommes qui proviennent de la s��paration des androgynes aiment les femmes; les femmes qui ont cette m��me origine aiment les hommes. Mais les femmes qui proviennent de la s��paration des femmes primitives n'accordent pas grande attention aux hommes et sont port��es vers les femmes. Ne soyez donc plus surprise quand vous voyez...
--C'est vous, docteur, qui avez imagin�� cette histoire-l��? demanda Nanteuil, en piquant une rose �� son corsage.
Le docteur se d��fendit avec force d'en avoir rien invent��. Au contraire, il en avait, disait-il, retranch�� une partie.
--Tant mieux! s'��cria Nanteuil. Parce que je vais vous dire: Celui qui a trouv�� ?a n'est pas malin.
--Il est mort, dit Trublet.
Nanteuil exprima de nouveau le d��go?t que lui inspirait sa partenaire; mais madame Doulce, qui ��tait prudente et d��jeunait quelquefois chez Jeanne Perrin, d��tourna la conversation.
--Enfin, mignonne, tu le tiens, le r?le d'Ang��lique. Seulement, rappelle-toi ce que je t'ai dit: il faut garder le geste un peu ��troit, la taille un peu raide. C'est le secret des ing��nues. D��fie-toi de ta jolie souplesse naturelle. Les jeunes filles du r��pertoire doivent ��tre un rien poup��e. C'est de style. Le costume le veut. Vois-tu, F��licie, ce que tu dois observer avant tout, quand tu joues dans la M��re confidente, qui est une d��licieuse pi��ce...
F��licie l'interrompit:
--Moi, vous savez, pourvu que j'aie un bon r?le, la pi��ce, je m'en fiche. Et puis, je n'aime pas bien Marivaux... Vous riez, docteur? Est-ce que j'ai fait une gaffe? Ce n'est pas de Marivaux, la M��re confidente?
--Mais si!
--Alors!... Vous cherchez toujours �� m'embrouiller... Je disais que cette Ang��lique m'agace. Je voudrais quelque chose de plus ��toff��, de plus en dehors... Ce soir, surtout, ce r?le m'horripile.
--C'est une raison de croire que tu le joueras tr��s bien, ma mignonne, dit madame Doulce.
Et elle professa:
--Nous n'entrons jamais mieux dans nos r?les que lorsque nous y entrons de force et malgr�� nous. Je pourrais vous en citer de nombreux exemples. Et moi-m��me, dans la Vivandi��re d'Austerlitz, j'ai ��tonn�� la salle enti��re par l'accent de ma gaiet��, au moment o�� l'on venait de m'annoncer que mon pauvre Doulce, si grand artiste et si bon mari, avait ��t�� foudroy�� d'apoplexie, �� l'orchestre de l'Op��ra, en saisissant son cornet �� piston.
--Pourquoi veut-on absolument que je ne sois qu'une ing��nue? demanda Nanteuil, qui voulait ��tre aussi une amoureuse, une grande coquette et jouer tous les r?les.
--Et cela se comprend, poursuivit obstin��ment madame Doulce. L'art de la com��die est un art d'imitation. Or, ce qu'on n'��prouve pas, on l'imite d'autant mieux.
--Ne vous faites pas d'illusions, mon enfant, dit le docteur �� F��licie. Quand on est une ing��nue, on le reste �� jamais. On na?t Ang��lique ou Dorine, C��lim��ne ou madame Pernelle. Au th��atre, les unes ont toujours vingt ans, les autres toujours trente, les autres toujours soixante... Vous, mademoiselle Nanteuil, vous aurez toujours dix-huit ans et vous serez toujours une ing��nue.
--Je suis tr��s contente de mon emploi, r��pondit Nanteuil, mais vous ne pouvez pas exiger que j'interpr��te avec le m��me plaisir toutes les ing��nues. Il y a un r?le, par exemple, que je voudrais bien jouer! C'est Agn��s de l'��cole des femmes.
Au seul nom d'Agn��s! le docteur, ravi, murmura dans ses coussins:
Mes yeux ont-ils du mal pour en donner au monde?
--Agn��s, voil�� un beau r?le! s'��cria Nanteuil. Je l'ai demand�� �� Pradel.
Pradel, directeur du th��atre, ��tait un ancien com��dien, avis�� et bonhomme, d��pouill�� d'illusions et ne nourrissant point de trop hautes esp��rances. Il aimait la paix, les livres et les femmes. Nanteuil n'avait qu'�� se louer de Pradel et elle parlait de lui sans malveillance, avec une honn��te libert��.
--Il a ��t�� ignoble, il a ��t�� d��go?tant, infect, dit-elle; il m'a refus�� le r?le d'Agn��s pour le donner �� Falempin. Il faut dire aussi que je ne lui avais pas demand�� comme il fallait. Tandis que Falempin, elle sait la mani��re, elle! je vous en r��ponds. Mais ?a m'est ��gal: si Pradel ne me laisse pas jouer Agn��s, je l'envoie promener, lui et son sale guignol!
Madame Doulce continua de prodiguer ses enseignements in��cout��s. Com��dienne de m��rite, mais vieillie, us��e, jamais plus engag��e, elle donnait des conseils aux d��butantes, leur ��crivait leurs lettres, et gagnait ainsi l'unique repas qu'elle faisait presque chaque jour, le matin ou le soir.
F��licie, tandis que madame Michon lui nouait un velours noir autour du
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