Henri IV | Page 4

William Shakespeare
temps de c?té nos saints projets sur Jérusalem. Cousin, mercredi prochain nous tiendrons notre conseil à Windsor: instruisez-en les lords, mais vous, revenez promptement vers nous; car il reste plus de choses à dire et à faire, que la colère ne me permet en ce moment de vous l'expliquer.
WESTMORELAND.--Je vais, mon prince, exécuter vos ordres.
SCèNE II
Un autre appartement dans le palais.
Entrent HENRI, prince de Galles, ET FALSTAFF.
FALSTAFF.--Dis donc, Hal[3], quelle heure est-il, mon gar?on?
HENRI.--Tu as l'esprit si fort épaissi à force de t'enivrer de vieux vin d'Espagne[4], de te déboutonner après souper, et de dormir sur les bancs des tavernes l'après-d?ner, que tu ne sais plus demander ce que tu as véritablement envie de savoir. Que diable as-tu affaire à l'heure qu'il est? A moins que les heures ne fussent des verres de vin d'Espagne, les minutes autant de chapons, à moins que nous n'eussions pour horloges la voix des appareilleuses, pour cadrans les enseignes de tabagies, et que le bien-faisant soleil lui-même ne f?t une belle et lascive courtisane en taffetas couleur de feu, je ne vois pas de motif à cette inutilité de venir demander l'heure qu'il est.
[Note 3: Hal. Diminutif de Henri.]
[Note 4: Sack. C'est un grand sujet de discussion que de savoir ce qu'était le sack du temps de Shakspeare, car il n'était pas du temps de Falstaff d'un usage aussi commun que l'a supposé le po?te. Il para?t constant que le sack était un vin d'Espagne; l'usage d'y mettre du sucre donne lieu de croire que c'était un vin sec, comme le mot sack pourrait aussi le faire croire. C'était, selon toute apparence, du vin de Xérès ou de Pacaret; quelques-uns pensent que le sack était un vin br?lé et sucré, une espèce de ratafia. Le sack des Anglais aujourd'hui est le vin des Canaries; on l'appelait alors sweet sack.]
FALSTAFF.--Ma foi, Hal, vous entrez dans mon sens; car nous autres coupeurs de bourses, nous nous laissons conduire par la lune et les sept étoiles, et non par Phoebus, ce chevalier errant, blond[5]. Et je t'en prie, mon cher lustig, dis-moi un peu, quand une fois tu seras roi...--Dieu conserve ta grace (majesté, j'aurais d? dire, car de graces tu n'en auras jamais)!...
HENRI.--Comment! pas du tout?
FALSTAFF.--Non, par ma foi, pas seulement autant qu'on en peut avoir à dire après un oeuf ou du beurre[6].
[Note 5: That wandering knight so fair. Paroles tirées probablement de quelque ancienne ballade sur les aventures du Chevalier du Soleil.]
[Note 6: Not so much as will serve to be prologue to an egg and butter. Le nom de graces se donne également en Angleterre au benedicite qui précède le repas et aux prières qui se disent à la fin. Shakspeare le prend ici dans le premier sens; il a fallu, pour conserver le jeu de mots, y substituer le dernier.]
HENRI.--Eh bien! enfin donc? Au fait, au fait.
FALSTAFF.--Vraiment je veux donc te dire, mon cher lustig, quand tu seras roi, tu ne dois pas souffrir que nous autres gardes du corps de la nuit, soyons traités de voleurs qui attaquent la beauté du jour. Qu'on nous appelle, à la bonne heure, forestiers de Diane, gentilshommes des ténèbres, les mignons de la lune, et qu'on dise de nous que nous nous gouvernons bien, puisque nous sommes comme la mer, gouvernés par notre noble ma?tresse la lune, sous la protection de laquelle nous exer?ons... le vol.
HENRI.--Tu as raison, et ce que tu dis est vrai sous tous les rapports: car notre fortune à nous autres gens de la lune, a son flux et reflux comme la mer; de même que la mer, nous sommes gouvernés par la lune; et pour preuve, une bourse résolument enlevée le lundi soir sera dissolument vidée le mardi matin, gagnée en jurant, la bourse ou la vie, dépensée en criant, apporte bouteille. En cet instant, marée basse comme le pied de l'échelle, nous serons d'un moment à l'autre à flot aussi haut que le bras de la potence.
FALSTAFF.--Pardieu, tu dis bien vrai, mon gar?on.--Et n'est-ce pas que mon h?tesse de la taverne est une agréable créature?
HENRI.--Douce comme le miel d'Hybla, mon vieux garnement[7]. Et n'est-il pas vrai aussi qu'un pourpoint de buffle est une agréable robe de chambre pour prison[8]?
[Note 7: My old lad of the castle. Expression souvent employée par les anciens auteurs, et qui s'était probablement appliquée d'abord aux satellites du seigneur chatelain: elle fait ici allusion au premier nom de Falstaff, qui du moins à ce qu'il para?t, s'était d'abord appelé Oldcastle. Sir John Oldcastle avait été mis à mort sous Henri V, comme partisan des opinions de Wycleff, et soit hasard, soit haine religieuse, son nom était devenu sur le théatre celui d'un personnage burlesque, d'un caractère tout opposé à celui qui fait les martyrs, et très-différent en effet, à ce qu'il para?t, de celui du
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