Henri IV | Page 3

William Shakespeare
en rapport avec le genre de poésie employé dans le reste du discours. Le mot entrance, au contraire, par une de ces extensions si familières à Shakspeare, et si naturelles dans une langue qui n'est point fixée, peut très-bien avoir été employé dans son sens naturel d'entrée, abords, avenue, et dans le sens de bouche; il est même probable que c'est cet avantage de présenter une double idée qui l'aura fait choisir au po?te. Les abords de l'Angleterre en étaient naturellement la partie la plus ensanglantée, soit par les invasions maritimes, soit par les incursions des écossais et des Gallois qui se mêlaient presque toujours à ses troubles civils; et la bouche altérée de la terre teignant ses lèvres, etc., est une métaphore suivie à la manière de Shakspeare, dont la grammaire est beaucoup plus vague que l'imagination. Les commentateurs ont presque toujours le tort de vouloir l'expliquer par la grammaire.]
WESTMORELAND.--Mon souverain, on discutait avec ardeur les moyens de l'exécuter promptement, et hier au soir seulement on avait arrêté plusieurs des dépenses qu'elle exige, lorsqu'à travers ces débats survint tout à coup un courrier de Galles, chargé de facheuses nouvelles. La pire de toutes c'est que le noble Mortimer, qui conduisait les gens du comte d'Hereford contre les troupes irrégulières et sauvages de Glendower, est tombé entre les mains féroces de ce Gallois. Mille de ses soldats ont été massacrés; et les Galloises ont exercé sur leurs cadavres de telles horreurs, leur ont fait subir des mutilations si brutales, si infames, qu'on ne peut les redire ou les indiquer.
LE ROI.--Les nouvelles de ce combat auraient, à ce qu'il para?t, empêché de donner suite à l'affaire de la terre sainte.
WESTMORELAND.--Oui, mon gracieux seigneur, cette nouvelle jointe avec d'autres; car il est venu du Nord, des nouvelles plus pénibles et plus facheuses encore: et les voici. Le jour de l'exaltation de la Sainte-Croix, le vaillant Hotspur, ce jeune Henri Percy, et le brave Archambald, cet écossais tout plein de valeur et de renommée, se sont livrés à Holmedon un sérieux et sanglant combat. Les nouvelles ne nous en sont parvenues que par le bruit de leur mousqueterie, et accompagnées seulement de conjectures; car celui qui nous les a apportées est monté à cheval au moment où la lutte devenait le plus opiniatre, totalement incertain sur l'issue qu'elle pourrait avoir.
LE ROI.--Un ami plein d'affection et d'habile fidélité, sir Walter Blount, arrive ici descendant de cheval et couvert des différentes espèces de poussières qu'il a traversées depuis Holmedon jusqu'à cette résidence; et il nous a apporté des nouvelles agréables et douces. Le comte de Douglas est défait. Sir Walter a vu dans les plaines d'Holmedon dix mille de ces hardis écossais et vingt-deux chevaliers baignés dans leur sang. Au nombre des prisonniers d'Hotspur sont Mordake, comte de Fife, et fils a?né du vaincu Douglas[2], les comtes d'Athol, de Murray, d'Angus et de Menteith. Ne sont-ce pas là d'honorables dépouilles, une riche conquête? Eh, cousin, qu'en dites-vous?
[Note 2: Mordake, comte de Fife, n'était pas fils de Douglas, mais d'Archambald, duc d'Albanie et régent du royaume d'écosse; mais Shakspeare qui suivait sans y regarder de plus près, la version d'Hollinshed, avait été trompé par l'omission d'une virgule dans le texte du chroniqueur, à l'endroit où il fait emmener les prisonniers faits par Hotspur à la bataille d'Holmedon; Mordake earl of Fife, son to the governor Archambald earl Douglas. C'est l'omission de cette virgule après Archambald qui a fait l'erreur de Shakspeare.]
WESTMORELAND.--Oui, certes, c'est une victoire dont pourrait se vanter un prince.
LE ROI.--Eh! vraiment c'est en ceci que tu m'affliges, et que tu me fais faire le péché d'envie contre Northumberland quand je le vois père d'un fils si désirable; d'un fils, le sujet éternel des discours de la louange, la tige la plus élancée du bocage, le favori, l'orgueil de la fortune caressante, tandis que moi spectateur de sa gloire, je vois la débauche et le déshonneur souiller le front de mon jeune Henri. O pl?t au ciel qu'on p?t prouver que quelque fée se glissant dans la nuit, a tiré pour les échanger nos enfants de leurs langes, et qu'elle a nommé le mien Percy, et le sien Plantagenet! Alors j'aurais son Henri et il aurait le mien.--Mais bannissons-le de ma pensée.--Que dites-vous, cousin, de l'orgueil de ce jeune Percy? Les prisonniers qu'il a faits dans cette rencontre, il prétend se les approprier, et il me fait dire que je n'en aurai pas d'autres que Mordake, comte de Fife.
WESTMORELAND.--Ce sont là les le?ons de son oncle; j'y reconnais Worcester, toujours malveillant pour vous dans toutes les occasions. C'est lui qui l'engage à se rengorger ainsi et à lever sa jeune crête contre la dignité de votre couronne.
LE ROI.--Mais je l'ai envoyé chercher pour m'en rendre raison, et c'est ce qui nous oblige à laisser quelque
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