verrier. Elle avait la spontan��it��, la fiert��, les col��res violentes de cette race ardente et chevaleresque dont les types ��tranges tranchent si vivement sur le fond vulgaire et effac�� des populations meusiennes.--Venus, dit-on, de la Normandie, les gentilshommes verriers ��taient ��tablis en Argonne depuis un temps imm��morial. On les y trouve d��j�� install��s sous le r��gne de Philippe le Bel, qui, par lettre royale dat��e de 1314, d��clara que les gentilshommes de Champagne travaillant aux verreries ne d��rogeaient pas �� la noblesse. Ce privil��ge fut confirm�� plus tard par Henri III, et Henri IV lui-m��me ne d��daigna pas de s'occuper des verriers. La mani��re dont ils lui furent pr��sent��s m��rite d'��tre rappel��e.--C'��tait au commencement de mars 1603, et le roi se rendait �� Metz avec Marie de M��dicis; comme on descendait la c?te des Chalaides, au sortir de Sainte-Menehould, plusieurs gentilshommes d��bouch��rent de la lisi��re du bois et coururent au-devant de la voiture. ?Qui sont ces gens-l��? demanda le roi.--Sire, r��pondit le postillon, ce sont des souffleurs de bouteilles...? Le B��arnais se mit �� rire; les mauvaises langues pr��tendent m��me qu'il se permit sur leur compte une plaisanterie assez sal��e. La voiture ne s'arr��ta pas, car il tombait une petite pluie fine, il mousinait, comme on dit dans le pays, et on avait d��j�� perdu beaucoup de temps �� ��couter la harangue des notables de Sainte-Menehould; mais Henri IV fit prendre les placets des verriers, et peu de jours apr��s leur accorda de nouvelles lettres patentes.
Ces gentilshommes, demi-artistes et demi-aventuriers, avaient ��t�� sans doute attir��s dans l'Argonne par les ressources nombreuses que le pays offrait �� leur industrie. Un sable pur y foisonnait dans les bruy��res, et les bois, peu exploit��s, donnaient le charbon �� discr��tion. Eu outre, les retraites giboyeuses des d��fil��s, les eaux poissonneuses de la Biesme, ��taient faites pour retenir des gens qui aimaient la bonne ch��re et avaient toujours eu du sang de braconniers dans les veines. La for��t leur plaisait et ils y prosp��r��rent. D��s 1530, Nicolas Volcyr, historiographe de Lorraine, vantait ?les belles voirri��res des boys d'Argonne.? Le dix-septi��me si��cle fut leur age d'or. Colbert avait augment�� leurs privil��ges et assur�� leur monopole. Ils inondaient de leurs bouteilles la Lorraine, la Champagne et la Bourgogne, gagnaient gros et d��pensaient d'autant, faisant ch��re lie, menant grand train et ayant nombreuse lign��e. Les a?n��s succ��daient au chef de famille dans la direction de la verrerie, les cadets ne rougissaient pas de leur servir d'ouvriers; quelques-uns cependant devenaient gens d'��p��e ou gens d'��glise; l'un d'eux, Nicolas de Cond��, fut de la Compagnie de J��sus et pronon?a une oraison fun��bre du roi Louis XIII. Les filles ��pousaient des verriers du voisinage ou se faisaient religieuses. D��daign��s de la noblesse territoriale, qui raillait leurs occupations manuelles et les appelait des gentilshommes de verre[1], ils se tenaient fi��rement �� l'��cart, ne frayant qu'avec leurs confr��res, et rendant avec usure aux bourgeois les m��pris hautains des nobles familles du voisinage.
La r��volution de 1789 porta un rude coup �� leur prosp��rit�� en an��antissant leur monopole. Mais aujourd'hui encore ils ont en grand m��pris les roturiers, qu'ils tiennent �� distance et qu'ils appellent des sacr��s-matins; ils ne se marient gu��re qu'entre eux, et la fille d'un gentilhomme verrier ferait plut?t d'un bourgeois son amant que son mari. La plupart vivent tr��s pauvrement et ont adopt�� les moeurs et le costume des paysans au milieu desquels ils habitent; quelques-uns, fatigu��s de leur oisivet��, ont pris du service et sont devenus de bons officiers.
C'��tait ce qu'avait fait le capitaine Jacques de Maupri��, p��re de Gertrude; mais ses efforts pour tirer sa famille de l'orni��re n'avaient pas r��ussi. Il ��tait mort trop t?t, et Gertrude, confi��e aux soins de sa tante, ��tait pr��cis��ment tomb��e dans ce milieu d'o�� le capitaine avait si ��nergiquement cherch�� �� sortir. Comme on l'a vu plus haut, la veuve de Maupri��, qui vivait maigrement d'une rente viag��re de deux mille francs, avait accueilli sa ni��ce sans enthousiasme, et la vie que l'orpheline menait �� Lachalade ��tait des plus p��nibles. Sa nature expansive et affectueuse ��tait sans cesse refoul��e et froiss��e, tant?t par la rudesse de Gaspard ou les m��chancet��s de Reine et d'Honorine, tant?t par les glaciales rebuffades de la veuve. Un seul membre de la famille, Xavier, lui avait toujours montr�� de la sympathie.
Xavier de Maupri�� venait d'entrer dans sa vingt-troisi��me ann��e. Il avait ��t�� ��lev�� jusqu'�� dix-huit ans au petit s��minaire de Verdun, et sa premi��re impression, �� son retour au logis, fut la vue de cette charmante cousine de quatorze ans qui lui sauta au cou le plus gentiment du monde. Madame de Maupri�� avait eu l'espoir qu'il entrerait dans les ordres; mais la vocation ne venant pas, Xavier s'en retourna �� Lachalade sans avoir une id��e arr��t��e au sujet d'une carri��re quelconque. La famille ��tait trop pauvre
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.