trois-mâts ennemi; mais, cette
fois, c'est elle qui le prévient: vingt-deux bouches à feu s'enflamment à
la fois; la bordée porte en plein bois; une partie du bastingage du
bâtiment anglais vole en morceaux; quelques cris étouffés se font
entendre; puis, à son tour, il tonne de toute sa batterie et renvoie à la
Minerve les messagers de mort qu'il vient d'en recevoir, tandis que
l'artillerie du fort plonge de son côté sur elle, mais sans lui faire d'autre
mal que de lui tuer quelques hommes et de lui couper quelques
cordages.
Puis vient le Ceylan, joli brick de 22 canons, pris, comme le Victor, la
Minerve et le Windham, quelques jours auparavant sur les Anglais, et
qui, comme le Victor et la Minerve, allait combattre pour la France, sa
nouvelle maîtresse. Il s'avança léger et gracieux comme un oiseau de
mer qui rase les flots. Puis, arrivé en face du fort et du trois-mâts, le
fort, le trois-mâts et le Ceylan s'enflammèrent ensemble, confondant
leur bruit, tant ils avaient tiré en même temps, et mêlant leur fumée,
tant ils étaient proches l'un de l'autre.
Restait le capitaine Duperré, qui montait la Bellonne.
C'était déjà à cette époque un des plus braves et des plus habiles
officiers de notre marine. Il s'avança à son tour, serrant l'île de la Passe
plus près que n'avait fait aucun des autres bâtiments; puis, à bout
portant, flanc contre flanc, les deux bords s'enflammèrent, échangeant
la mort à portée de pistolet. La passe était forcée; les quatre bâtiments
étaient dans le port; ils se rallient alors à la hauteur des Aigrettes, et
vont jeter l'ancre entre l'île aux Singes et la Pointe de la Colonie.
Aussitôt le capitaine Duperré se met en communication avec la ville, et
il apprend que l'île Bourbon est prise, mais que, malgré ses tentatives
sur l'île de France, l'ennemi n'a pu s'emparer que de l'île de la Passe. Un
courrier est à l'instant même expédié au brave général Decaen,
gouverneur de l'île, pour le prévenir que les quatre bâtiments français,
le Victor, la Minerve, le Ceylan et la Bellone, sont à Grand-Port. Le 21,
à midi, le général Decaen reçoit cet avis, le transmet au capitaine
Hamelin, qui donne aux navires qu'il a sous sa direction l'ordre
d'appareiller, expédie à travers terres des renforts d'hommes au
capitaine Duperré, et le prévient qu'il va faire ce qu'il pourra pour
arriver à son secours attendu que tout lui fait croire qu'il est menacé par
des forces supérieures.
En effet, en cherchant à mouiller dans la rivière Noire, le 21, à quatre
heures du matin, le Windham avait été pris par la frégate anglaise
Syrius. Le capitaine Pym, qui la commandait, avait appris alors que
quatre bâtiments français, sous les ordres du capitaine Duperré, étaient
entrés à Grand-Port, où le vent les retenait; il en avait aussitôt donné
avis aux capitaines de La Magicienne et de l'Iphigénie, et les trois
frégates étaient parties aussitôt: le Syrius remontait vers Grand-Port en
passant sous le vent, et les deux autres frégates relevant par le vent pour
atteindre le même point.
Ce sont ces mouvements qu'a vus le capitaine Hamelin, et qui, par leur
rapport avec la nouvelle qu'il apprend, lui font croire que le capitaine
Duperré va être attaqué. Il presse donc lui-même son appareillage; mais,
quelque diligence qu'il fasse, il n'est prêt que le 22 au matin. Les trois
frégates anglaises ont trois heures d'avance sur lui, et le vent, qui se
fixe au sud-est et qui fraîchit de moment en moment, va augmenter
encore les difficultés qu'il doit éprouver pour arriver à Grand-Port.
Le 21 au soir, le général Decaen monte à cheval, et, à cinq heures du
matin, il arrive à Mahebourg, suivi des principaux colons et de ceux de
leurs nègres sur lesquels ils croient pouvoir compter. Maîtres et
esclaves sont armés de fusils, et, dans le cas où les Anglais tenteraient
de débarquer, ils ont chacun cinquante coups à tirer. Une entrevue a
lieu aussitôt entre lui et le capitaine Duperré.
À midi, la frégate anglaise Syrius, qui est passée sous le vent de l'île, et
qui, par conséquent, a éprouvé moins de difficultés sur sa route que les
deux frégates, paraît à l'entrée de la passe, rallie le trois-mâts embossé
près du fort et que l'on a reconnu pour être la frégate la Néréide,
capitaine Willoughby, et toutes deux, comme si elles comptaient à elles
seules attaquer la division française, s'avancent sur nous, faisant la
même marche que nous avions faite; mais, en serrant de trop près le
bas-fond, le Syrius touche, et la journée s'écoule pour son équipage à se
remettre à flot.
Pendant la nuit, le renfort de matelots envoyé par le capitaine Hamelin
arrive, et est distribué sur les quatre bâtiments français, qui comptent
ainsi quatorze cents
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