aigrir les ressentiments, susciter la haine entre les proches parents, forcer les p��res �� d��tester leurs filles, faire rougir les m��res d'avoir donn�� le jour �� des enfants de leur sexe!... Que sais-je! L'ambition et la cupidit�� doivent pousser de fortes racines dans une famille ainsi assembl��e comme une meute affam��e autour de la cur��e du majorat, et l'histoire m'a appris qu'il en peut r��sulter des crimes qui font l'horreur et la honte de l'humanit��. Eh bien, qu'avez-vous �� me regarder ainsi, mon cher ma?tre? vous voil�� tout troubl��! Ne m'avez-vous pas nourri de l'histoire des grands hommes et des laches? Ne m'avez-vous pas toujours montr�� l'h��ro?sme et la franchise aux prises avec la perfidie et la bassesse? ��tes-vous ��tonn�� qu'il m'en suit rest�� quelque notion de justice, quelque amour de la v��rit��?
LE PR��CEPTEUR, baissant la voix.
Gabriel, vous avez raison; mais, pour l'amour du ciel, soyez moins tranchant et moins hardi en pr��sence de votre a?eul.
_(On remue avec impatience dans le cabinet.)_
GABRIEL, _�� voix haute_.
Tenez, l'abb��, j'ai meilleure opinion de mon grand-p��re; je voudrais qu'il m'entend?t. Peut-��tre sa pr��sence va m'intimider; je serais bien aise pourtant qu'il put lire dans mon ame, et voir qu'il se trompe, depuis deux ans, en m'envoyant toujours des jouets d'enfant.
LE PR��CEPTEUR.
Je le r��p��te, vous ne pouvez comprendre encore quelle a ��t�� sa tendresse pour vous. Ne soyez point ingrat envers le ciel; vous pouviez na?tre d��sh��rit�� de tous ces biens dont la fortune vous a combl��, de tout cet amour qui veille sur vous myst��rieusement et assid?ment...
GABRIEL.
Sans doute je pouvais na?tre femme, et alors adieu la fortune et l'amour de mes parents! J'eusse ��t�� une cr��ature maudite, et, �� l'heure qu'il est, j'expierais sans doute au fond d'un clo?tre le crime de ma naissance. Mais ce n'est pas mon grand-p��re qui m'a fait la grace et l'honneur d'appartenir �� la race male.
LE PR��CEPTEUR, _de plus en plus troubl��_.
Gabriel, vous ne savez pas de quoi vous parlez.
GABRIEL.
Il serait plaisant que j'eusse �� remercier mon grand-p��re de ce que je suis son petit-fils! C'est �� lui plut?t de me remercier d'��tre n�� tel qu'il me souhaitait; car il ha?ssait... du moins il n'aimait pas son fils Octave, et il e?t ��t�� mortifi�� de laisser son titre aux enfants de celui-ci. Oh! j'ai compris depuis longtemps malgr�� vous: vous n'��tes pas un grand diplomate, mon bon abb��; vous ��tes trop honn��te homme pour cela...
LE PR��CEPTEUR, _�� voix basse_.
Gabriel, je vous conjure...
_(On laisse tomber un meuble avec fracas dans le cabinet.)_
GABRIEL.
Tenez! pour le coup, le prince est ��veill��. Je vais le voir enfin, je vais savoir ses desseins; je veux entrer chez lui.
_(Il va r��solument vers la porte, le prince la lui ouvre et parait sur le seuil. Gabriel, intimid��, s'arr��te. Le prince lui prend la main et l'emm��ne dans le cabinet, dont il referme sur lui la porte avec violence.)_
SC��NE IV.
LE PR��CEPTEUR, seul.
Le vieillard est irrit��, l'enfant en pleine r��volte, moi couvert de confusion. Le vieux Jules est vindicatif, et la vengeance est si facile aux hommes puissants! Pourtant son humeur bizarre et ses d��cisions impr��vues peuvent me faire tout �� coup un m��rite de ce qui est maintenant lui semble une faute. Puis, il est homme d'esprit avant tout, et l'intelligence lui tient lieu de justice; il comprendra que toute la faute est �� lui, et que son syst��me bizarre ne pouvait amener que de bizarres r��sultats. Mais quelle gu��pe furieuse a donc piqu�� aujourd'hui la langue de mon ��l��ve? je ne l'avais jamais vu ainsi. Je me perdrais en de vaines pr��visions sur l'avenir de cette ��trange cr��ature: son avenir est insaisissable comme la nature de son esprit... Pouvais-je donc ��tre un magicien plus savant que la nature, et d��truire l'oeuvre divine dans un cerveau humain? Je l'eusse pu peut-��tre par le mensonge et la corruption; mais cet enfant l'a dit, j'��tais trop honn��te pour remplir dignement la tache difficile dont j'��tais charg��. Je n'ai pu lui cacher la v��ritable moralit�� des faits, et ce qui devait servir �� fausser son jugement n'a servi qu'�� le diriger...
_(Il ��coute les voix qui se font entendre dans le cabinet.)_
On parle haut... la voix du vieillard est apre et s��che, celle de l'enfant tremblante de col��re... Quoi! il ose braver celui que nul n'a brav�� impun��ment! O Dieu! fais qu'il ne devienne pas un objet de haine pour cet homme impitoyable!
_(Il ��coute encore.)_
Le vieillard menace, l'enfant r��siste... Cet enfant est noble et g��n��reux; oui, c'est une belle ame, et il aurait fallu la corrompre et l'avilir, car le besoin de justice et de sinc��rit�� sera son supplice dans la situation impossible o�� on le jette. H��las! ambition, tourment des princes, quels infames conseils ne leur donnes-tu pas, et quelles consolations ne peux-tu pas leur donner aussi!... Oui, l'ambition, la vanit��, peuvent l'emporter dans l'ame de Gabriel, et le
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