l'embrasser, flatt�� de cet hommage na?f �� la ressemblance de son oeuvre.
Un autre jour, comme elle paraissait tr��s tranquille, on l'entendit tout �� coup d��clarer d'une petite voix triste:
--Maman, je m'ennuie.
Et le peintre fut tellement ��mu par cette premi��re plainte, qu'il fit apporter, le lendemain, tout un magasin de jouets �� l'atelier.
La petite Annette ��tonn��e, contente et toujours r��fl��chie, les mit en ordre avec grand soin, pour les prendre l'un apr��s l'autre, suivant le d��sir du moment. A dater de ce cadeau, elle aima le peintre, comme aiment les enfants, de cette amiti�� animale et caressante qui les rend si gentils et si capteurs des ames. Mme de Guilleroy prenait go?t aux s��ances. Elle ��tait fort d��soeuvr��e, cet hiver-l��, se trouvant en deuil; donc, le monde et les f��tes lui manquant, elle enferma dans cet atelier tout le souci de sa vie.
Fille d'un commer?ant parisien fort riche et hospitalier, mort depuis plusieurs ann��es, et d'une femme toujours malade que le soin de sa sant�� tenait au lit six mois sur douze, elle ��tait devenue, toute jeune, une parfaite ma?tresse de maison, sachant recevoir, sourire, causer, discerner les gens, et distinguer ce qu'on devait dire �� chacun, tout de suite �� l'aise dans la vie, clairvoyante et souple. Quand on lui pr��senta comme fianc�� le comte de Guilleroy, elle comprit aussit?t les avantages que ce mariage lui apporterait, et les admit sans aucune contrainte, en fille r��fl��chie, qui sait fort bien qu'on ne peut tout avoir, et qu'il faut faire le bilan du bon et du mauvais en chaque situation.
Lanc��e dans le monde, recherch��e surtout parce qu'elle ��tait jolie et spirituelle, elle vit beaucoup d'hommes lui faire la cour sans perdre une seule fois le calme de son coeur, raisonnable comme son esprit.
Elle ��tait coquette, cependant, d'une coquetterie agressive et prudente qui ne s'avan?ait jamais trop loin. Les compliments lui plaisaient, les d��sirs ��veill��s la caressaient, pourvu qu'elle p?t para?tre les ignorer; et quand elle s'��tait sentie tout un soir dans un salon encens��e par les hommages, elle dormait bien, en femme qui a accompli sa mission sur terre. Cette existence, qui durait �� pr��sent depuis sept ans, sans la fatiguer, sans lui para?tre monotone, car elle adorait cette agitation incessante du monde, lui laissait pourtant parfois d��sirer d'autres choses. Les hommes de son entourage, avocats politiques, financiers ou gens de cercle d��soeuvr��s, l'amusaient un peu comme des acteurs; et elle ne les prenait pas trop au s��rieux, bien qu'elle estimat leurs fonctions, leurs places et leurs titres.
Le peintre lui plut d'abord par tout ce qu'il avait en lui de nouveau pour elle. Elle s'amusait beaucoup dans l'atelier, riait de tout son coeur, se sentait spirituelle, et lui savait gr�� de l'agr��ment qu'elle prenait aux s��ances. Il lui plaisait aussi parce qu'il ��tait beau, fort et c��l��bre; aucune femme, bien qu'elles pr��tendent, n'��tant indiff��rente �� la beaut�� physique et �� la gloire. Flatt��e d'avoir ��t�� remarqu��e par cet expert, dispos��e �� le juger fort bien �� son tour, elle avait d��couvert chez lui une pens��e alerte et cultiv��e, de la d��licatesse, de la fantaisie, un vrai charme d'intelligence et une parole color��e, qui semblait ��clairer ce qu'elle exprimait.
Une intimit�� rapide naquit entre eux, et la poign��e de main qu'ils se donnaient quand elle entrait semblait m��ler quelque chose de leur coeur un peu plus chaque jour.
Alors, sans aucun calcul, sans aucune d��termination r��fl��chie, elle sentit cro?tre en elle le d��sir naturel de le s��duire, et y c��da. Elle n'avait rien pr��vu, rien combin��; elle fut seulement coquette, avec plus de grace, comme on l'est par instinct envers un homme qui vous pla?t davantage que les autres; et elle mit dans toutes ses mani��res avec lui, dans ses regards et ses sourires, cette glu de s��duction que r��pand autour d'elle la femme en qui s'��veille le besoin d'��tre aim��e.
Elle lui disait des choses flatteuses qui signifiaient: ?Je vous trouve fort bien, Monsieur?, et elle le faisait parler longtemps, pour lui montrer, en l'��coutant avec attention, combien il lui inspirait d'int��r��t. Il cessait de peindre, s'asseyait pr��s d'elle, et, dans cette surexcitation d'esprit que provoque l'ivresse de plaire, il avait des crises de po��sie, de dr?lerie ou de philosophie, suivant les jours.
Elle s'amusait quand il ��tait gai; quand il ��tait profond, elle tachait de le suivre en ses d��veloppements, sans y parvenir toujours; et lorsqu'elle pensait �� autre chose, elle semblait l'��couter avec des airs d'avoir si bien compris, de tant jouir de cette initiation, qu'il s'exaltait �� la regarder l'entendre, ��mu d'avoir d��couvert une ame fine, ouverte et docile, en qui la pens��e tombait comme une graine.
Le portrait avan?ait et s'annon?ait fort bien, le peintre ��tant arriv�� �� l'��tat d'��motion n��cessaire pour d��couvrir toutes les qualit��s de son mod��le, et les exprimer avec l'ardeur convaincue qui est l'inspiration des vrais artistes.
Pench�� vers
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