atteints â leur tour.
Parmi tant d'épreuves, les dispositions des partis, les sentiments de la bourgeoisie et du
peuple avaient bien changé. Deux classes se partageaient alors la République: «le peuple
gras», où se recrutait l'aristocratie nouvelle sortie des banques et des comptoirs, et le
«menu peuple», composé des artisans, des ouvriers, des manoeuvres de toute espèce, et
animé contre le «popolo grasso» de toute la haine de gens lésés dans leurs intérêts.
Bientôt la question des salaires vint encore compliquer la situation, et, soutenu par le parti
guelfe mécontent de voir la prépondérance croissante du parti de la banque, le menu
peuple, «les Ciompi», se révolta et, resté un instant maître de la ville, se livra aux pires
excès. Cette révolution de 1378 profita aux seuls chefs guelfes; mais leur tyrannie
s'exerça si odieuse, que bientôt ils furent renversés par une contre-révolution des
«Ciompi» guidée par Thomas Strozzi, Benedetto Alberti et enfin Salvestro Médicis. Les
chefs guelfes furent forcés de quitter la ville où leurs propriétés furent saccagées et pillées,
et où leurs vies mêmes ne furent sauvées que grâce à l'intervention de Salvestro Médicis,
alors podestat et idole du peuple.
La famille des Médicis, qui apparaît alors pour la première fois dans un rôle prépondérant,
était originaire de Mugello. Déjà à cette époque de 1378, elle était riche, industrieuse,
puissante, et avait donné des magistrats habiles et populaires à la République. Villani cite
les Médicis en 1304 parmi les chefs du parti des Noirs, et plus tard l'un d'eux marqua par
son opposition au duc d'Athènes, sur l'ordre duquel il fut décapité.
Une nouvelle révolte des «Ciompi» en 1382 mit le Gonfalonat entre les mains d'un des
leurs, Michel Lando, homme d'une valeur et d'une intégrité exceptionnelles; mais bientôt
le parti aristocratique ressaisit l'autorité, et l'ère des soulèvements populaires, des
revendications des plus faibles contre les plus forts, fut close sans retour. Avec toutes les
chances de succès, les «Ciompi» échouèrent pour n'avoir pas su à propos se contenter de
bénéfices relatifs et indirects.
Ils payèrent chèrement cette faute, car les arts majeurs, exaspérés par la crainte qu'ils
avaient eue, devinrent leurs pires ennemis. L'aristocratie marchande, jalouse de son
autorité, ne devait plus quitter le pouvoir, mais, coterie exclusive, furieuse d'avoir failli
perdre ses privilèges, alors même qu'elle les avait recouvrés, elle rompit avec tout ce qui
était démocratique et resta un corps absolument fermé. C'est ainsi que les humbles et les
petits arrivèrent à considérer comme heureux le sort des villes où des tyrans faisaient
peser le joug moins lourdement sur les pauvres que sur les riches, et le peuple ne vit plus
dans ces despotes que des instruments pour l'exécution de ses vengeances et de ses haines.
Les Médicis arrivaient à point nommé pour remplir un tel rôle. L'astuce de ces banquiers
enrichis tissa longuement et patiemment sa trame, mais ils eurent l'art de tenir
soigneusement cachés leurs perfides et ambitieux desseins; ils ne leur donnèrent corps
que lorsque la faveur populaire leur eut tout permis. D'une habileté plus qu'excessive, ils
spéculèrent sur le mérite très surfait du médiocre Salvestro et firent de la popularité
exagérée de cet ancêtre le marche-pied de leur élévation. A partir de ce moment, les
glorieuses pages de l'histoire sont terminées pour Florence, car à travers de brillants
épisodes se poursuivront les progrès du mal auquel succombera ce qui l'avait faite si
noble et si grande, la Liberté et la République.
Ce ne sera pas sans révoltes que cette population fière, indocile, ivre de liberté, verra une
famille de marchands enrichis confisquer une à une ses libertés publiques; elle se
défendra énergiquement et cherchera par tous les moyens possibles à faire rentrer dans le
rang ces ambitieux auxquels il ne faudra rien moins que l'intervention armée de
Charles-Quint pour imposer leur domination.
A coté de Salvestro se place encore à la tête du parti populaire Jean de Médicis, son
cousin, qui tenait comme lui un rang considérable. Comme ses devanciers, modéré en
apparence, mais ambitieux au fond, Jean pratiqua avec succès la politique expectante de
sa famille, tandis que, grâce à son immense fortune, à son inépuisable munificence, et aux
prêts considérables qu'il consentait aux princes et aux souverains, son crédit et sa
renommée s'étendaient au loin. Attentif à éviter les querelles des partis, il n'allait au
Palais que lorsqu'il y était appelé, et par sa prudence il détourna avec un rare bonheur
tous les soupçons. Il sembla accepter par désintéressement les charges publiques, et
lorsqu'il les remplit, il se posa comme protecteur du peuple, en attendant de devenir son
chef. Loin d'abuser de la situation, il persévéra dans la voie circonspecte qu'il s'était
tracée et se contenta de s'opposer à de nouveaux empiétements de l'oligarchie. Jean de
Médicis mit le sceau à sa popularité par sa conduite désintéressée à la suite de
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