la guerre
avec Philippe Marie, en 1428. Après avoir tout fait pour détourner Florence de cette
entreprise hasardeuse, il sut, en présence des malheurs publics, oublier ses opinions et,
mettant tout en oeuvre pour venir au secours de la République, y consacrer même une
partie de sa fortune personnelle. Il sut également résister aux ouvertures qui lui furent
faites pour réformer la constitution au profit des classes supérieures et s'opposer à
l'emploi de la force pour opprimer le peuple. Il disait qu'en ce qui le concernait, son désir
n'était pas de ranimer les factions, mais bien plutôt de les éteindre; aussi ne voulut-il pas
non plus tirer parti de ces ouvertures pour s'en faire une arme contre ses adversaires
politiques, bien qu'il y fût poussé par les clients de sa maison et par son fils Cosme qui le
blâmaient de compromettre à force de modération l'avenir de son parti et la grandeur de
sa race.
Fidèle à sa tactique de libéralisme, Jean de Médicis proposa une nouvelle loi destinée à
répartir plus également les contributions, en les réglant d'après la quotité des biens
possédés par chacun. Cette loi fameuse, appelée «le Castato», était une véritable
révolution économique et sociale, car elle rétablissait des taxes équitables et supprimait
les privilèges. Aussi excita-t-elle autant d'enthousiasme chez ceux qu'elle exonérait que
de colère et de haine chez ceux qu'elle frappait, et comme de raison, l'auteur en fut salué
par la reconnaissance du peuple comme le plus zélé défenseur de ses droits et de ses
libertés. Jean de Médicis mourut en 1429, laissant à ses fils les plus sages conseils et
emportant dans la tombe la reconnaissance d'un peuple dont il n'avait cessé d'être le
bienfaiteur. Les regrets que causait sa mort étaient encore aggravés par une situation des
plus difficiles.
Cette première moitié du XVe siècle donne lieu en effet à des réflexions peu consolantes.
C'est au milieu de mesquineries de toutes sortes, de complications aussi bien intérieures
qu'extérieures que se prépare dans ses origines troublées et impures le règne néfaste des
Médicis où doit sombrer tout ce qui fit la Toscane glorieuse pendant des siècles.
Après la mort de Jean, l'oligarchie et les Albizzi reprirent le pouvoir et conduisirent les
affaires publiques, tandis que Cosme, héritier de la popularité paternelle, se posa dès
l'abord comme leur adversaire acharné.
Cosme de Médicis avait un peu plus de quarante ans lorsque le cours des événements lui
donna le rôle prépondérant qu'il ambitionnait.
Grave, prudent, astucieux, il n'était, disent les chroniques du temps, «qu'un renard rusé et
trompeur»; libéral et humain par calcul, il recherchait la faveur du peuple sans l'aimer et
sans avoir les qualités extérieures nécessaires pour le séduire. Laid de sa personne, d'un
extérieur mesquin, il ne savait que merveilleusement parler et disserter au milieu des
savants, mais il était complètement dépourvu des dons propres à entraîner et à
convaincre.
Son esprit s'était formé par l'étude et aussi par de lointains voyages entrepris pour la
banque des Médicis. Depuis son retour, il affectait de se tenir éloigné des charges
publiques, mais il fréquentait des hommes de toutes conditions, dans le dessein manifeste
de se faire des partisans.
Le mot d'ordre donné par Cosme était de répéter que tout allait mal, de semer le
découragement dans les masses et de les amener peu à peu au dégoût du régime
oligarchique; mais son plus puissant levier était l'immense fortune qui lui permettait
d'acheter une popularité que son père avait eu moins de peine à acquérir.
Contre Cosme et sa faction se dressaient les trois plus anciennes familles de Florence, qui
n'entendaient nullement se soumettre à ces parvenus: c'étaient les Pazzi, les Pitti et les
Acciajuoli. Las de rencontrer partout sur leur route, en affaires et en politique, un rival de
plus en plus redoutable, ils lui faisaient une violente opposition. Ligués pour sa perte, ils
achetèrent en 1432 le nouveau gonfalonier, homme vénal, et l'amenèrent à se saisir de
Cosme et à le jeter en prison, sous prétexte de conspiration contre le régime établi, de
dilapidation et d'usure. C'était une accusation plus qu'injustifiée, car Cosme était de ceux
qui donnent, et non de ceux qui prennent. Quoi qu'il en soit, cette détention fut de courte
durée, et Cosme, banni pour un an, prit le chemin de Padoue où il fut exilé après avoir
acheté au poids de l'or cette liberté relative. A Padoue, il devint le chef de tout ce que
Florence comptait de mécontents; aussi, quand en 1434 les élections mirent le pouvoir
aux mains de ses partisans, l'oligarchie fut-elle tout de suite définitivement désarmée.
Profond politique, loin de rentrer aussitôt à Florence, il laissa peser sur ses amis tout
l'odieux des représailles. Si la clémence fut appliquée aux classes inférieures dans une
large mesure, les dernières rigueurs furent, sans scrupule et sans miséricorde,
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