des six prieurs des arts nobles représentant leur corporation
et un quartier de ville (Sestiere). Ces magistrats, élus pour deux mois, n'étaient pas
rééligibles avant deux années révolues. Investis de tout le pouvoir exécutif pendant toute
la durée de leur magistrature, soumis à l'existence la plus sévère, ils devaient vivre
ensemble au Palais Vieux, nourris aux frais de l'État, mangeant à la même table et
couchant en commun; enfin ils n'avaient sous aucun prétexte le droit de s'absenter.
La première préoccupation de la République devait être de trouver un remède aux
dissensions de la noblesse devenues intolérables. Le gouvernement promulgua, à cet effet,
une sorte de charte par laquelle il proscrivait les familles nobles les plus irréductibles et
soumettait les autres aux pénalités les plus rigoureuses. Mais, devant l'inefficacité de la
loi et l'impossibilité de l'appliquer, il fallut chercher un moyen énergique pour maintenir
l'ordre dans la cité, et on se résolut à investir un magistrat d'une autorité redoutable: ce fut
la création du Gonfalonat, destiné à devenir par la suite la première charge de la
République.
Le Gonfalonier, élu par les anciens prieurs, avait droit de justice sur tous les citoyens
indistinctement et pouvait exercer ses poursuites de jour et de nuit, à toute heure et en
tout lieu. Au début, il vivait avec les prieurs; mais l'importance de sa charge était telle
que, peu d'années après son institution, il avait un train luxueux et considérable.
A cette époque se place l'arbitrage de Florence appelée par Pistoie à se prononcer entre
les deux partis qui, sous la dénomination des Blancs et des Noirs, déchiraient et
ensanglantaient la malheureuse ville. Mais Florence, en rétablissant l'ordre dans Pistoie
décimée par la plus effroyable guerre intestine, prit elle-même le mal qu'elle venait guérir
et bientôt les Blancs et les Noirs remplaçaient les Guelfes et les Gibelins et la livraient à
toutes les horreurs des guerres civiles.
Les Blancs, c'est-à-dire les Gibelins, étant au pouvoir, les manoeuvres des exilés guelfes,
conspirant sous la conduite du pape Boniface VIII et de leur chef Corso Donati, ouvraient
Florence à Charles de Valois, troisième fils de Philippe le Hardi, décoré pour la
circonstance des titres de vicaire général de l'Église et de défenseur de l'Italie.
Le jour de la Toussaint 1301, Charles faisait son entrée triomphale dans la ville où son
premier acte fut naturellement un parjure, car après avoir juré de respecter les biens et les
propriétés, il ouvrait les portes à Corso Donati et aux Noirs triomphants, et livrait au
massacre, au pillage et à la plus affreuse proscription ceux qui avaient eu foi en ses
serments.
C'est vers 1300, au milieu de luttes désolantes, qu'apparaît pour la première fois le nom
de Dante Alighieri, membre de l'art des apothicaires et l'un des prieurs. Par ses
ascendants, le Dante était guelfe, car un de ses ancêtres avait figuré avec honneur à la
sanglante défaite de Montaperto, comme garde du corps du fameux «Caroccio», le
palladium de Florence, et cet événement avait jeté les Alighieri dans l'exil.
L'éducation de Dante fut des plus soignées: Brunetto Latini lui enseigna les lettres latines;
adolescent, il étudia la philosophie à Florence; homme fait, la théologie à Paris. Il rentra
ensuite dans sa patrie où l'attendait la guerre civile.
Dante exerça les premières charges de la République, il fut nommé quatorze fois
ambassadeur et mena à bien les négociations les plus difficiles; bien qu'il fut guelfe, le
Pape n'eut pas à Florence de plus acharné adversaire contre ses demandes d'hommes et
d'argent. Son opposition alla même si loin que Boniface VIII, irrité, frappa Florence
d'interdit.
Par un de ces retours trop communs dans l'histoire des gouvernements populaires, Dante,
alors en ambassade à Rome, fut accusé de concussion et condamné à une amende
considérable, faute du paiement de laquelle «seraient prononcées la dévastation et la
confiscation de ses biens, jointes à l'exil éternel». Comme Dante ne voulut pas
reconnaître le crime dont on l'accusait injustement, il abandonna sa patrie, sa fortune, ses
amis, ses emplois; et ses biens furent vendus au profit de l'État, tandis qu'on passait la
charrue et qu'on semait le sel sur le terrain où s'était élevée sa maison. Comme si ces
mesures iniques ne suffisaient pas encore, on le condamna à mort par contumace et on le
brûla en effigie à la place même où, deux siècles plus tard, on devait brûler Savonarole!
Guelfe de naissance, devenu gibelin par haine, Dante allait errer dix-neuf ans loin de sa
patrie. Le dédain et la soif de la vengeance firent de lui le poète sublime de la Divine
Comédie, celui qui, nouvel Homère, devait peupler l'enfer de ses haines et le paradis de
ses amours.
Il avait écrit l'Enfer à Vérone, il composa le Purgatoire à Gagagnano et acheva l'oeuvre
au château de Tolmino dans le Frioul. Il se
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