Florence historique, monumentale, artistique | Page 4

Marcel Niké
ensanglanter l'Italie. Ces noms d'origine
allemande n'étaient primitivement que les cris de guerre et de ralliement des deux
maisons en perpétuelle rivalité pour le trône impérial. «Hye Woelf» pour Guelfe de
Bavière, «Hye Weibligen» pour les Hohenstaufen. Ce double appel passa les Alpes avec
les Allemands, pour désigner plus tard, après la guerre des Investitures, le parti de la
démocratie et celui de la féodalité. C'est à partir de cette époque que les noms de Guelfes
et de Gibelins perdirent leur signification primitive et s'appliquèrent en Italie aux
partisans du Pape ou de l'Empereur, sans que les villes eussent parfois d'autre conviction
pour être guelfes ou gibelines que l'espoir des avantages à tirer de l'une des deux
puissances.
De 1220 à 1258, Florence fut la proie des partis dont la lutte devenait de jour en jour plus
acharnée. La faction au pouvoir, non satisfaite de proscrire l'autre, rasait les habitations et
confisquait les biens des vaincus. Si l'Empereur descendait en Italie, les Gibelins étaient
les maîtres; si l'Empereur s'éloignait, ils prenaient à leur tour le chemin de l'exil et
cédaient la place aux Guelfes triomphants. Au milieu de tant d'éléments de désordre
auxquels s'ajoutaient les querelles religieuses, les menaces d'hérésie, l'interdit et
l'excommunication, on reste surpris et confondu de l'énergie prodigieuse, de la vitalité
puissante de ce peuple où les pires calamités ne portent nul préjudice au développement

intellectuel, à la prospérité croissante des arts, des sciences et de la fortune publique.
A cette époque, les ambitions inassouvies de Florence ne connaissaient aucun frein. Elle
entreprenait une expédition contre la puissante Pise et, après une lutte meurtrière, elle
arrivait à réduire et à soumettre sa rivale; mais ce résultat ne la satisfaisant pas encore,
elle n'eut de cesse qu'elle ne fût entrée en campagne contre l'orgueilleuse Sienne. Cette
cité, gibeline par excellence, était le refuge de tous les proscrits florentins, ce dont la
guelfe Florence lui gardait une terrible rancune.
La compétition entre les deux villes devait se terminer aux portes mêmes de Sienne par
l'effroyable défaite de Montaperto (1260), dont le résultat fut de livrer Florence, sans
défense possible, à la réaction gibeline. Les Gibelins rentrés au pouvoir, leur première
pensée fut de raser Florence, «ce repaire du parti guelfe». Le plus illustre des proscrits,
Farinata degli Uberti, se leva seul pour protester en demandant «si c'était pour ne pas
mourir dans sa patrie qu'il avait tant souffert», et il jura qu'il la défendrait jusqu'à son
dernier soupir.
Comme Farinata avait une grande autorité, son intervention sauva la ville, mais elle n'en
fut pas moins réduite à un degré d'infériorité humiliant au dernier point.
Après leur triomphe, les Gibelins au pouvoir eurent à compter avec le parti guelfe dont
l'opposition sourde et constante fut d'autant plus haineuse qu'il avait plus à redouter
l'influence du parti modéré gibelin qui, par de sages mesures, offrait aux Guelfes la
possibilité de rentrer dans leur patrie, sans lutte.
Ces vues pacificatrices ne manquèrent pas d'exciter de grandes inquiétudes aussi bien
chez les Guelfes que chez le Pape qui voyaient dans l'apaisement des esprits la perte de
leur influence. Leur politique devait donc consister à exploiter la moindre apparence de
mécontentement et à nier la bonne foi des Gibelins, en les déclarant incapables de
gouverner avec impartialité et douceur. Le peuple n'était pas mûr pour comprendre
l'intérêt qu'il pouvait y avoir à établir une paix durable par des concessions réciproques;
prompt à accueillir les conseils et les insinuations perfides, il se souleva contre les
Gibelins, les expulsa et ouvrit ses portes à Guy de Montfort et aux Français (1267).
Le gouvernement guelfe rétabli s'empressa d'offrir à Charles d'Anjou la seigneurie de
Florence avec le droit d'y déléguer un vicaire royal et un podestat chargés de tous ses
pouvoirs. Les biens des Gibelins furent confisqués et partagés en deux portions: la
première distribuée à titre de dommages-intérêts, tandis que la seconde allait constituer le
trésor connu sous le nom de «Masse guelfe», destiné à servir de fonds de réserve au parti.
Par suite de ces événements, Florence redevenait guelfe dans l'âme et le lys rouge,
symbole guelfe par opposition au lys blanc, symbole gibelin, imposa sa couleur à toute
chose. En face d'une si violente réaction, la minorité gibeline qui avait été tolérée, dut
elle-même se transformer et, suivant la marche des événements et des idées, devenir peu
à peu l'élément modéré du parti guelfe.
L'année 1282 est marquée dans l'histoire de Florence par la constitution définitive de la
République, forme gouvernementale impérieusement réclamée, comme seule capable de

soustraire l'État à la domination d'un maître étranger ou à la tyrannie des coteries locales.
Pour remplir une fonction publique, il fallut non seulement être inscrit dans l'un des arts,
mais encore l'avoir exercé. A la tête du gouvernement siégeait un conseil qui formait la
Seigneurie. Il était composé
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