opprimer le peuple. Il disait qu'en ce qui le concernait, son désir n'était pas de ranimer les factions, mais bien plut?t de les éteindre; aussi ne voulut-il pas non plus tirer parti de ces ouvertures pour s'en faire une arme contre ses adversaires politiques, bien qu'il y f?t poussé par les clients de sa maison et par son fils Cosme qui le blamaient de compromettre à force de modération l'avenir de son parti et la grandeur de sa race.
Fidèle à sa tactique de libéralisme, Jean de Médicis proposa une nouvelle loi destinée à répartir plus également les contributions, en les réglant d'après la quotité des biens possédés par chacun. Cette loi fameuse, appelée ?le Castato?, était une véritable révolution économique et sociale, car elle rétablissait des taxes équitables et supprimait les privilèges. Aussi excita-t-elle autant d'enthousiasme chez ceux qu'elle exonérait que de colère et de haine chez ceux qu'elle frappait, et comme de raison, l'auteur en fut salué par la reconnaissance du peuple comme le plus zélé défenseur de ses droits et de ses libertés. Jean de Médicis mourut en 1429, laissant à ses fils les plus sages conseils et emportant dans la tombe la reconnaissance d'un peuple dont il n'avait cessé d'être le bienfaiteur. Les regrets que causait sa mort étaient encore aggravés par une situation des plus difficiles.
Cette première moitié du XVe siècle donne lieu en effet à des réflexions peu consolantes. C'est au milieu de mesquineries de toutes sortes, de complications aussi bien intérieures qu'extérieures que se prépare dans ses origines troublées et impures le règne néfaste des Médicis où doit sombrer tout ce qui fit la Toscane glorieuse pendant des siècles.
Après la mort de Jean, l'oligarchie et les Albizzi reprirent le pouvoir et conduisirent les affaires publiques, tandis que Cosme, héritier de la popularité paternelle, se posa dès l'abord comme leur adversaire acharné.
Cosme de Médicis avait un peu plus de quarante ans lorsque le cours des événements lui donna le r?le prépondérant qu'il ambitionnait.
Grave, prudent, astucieux, il n'était, disent les chroniques du temps, ?qu'un renard rusé et trompeur?; libéral et humain par calcul, il recherchait la faveur du peuple sans l'aimer et sans avoir les qualités extérieures nécessaires pour le séduire. Laid de sa personne, d'un extérieur mesquin, il ne savait que merveilleusement parler et disserter au milieu des savants, mais il était complètement dépourvu des dons propres à entra?ner et à convaincre.
Son esprit s'était formé par l'étude et aussi par de lointains voyages entrepris pour la banque des Médicis. Depuis son retour, il affectait de se tenir éloigné des charges publiques, mais il fréquentait des hommes de toutes conditions, dans le dessein manifeste de se faire des partisans.
Le mot d'ordre donné par Cosme était de répéter que tout allait mal, de semer le découragement dans les masses et de les amener peu à peu au dégo?t du régime oligarchique; mais son plus puissant levier était l'immense fortune qui lui permettait d'acheter une popularité que son père avait eu moins de peine à acquérir.
Contre Cosme et sa faction se dressaient les trois plus anciennes familles de Florence, qui n'entendaient nullement se soumettre à ces parvenus: c'étaient les Pazzi, les Pitti et les Acciajuoli. Las de rencontrer partout sur leur route, en affaires et en politique, un rival de plus en plus redoutable, ils lui faisaient une violente opposition. Ligués pour sa perte, ils achetèrent en 1432 le nouveau gonfalonier, homme vénal, et l'amenèrent à se saisir de Cosme et à le jeter en prison, sous prétexte de conspiration contre le régime établi, de dilapidation et d'usure. C'était une accusation plus qu'injustifiée, car Cosme était de ceux qui donnent, et non de ceux qui prennent. Quoi qu'il en soit, cette détention fut de courte durée, et Cosme, banni pour un an, prit le chemin de Padoue où il fut exilé après avoir acheté au poids de l'or cette liberté relative. A Padoue, il devint le chef de tout ce que Florence comptait de mécontents; aussi, quand en 1434 les élections mirent le pouvoir aux mains de ses partisans, l'oligarchie fut-elle tout de suite définitivement désarmée.
Profond politique, loin de rentrer aussit?t à Florence, il laissa peser sur ses amis tout l'odieux des représailles. Si la clémence fut appliquée aux classes inférieures dans une large mesure, les dernières rigueurs furent, sans scrupule et sans miséricorde, exercées contre l'aristocratie vaincue. Il suffisait d'avoir mal parlé du gouvernement pour être spolié de ses biens et enfermé ?aux stinche?, d'où l'on avait grande chance de ne jamais sortir. Tel qu'Octave, Cosme non seulement laissa faire, mais encore mit à son retour les conditions les plus dures, qu'il fit imposer par d'autres que par lui. Enfin, le plus fort de la besogne étant fait, il rentra à Florence, la veille du jour où on l'attendait, se dérobant au triomphe qu'on lui préparait. Ce
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