Florence historique, monumentale, artistique | Page 7

Marcel Niké
Bient?t la question des salaires vint encore compliquer la situation, et, soutenu par le parti guelfe mécontent de voir la prépondérance croissante du parti de la banque, le menu peuple, ?les Ciompi?, se révolta et, resté un instant ma?tre de la ville, se livra aux pires excès. Cette révolution de 1378 profita aux seuls chefs guelfes; mais leur tyrannie s'exer?a si odieuse, que bient?t ils furent renversés par une contre-révolution des ?Ciompi? guidée par Thomas Strozzi, Benedetto Alberti et enfin Salvestro Médicis. Les chefs guelfes furent forcés de quitter la ville où leurs propriétés furent saccagées et pillées, et où leurs vies mêmes ne furent sauvées que grace à l'intervention de Salvestro Médicis, alors podestat et idole du peuple.
La famille des Médicis, qui appara?t alors pour la première fois dans un r?le prépondérant, était originaire de Mugello. Déjà à cette époque de 1378, elle était riche, industrieuse, puissante, et avait donné des magistrats habiles et populaires à la République. Villani cite les Médicis en 1304 parmi les chefs du parti des Noirs, et plus tard l'un d'eux marqua par son opposition au duc d'Athènes, sur l'ordre duquel il fut décapité.
Une nouvelle révolte des ?Ciompi? en 1382 mit le Gonfalonat entre les mains d'un des leurs, Michel Lando, homme d'une valeur et d'une intégrité exceptionnelles; mais bient?t le parti aristocratique ressaisit l'autorité, et l'ère des soulèvements populaires, des revendications des plus faibles contre les plus forts, fut close sans retour. Avec toutes les chances de succès, les ?Ciompi? échouèrent pour n'avoir pas su à propos se contenter de bénéfices relatifs et indirects.
Ils payèrent chèrement cette faute, car les arts majeurs, exaspérés par la crainte qu'ils avaient eue, devinrent leurs pires ennemis. L'aristocratie marchande, jalouse de son autorité, ne devait plus quitter le pouvoir, mais, coterie exclusive, furieuse d'avoir failli perdre ses privilèges, alors même qu'elle les avait recouvrés, elle rompit avec tout ce qui était démocratique et resta un corps absolument fermé. C'est ainsi que les humbles et les petits arrivèrent à considérer comme heureux le sort des villes où des tyrans faisaient peser le joug moins lourdement sur les pauvres que sur les riches, et le peuple ne vit plus dans ces despotes que des instruments pour l'exécution de ses vengeances et de ses haines. Les Médicis arrivaient à point nommé pour remplir un tel r?le. L'astuce de ces banquiers enrichis tissa longuement et patiemment sa trame, mais ils eurent l'art de tenir soigneusement cachés leurs perfides et ambitieux desseins; ils ne leur donnèrent corps que lorsque la faveur populaire leur eut tout permis. D'une habileté plus qu'excessive, ils spéculèrent sur le mérite très surfait du médiocre Salvestro et firent de la popularité exagérée de cet ancêtre le marche-pied de leur élévation. A partir de ce moment, les glorieuses pages de l'histoire sont terminées pour Florence, car à travers de brillants épisodes se poursuivront les progrès du mal auquel succombera ce qui l'avait faite si noble et si grande, la Liberté et la République.
Ce ne sera pas sans révoltes que cette population fière, indocile, ivre de liberté, verra une famille de marchands enrichis confisquer une à une ses libertés publiques; elle se défendra énergiquement et cherchera par tous les moyens possibles à faire rentrer dans le rang ces ambitieux auxquels il ne faudra rien moins que l'intervention armée de Charles-Quint pour imposer leur domination.
A coté de Salvestro se place encore à la tête du parti populaire Jean de Médicis, son cousin, qui tenait comme lui un rang considérable. Comme ses devanciers, modéré en apparence, mais ambitieux au fond, Jean pratiqua avec succès la politique expectante de sa famille, tandis que, grace à son immense fortune, à son inépuisable munificence, et aux prêts considérables qu'il consentait aux princes et aux souverains, son crédit et sa renommée s'étendaient au loin. Attentif à éviter les querelles des partis, il n'allait au Palais que lorsqu'il y était appelé, et par sa prudence il détourna avec un rare bonheur tous les soup?ons. Il sembla accepter par désintéressement les charges publiques, et lorsqu'il les remplit, il se posa comme protecteur du peuple, en attendant de devenir son chef. Loin d'abuser de la situation, il persévéra dans la voie circonspecte qu'il s'était tracée et se contenta de s'opposer à de nouveaux empiétements de l'oligarchie. Jean de Médicis mit le sceau à sa popularité par sa conduite désintéressée à la suite de la guerre avec Philippe Marie, en 1428. Après avoir tout fait pour détourner Florence de cette entreprise hasardeuse, il sut, en présence des malheurs publics, oublier ses opinions et, mettant tout en oeuvre pour venir au secours de la République, y consacrer même une partie de sa fortune personnelle. Il sut également résister aux ouvertures qui lui furent faites pour réformer la constitution au profit des classes supérieures et s'opposer à l'emploi de la force pour
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 111
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.