traitements de luxe, répétait- il, et dont les résultats avaient valu à Healthful-House un succès mérité.
Le comte d'Artigas, écoutant sans se départir de son flegme habituel, semblait s'intéresser à cette faconde intarissable, afin de mieux dissimuler probablement le désir qui l'avait amené. Cependant, après une heure consacrée à cette promenade, crut-il devoir dire:
?N'avez-vous pas, monsieur, un malade dont on a beaucoup parlé ces derniers temps, et qui a même contribué, dans une forte mesure, à attirer l'attention publique sur Healthful-House?
-- C'est, je pense, de Thomas Roch que vous voulez parler, monsieur le comte?... demanda le directeur.
-- En effet... de ce Fran?ais... de cet inventeur dont la raison para?t être très compromise...
-- Très compromise, monsieur le comte, et peut-être est-il heureux qu'elle le soit! à mon avis, l'humanité n'a rien à gagner à ces découvertes dont l'application accro?t les moyens de destruction, trop nombreux déjà...
-- C'est penser sagement, monsieur le directeur, et, à ce sujet, mon opinion est la v?tre. Le véritable progrès n'est pas de ce c?té, et je regarde comme des génies malfaisants ceux qui marchent dans cette voie. -- Mais cet inventeur a-t-il donc perdu entièrement l'usage de ses facultés intellectuelles?...
-- Entièrement... non... monsieur le comte, si ce n'est en ce qui concerne les choses ordinaires de l'existence. à cet égard, il n'a plus ni compréhension ni responsabilité. Toutefois son génie d'inventeur est resté intact, il a survécu à la dégénérescence mentale, et, si l'on e?t cédé à ses prétentions hors de bon sens, je ne mets pas en doute qu'il f?t sorti de ses mains un nouvel engin de guerre... dont le besoin ne se fait aucunement sentir...
-- Aucunement, monsieur le directeur, répéta le comte d'Artigas, que le capitaine Spade parut approuver.
-- Du reste, monsieur le comte, vous pourrez en juger par vous- même. Nous voici arrivés devant le pavillon occupé par Thomas Roch. Si sa claustration est très justifiée au point de vue de la sécurité publique, il n'en est pas moins traité avec tous les égards qui lui sont dus et les soins que nécessite son état. Et puis, à Healthful-House, il est à l'abri des indiscrets qui pourraient vouloir...?
Le directeur compléta sa phrase par un hochement de tête des plus significatifs, -- ce qui amena un imperceptible sourire sur les lèvres de l'étranger.
?Mais, demanda le comte d'Artigas, est-ce que Thomas Roch n'est jamais laissé seul?...
-- Jamais, monsieur le comte, jamais. Il a près de lui en surveillance permanente un gardien qui parle sa langue et dont nous sommes absolument s?rs. Dans le cas où, d'une manière ou d'une autre, il lui échapperait quelque indication relative à sa découverte, cette indication serait à l'instant recueillie, et l'on verrait quel usage il conviendrait d'en faire.?
En ce moment, le comte d'Artigas jeta un rapide coup d'oeil au capitaine Spade, lequel répondit par un geste qui semblait dire: c'est compris. Et, de fait, qui e?t observé le capitaine pendant cette visite, aurait remarqué qu'il examinait avec une minutie particulière toute cette partie du parc entourant le pavillon 17, les diverses ouvertures qui y donnaient accès, -- probablement en vue d'un projet arrêté d'avance.
Le jardin de ce pavillon confinait au mur d'enceinte de Healthful- House. à l'extérieur, ce mur fermait la base même de la colline dont le revers s'allongeait en pente douce jusqu'à la rive droite de la Neuze.
Ce pavillon n'avait qu'un rez-de-chaussée, surmonté d'une terrasse à l'italienne. Le rez-de-chaussée comprenait deux chambres et une antichambre, avec fenêtres défendues par des barreaux de fer. De chaque c?té de l'habitation se dressaient de beaux arbres, alors dans toute la splendeur de leurs frondaisons. En avant verdoyaient de fra?ches pelouses veloutées, où ne manquaient ni les arbrisseaux variés, ni les fleurs éclatantes. L'ensemble s'étendait sur un demi-acre environ, à l'usage exclusif de Thomas Roch, libre d'aller à travers ce jardin sous la surveillance de son gardien.
Lorsque le comte d'Artigas, le capitaine Spade et le directeur pénétrèrent dans cet enclos, celui qu'ils aper?urent à la porte du pavillon fut le gardien Gaydon.
Immédiatement, le regard du comte d'Artigas se porta sur ce gardien, qu'il parut observer avec une insistance singulière, qui ne fut point remarquée du directeur.
Ce n'était pas la première fois, cependant, que des étrangers venaient rendre visite à l'h?te du pavillon 17, car l'inventeur fran?ais passait à juste titre pour être le plus curieux pensionnaire de Healthful-House. Néanmoins, l'attention de Gaydon fut sollicitée par l'originalité du type que présentaient ces deux personnages, dont il ignorait la nationalité. Si le nom du comte d'Artigas ne lui était pas inconnu, il n'avait jamais eu l'occasion de rencontrer ce riche gentleman pendant ses relaches dans les ports de l'est, et il ne savait pas que la goélette Ebba f?t alors mouillée à l'entrée de la Neuze, au pied de la colline de Healthful-House.
?Gaydon, demanda le directeur, où est en ce moment Thomas Roch?...
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