quelque manière qu'il e?t été envoyé, éclatait, non point en frappant le but visé, mais à la distance de quelques centaines de mètres, son action sur les couches atmosphériques était si énorme, que toute construction, fort détaché ou navire de guerre, devait être anéantie sur une zone de dix mille mètres carrés. Tel était le principe du boulet lancé par le canon pneumatique Zalinski, déjà expérimenté à cette époque, mais avec des résultats à tout le moins centuplés.
Si donc l'invention de Thomas Roch possédait cette puissance, c'était la supériorité offensive ou défensive assurée à son pays. Toutefois l'inventeur n'exagérait-il pas, bien qu'il e?t fait ses preuves à propos d'autres engins de sa fa?on et d'un rendement incontestable? Des expériences pouvaient seules le démontrer. Or, précisément, il prétendait ne consentir à ces expériences qu'après avoir touché les millions auxquels il évaluait la valeur de son Fulgurateur.
Il est certain qu'une sorte de déséquilibrement s'était alors produit dans les facultés intellectuelles de Thomas Roch. Il n'avait plus l'entière possession de sa cérébralité. On le sentait engagé sur une voie qui le conduirait graduellement à la folie définitive. Traiter dans les conditions qu'il voulait imposer, nul gouvernement n'aurait pu y condescendre.
La commission fran?aise dut rompre tout pourparler, et les journaux, même ceux de l'opposition radicale, durent reconna?tre qu'il était difficile de donner suite à cette affaire. Les propositions de Thomas Roch furent rejetées, sans qu'on e?t à craindre, d'ailleurs, qu'un autre état p?t consentir à les accueillir.
Avec cet excès de subjectivité qui ne cessa de s'accro?tre dans l'ame si profondément bouleversée de Thomas Roch, on ne s'étonnera pas que la corde du patriotisme, peu à peu détendue, e?t fini par ne plus vibrer. Il faut le répéter pour l'honneur de la nature humaine, Thomas Roch était, à cette heure, frappé d'inconscience. Il ne se survivait intact que dans ce qui se rapportait directement à son invention. Là-dessus, il n'avait rien perdu de sa puissance géniale. Mais en tout ce qui concernait les détails les plus ordinaires de l'existence, son affaissement moral s'accentuait chaque jour et lui enlevait la complète responsabilité de ses actes.
Thomas Roch fut donc éconduit. Peut-être alors e?t-il convenu d'empêcher qu'il portat son invention autre part... On ne le fit pas, et ce fut un tort.
Ce qui devait arriver, arriva. Sous une irritabilité croissante, les sentiments de patriotisme, qui sont de l'essence même du citoyen, -- lequel avant de s'appartenir appartient à son pays, -- ces sentiments s'éteignirent dans l'ame de l'inventeur dé?u. Il songea aux autres nations, il franchit la frontière, il oublia l'inoubliable passé, il offrit le Fulgurateur à l'Allemagne.
Là, dès qu'il sut quelles étaient les exorbitantes prétentions de Thomas Roch, le gouvernement refusa de recevoir sa communication. Au surplus, la Guerre venait de mettre à l'étude la fabrication d'un nouvel engin balistique et crut pouvoir dédaigner celui de l'inventeur fran?ais.
Alors, chez celui-ci, la colère se doubla de haine, -- une haine d'instinct contre l'humanité, -- surtout après que ses démarches eurent échoué vis-à-vis du Conseil de l'Amirauté de la Grande- Bretagne. Comme les Anglais sont des gens pratiques, ils ne repoussèrent pas tout d'abord Thomas Roch, ils le tatèrent, ils le circonvinrent. Thomas Roch ne voulut rien entendre. Son secret valait des millions, il obtiendrait ces millions, ou l'on n'aurait pas son secret. L'Amirauté finit par rompre avec lui.
Ce fut dans ces conditions, alors que son trouble intellectuel empirait de jour en jour, qu'il fit une dernière tentative vis-à- vis de l'Amérique, -- dix-huit mois environ avant le début de cette histoire.
Les Américains, encore plus pratiques que les Anglais, ne marchandèrent pas le Fulgurateur Roch, auquel ils accordaient une valeur exceptionnelle, étant donné la notoriété du chimiste fran?ais. Avec raison, ils le tenaient pour un homme de génie, et prirent des mesures justifiées par son état -- quitte à l'indemniser plus tard dans une équitable proportion.
Comme Thomas Roch donnait des preuves trop visibles d'aliénation mentale, l'administration, dans l'intérêt même de son invention, jugea opportun de l'enfermer.
On le sait, ce n'est point au fond d'un hospice de fous que fut conduit Thomas Roch, mais à l'établissement de Healthful-House, qui offrait toute garantie pour le traitement de sa maladie. Et, cependant, bien que les soins les plus attentifs ne lui eussent point manqué, le but n'avait pas été atteint jusqu'à ce jour.
Encore une fois, -- il y a lieu d'insister sur ce point, -- c'est que Thomas Roch, si inconscient qu'il f?t, se ressaisissait lorsqu'on le remettait sur le champ de ses découvertes. Il s'animait, il parlait avec la fermeté d'un homme qui est s?r de lui, avec une autorité qui imposait. Dans le feu de son éloquence, il décrivait les qualités merveilleuses de son Fulgurateur, les effets vraiment extraordinaires qui en résulteraient. Quant à la nature de l'explosif et du déflagrateur, les éléments qui le composaient, leur fabrication, le tour
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