irr��prochable beaut��. Le caract��re personnel de Chopin a pu y contribuer aussi. Bienveillant, affable, facile dans ses rapports, d'une humeur ��gale et enjou��e, il laissait peu soup?onner les secr��tes convulsions qui l'agitaient.
Ce caract��re n'��tait pas facile �� saisir. Il se composait de mille nuances qui, en se croisant, se d��guisaient les unes les autres d'une mani��re ind��chiffrable a prima vista. Il ��tait ais�� de se m��prendre sur le fond de sa pens��e, comme avec les slaves en g��n��ral chez qui la loyaut�� et l'expansion, la familiarit�� et la captante desinvoltura des mani��res, n'impliquent nullement la confiance et l'��panchement. Leurs sentiments se r��v��lent et se cachent, comme les replis d'un serpent enroul�� sur lui-m��me; ce n'est qu'en les examinant tr��s attentivement qu'on trouve l'encha?nement de leurs anneaux. Il y aurait de la na?vet�� �� prendre au mot leur complimenteuse politesse, leur modestie pr��tendue. Les formules de cette politesse et de cette modestie tiennent �� leurs moeurs, qui se ressentent singuli��rement de leurs anciens rapports avec l'orient. Sans se contagier le moins du monde de la taciturnit�� musulmane, les slaves ont appris d'elle une r��serve d��fiante sur tous les sujets qui tiennent aux cordes d��licates et intimes du coeur. On peut �� peu pr��s ��tre certain qu'en parlant d'eux-m��mes, ils gardent toujours vis-��-vis de leur interlocuteur des r��ticences qui leur assurent sur lui un avantage d'intelligence ou de sentiment, en lui laissant ignorer telle circonstance ou tel mobile secret par lesquels ils seraient le plus admir��s ou le moins estim��s; ils se complaisent �� le d��rober sous un sourire fin, interrogateur, d'une imperceptible raillerie. Ayant en toute occurrence du go?t pour le plaisir de la mystification, depuis les plus spirituelles et les plus bouffonnes jusqu'aux plus am��res et aux plus lugubres, on dirait qu'ils voient dans cette moqueuse supercherie une formule de d��dain �� la sup��riorit�� qu'ils s'adjugent int��rieurement, mais qu'ils voilent avec le soin et la ruse des opprim��s.
L'organisation ch��tive et d��bile de Chopin ne lui permettant pas l'expression ��nergique de ses passions, il ne livrait �� ses amis que ce qu'elles avaient de doux et d'affectueux. Dans le monde press�� et pr��occup�� des grandes villes, o�� nul n'a le loisir de deviner l'��nigme des destin��es d'autrui, o�� chacun n'est jug�� que sur son attitude ext��rieure, bien peu songent �� prendre la peine de jeter un coup d'oeil qui d��passe la superficie des caract��res. Mais ceux que des rapports intimes et fr��quents rapprochaient du musicien polonais, avaient occasion d'apercevoir �� certains moments l'impatience et l'ennui qu'il ressentait d'��tre si promptement cru sur parole. L'artiste, h��las! ne pouvait venger l'homme!... D'une sant�� trop faible pour trahir cette impatience par la v��h��mence de son jeu, il cherchait �� se d��dommager en entendant ex��cuter par un autre, avec la vigueur qui lui faisait d��faut, ses pages dans lesquelles surnagent les rancunes passionn��es de l'homme plus profond��ment atteint par certaines blessures qu'il ne lui pla?t de l'avouer, comme surnageraient autour d'une fr��gate pavois��e, quoique pr��s de sombrer, les lambeaux de ses flancs arrach��s par les flots.
Un apr��s-d?ner, nous n'��tions que trois. Chopin avait longtemps jou��; une des femmes les plus distingu��es de Paris se sentait de plus en plus envahie par un pieux recueillement, pareil �� celui qui saisirait �� la vue des pierres mortuaires jonchant ces champs de la Turquie, dont les ombrages et les parterres promettent de loin un jardin riant au voyageur surpris. Elle lui demanda d'o�� venait l'involontaire respect qui inclinait son coeur devant des monuments, dont l'apparence ne pr��sentait �� la vue qu'objets doux et gracieux? De quel nom il appellerait le sentiment extraordinaire qu'il renfermait dans ses compositions, comme des cendres inconnues dans des urnes superbes, d'un albatre si fouill��?... Vaincu par les belles larmes qui humectaient de si belles paupi��res, avec une sinc��rit�� rare dans cet artiste si ombrageux sur tout ce qui tenait aux intimes reliques qu'il enfouissait dans les chasses brillantes de ses oeuvres, il lui r��pondit que son coeur ne l'avait pas tromp��e dans son m��lancolique attristement, car quels que fussent ses passagers ��gayements, il ne s'affranchissait pourtant jamais d'un sentiment qui formait en quelque sorte le sol de son coeur, pour lequel il ne trouvait d'expression que dans sa propre langue, aucune autre ne poss��dant d'��quivalent au mot polonais de Zal! En effet, il le r��p��tait fr��quemment, comme si son oreille e?t ��t�� avide de ce son qui renfermait pour lui toute la gamme des sentiments que produit une plainte intense, depuis le repentir jusqu'�� la haine, fruits b��nis ou empoisonn��s de cette acre racine.
Zal! Substantif ��trange, d'une ��trange diversit�� et d'une plus ��trange philosophie! Susceptible de r��gimes diff��rents, il renferme tous les attendrissements et toutes les humilit��s d'un regret r��sign�� et sans murmure, aussi longtemps que son r��gime direct s'applique aux faits et aux choses. Se courbant, pour ainsi dire, avec douceur devant
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