coupe anguleuse et raide, ce contour flottant et ind��termin�� qui fait le charme de sa pens��e. Il n'a pu y enserrer cette ind��cision nuageuse et estomp��e qui, en d��truisant toutes les ar��tes de la forme, la drape de longs plis, comme de flocons brumeux, semblables �� ceux dont s'entouraient les beaut��s ossianiques lorsqu'elles faisaient appara?tre aux mortels quelque suave profil, du milieu des changeantes nu��es.
Les essais classiques de Chopin brillent pourtant par une rare distinction de style; ils renferment des passages d'un haut int��r��t, des morceaux d'une surprenante grandeur. Nous citerons l'Adagio du second Concerto, pour lequel il avait une pr��dilection marqu��e et qu'il se plaisait �� redire fr��quemment. Les dessins accessoires appartiennent �� la plus belle mani��re de l'auteur, la phrase principale en est d'une largeur admirable; elle alterne avec un r��citatif qui pose le ton mineur et qui en est comme l'antistrophe. Tout ce morceau est d'une id��ale perfection. Son sentiment, tour �� tour radieux et plein d'apitoiement, fait songer �� un magnifique paysage inond�� de lumi��re, �� quelque fortun��e vall��e de Temp��, qu'on aurait fix��e pour ��tre le lieu d'un r��cit lamentable, d'une sc��ne poignante. On dirait un irr��parable malheur accueillant le coeur humain en face d'une incomparable splendeur de la nature. Ce contraste est soutenu par une fusion de tons, une transmutation de teintes att��n��ries, qui emp��che que rien de heurt�� ou de brusque ne vienne faire dissonance �� l'impression ��mouvante qu'il produit, laquelle m��lancolise la joie et en m��me temps rass��r��ne la douleur!
Pourrions-nous ne pas parler de la Marche fun��bre intercal��e dans sa premi��re sonate, orchestr��e et ex��cut��e pour la premi��re fois �� la c��r��monie de ses obs��ques? En v��rit��, on n'aurait pu trouver d'autres accents pour exprimer avec le m��me navrement quels sentiments et quelles larmes devaient accompagner �� son dernier repos celui qui avait compris d'une mani��re si sublime comment on pleurait les grandes pertes!
Nous entendions dire un jour �� un jeune homme de son pays: ?Ces pages n'auraient pu ��tre ��crites que par un Polonais!? En effet, tout ce que le cort��ge d'une nation en deuil, pleurant sa propre mort, aurait de solennel et de d��chirant, se retrouve dans le glas fun��bre qui semble ici l'escorter. Tout le sentiment de mystique esp��rance, de religieux appel �� une mis��ricorde surhumaine, �� une cl��mence infinie, �� une justice qui tient compte de chaque tombe et de chaque berceau; tout le repentir exalt�� qui ��claira de la lumi��re des aur��oles tant de douleurs et de d��sastres, support��s avec l'h��ro?sme inspir�� des martyrs chr��tiens, r��sonne dans ce chant dont la supplication est si d��sol��e. Ce qu'il y a de plus pur, de plus saint, de plus r��sign��, de plus croyant et de plus esp��rant dans le coeur des femmes, des enfants et des pr��tres, y retentit, y fr��mit, y tressaille avec d'indicibles vibrations! On sent ici que ce n'est pas seulement la mort d'un h��ros qu'on pleure alors que d'autres h��ros restent pour le venger, mais bien celle d'une g��n��ration enti��re qui a succomb�� ne laissant apr��s elle que les femmes, les enfants et les pr��tres.
Aussi, le c?t�� antique de la douleur en est-il totalement exclu. Rien n'y rappelle les fureurs de Cassandre, les abaissements de Priam, les fr��n��sies d'H��cube, les d��sespoirs des captives troyennes. Ni cris per?ants, ni rauques g��missements, ni blasph��mes impies, ni furieuses impr��cations, ne troublent un instant une plainte qu'on pourrait prendre pour de s��raphiques soupirs. Une foi superbe an��antissant dans les survivants de cette Ilion chr��tienne l'amertume de la souffrance, en m��me temps que la lachet�� de l'abattement, leur douleur ne conserve plus aucune de ses terrestres faiblesses. Elle s'arrache de ce sol moite de sang et de larmes, elle s'��lance vers le ciel et s'adresse au Juge supr��me, trouvant pour l'implorer des supplications si ferventes que le coeur de quiconque les ��coute se brise sous une auguste compassion. La m��lop��e fun��bre, quoique si lamentable, est d'une si p��n��trante douceur qu'elle semble ne plus venir de cette terre. Des sons qu'on dirait atti��dis par la distance imposent un supr��me recueillement, comme si, chant��s par les anges eux-m��mes, ils flottaient d��j�� l��-haut aux alentours du tr?ne divin.
On aurait cependant tort de croire que toutes les compositions de Chopin sont d��pourvues des ��motions dont il a d��pouill�� ce sublime ��lan, que l'homme n'est peut-��tre pas �� m��me de ressentir constamment avec une aussi ��nergique abn��gation et une aussi courageuse douceur. De sourdes col��res, des rages ��touff��es, se rencontrent dans maints passages de ses oeuvres. Plusieurs de ses ��tudes, aussi bien que ses Scherzos, d��peignent une exasp��ration concentr��e, un d��sespoir tant?t ironique, tant?t hautain. Ces sombres apostrophes de sa muse ont pass�� plus inaper?ues et moins comprises que ses po��mes d'un plus tranquille coloris, en provenant d'une r��gion de sentiments o�� moins de personnes ont p��n��tr��, dont moins de coeurs connaissent les formes d'une
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