surtout le premier de l'An tel qu'on le célèbre encore dans nos vieilles provinces fran?aises! Voici venir, devan?ant No?l, les petits quêteurs d'étrennes. Au soir tombant, la veille du 1er janvier, dans les villages d'Alsace, ils s'arrêtent devant chaque porte pour chanter une complainte qui commence ainsi:
Nous souhaitons tous à Madame L'or d'une couronne d'amour, Et, pour l'an prochain, jour pour jour, Le jeune héritier qu'on réclame. à Monsieur, qui déjà sourit, Nous souhaitons meilleure chère, etc., etc.
En Poitou et en Saintonge, la complainte se chante sur l'air de l'Aguilé, plus spécial cependant au jour des Rois[3]:
[Note 3: Voir sur le sens du mot aguilé le chapitre No?ls de France.]
Messieurs et Mesdames de cette maison, Ouvrez-nous la porte, nous vous saluerons. Notre guillaneu nous vous demandons... Guiettez dans la nappe, guiettez tout au long. Donnez-nous la miche et gardez l'grison: Notre guillaneu nous vous demandons.
* * * * *
Arribas! Son arribas! (Arrivés, nous sommes arrivés!) crient les étrenneurs du Limousin devant chaque maison où ils frappent, et ils continuent dans leur patois, que M. d'Aigueperse traduit ainsi: ?Le guillaneu nous faut donner, gentil ma?tre; le guillaneu donnez-le-nous.? Le guillaneu limousin consiste en pommes, poires, chataignes, noix, noisettes et menus sous. Une fois pourvus, les étrenneurs font mille voeux pour leur h?te sans oublier ses serviteurs, la ménagère qui blute la farine, le porcher qui garnit le charnier de lard, etc., etc.
à Saint-Malo, les étrenneurs remplacent la sérénade par une aubade, la tournée crépusculaire par une tournée matinale. Il faut voir, dès la fine pointe du jour, les petits gamins de la vieille cité bretonne se former en bandes pour courir la ville, cogner aux portes et souhaiter la bonne année! Chaque souhait leur vaut un petit sou. Au premier marmot qui se présente, les jeunes filles demandent:
?Comment se nomme-t'il??
Il, c'est le fiancé rêvé dont on espère la venue. Le gamin cite un nom de baptême au hasard, et les jeunes Malouines n'ont plus qu'à chercher, parmi les jeunes gens qu'elles connaissent, celui qui porte le prénom désigné.
D'autres croyances, d'autres superstitions, si l'on veut, mais si gracieuses, si émouvantes quelquefois, mériteraient encore d'être tirées de l'oubli où elles sombrent peu à peu. Il en est aussi dont le sens s'est perdu en chemin et qui nous paraissent à cette heure passablement singulières. C'est ainsi qu'en Champagne et en Bourgogne, on croit que l'année sera bonne si la première personne qu'on rencontre le matin du jour de l'An est un homme, mauvaise si c'est une femme. Et voilà qui n'est guère flatteur pour le ?beau sexe?!
Au Havre, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, il y a toujours grande affluence du public devant le portail de l'église Notre-Dame. La tradition locale prétend qu'il suffit de s'agenouiller sous la statue de la Vierge et de lui demander trois graces à minuit tintant pour que l'une d'elles soit exaucée. Les gamins, comme on peut croire, ne manquent pas dans l'assistance et, au moment où l'heure sonne, on les entend crier irrespectueusement à tue-tête:
?L'aura! L'aura pas!?
D'autres traditions, répandues un peu partout, veulent qu'au premier de l'An, à votre lever, si vous avez eu la chance de briser sans le vouloir ou tout au moins de fêler un verre dans lequel on n'a pas encore bu, ce soit pour vous le pronostic d'une année heureuse. En déjeunant, si un choc involontaire répand votre boisson sur la nappe, cette libation fortuite vous promet encore une année de prospérité. Il faut aussi avoir soin, ce jour-là, de ne rien laisser sortir de sa maison, ni provisions, ni cadeaux, avant d'avoir re?u quelque chose d'un voisin. Néanmoins, si ce voisin est une voisine, il reste quelque doute sur l'efficacité de la bonne chance.
?Qu'y ét-y qu'elle me veut donc, c'telle-là? Y étot ben la pouène qu'elle veune la première?? disent les paysans.
On prétend enfin que le matin du jour de l'An, si vous réussissez à glisser votre aum?ne dans la sébile ou le chapeau d'un pauvre avant qu'il vous ait demandé la charité, il n'y aura pour vous, durant l'année qui s'ouvre, que joie, santé, richesse, satisfactions matérielles et morales de toute sorte.
Et donc voilà mes lecteurs prévenus. Je leur ai donné, d'après les vieux fatuaires du pays de France, les recettes les plus efficaces pour acheter à peu de frais une année pleine de bonheur. Recettes S. G. D. G., bien entendu. La première condition pour qu'elles réussissent, c'est d'avoir la foi. Qu'ils tachent de l'acquérir, s'ils ne l'ont déjà. ?La croyance dans le bonheur à venir, a dit un philosophe, c'est plus que la moitié du bonheur présent.?
Les Rois.
Tout au commencement du siècle, un savant astronome de l'Observatoire d'édimbourg, le docteur Andersen, découvrit dans le ciel une nouvelle étoile qu'on n'avait point signalée encore, qui se mit à grossir peu à peu jusqu'aux proportions d'une constellation
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