me frappa comme un coup de
foudre . . . Rien! . . . Nous étions trahis et Côté avait voulu m'éloigner
pour s'évader plus facilement; c'était toujours deux yeux de moins.
BÉCHARD--Oh! le scélérat.
POUTRÉ--Et maintenant qu'allez-vous faire, Félix? Les troupes
anglaises qui sont à quelques milles du village . . .
FÉLIX--Que voulez-vous que nous fassions contre cinq mille hommes
de troupes régulières avec quatre cents mauvais fusils? Ah! si nous en
avions une fois des fusils! de vrais fusils de soldat! . . . Mais à quoi sert?
Tout est fini, c'est bien clair! . . . Séparons-nous, mes pauvres amis, et
que chacun prenne son côté! Malheur à qui sera pris! . . .
BÉCHARD--Tu as raison, Félix; tout est fini pour cette fois. L'heure de
la délivrance n'est pas encore sonnée. Séparons-nous. Adieu! adieu,
mes braves amis.
(Les patriotes serrent la main de Félix et sortent.)
FÉLIX--Adieu, braves compagnons! Puisse la trahison ne pas avoir de
suites plus funestes! . . .
TOINON, à part--Et puis dire que j'ai pas pu tant seulement en
déplanter la moquié d'un! . . .
SCÈNE VI
POUTRÉ, FÉLIX, TOINON
FÉLIX--Allons, c'est donc fini . . . Oh! les traîtres! . . . (Il contemple
son fusil et l'embrasse.) Adieu, mon fidèle mousquet, voilà la deuxième
fois que tu combats pour la patrie, puisses-tu, dans des jours meilleurs,
être encore le défenseur de la bonne cause! (Il suspend son fusil au mur
et s'assied tristement.)
TOINON--Mon capitaine . . . sans vous interboliser . . . (Silence.) Sus
vot' respect, mon capitaine.
FÉLIX--Que me veux-tu?
TOINON--C'est que, mon capitaine . . .
FÉLIX--Au diable avec ton capitaine, qu'est-ce que me veux?
TOINON, à part--Ste Anne du Nord! comme il suspèque . . . (Haut.)
C'est que j'aurais comme manière d'une petite commission . . .
FÉLIX--Qu'est-ce que c'est?
TOINON--Ben, c'est un grand monsieur . . . C'est ben . . . queuque
général, j'crois ben . . . qui m'a dit comme ça: Connais-tu Félix
Poutré?--Le p'tit Félisque au père Poutré, que j'dis, ben
j'penserais . . .--Tu vas aller le trouver, qui me dit.--Ça y est, que
j'dis . . . je vous ai t'y dit qu'y en avait deux générals? . . .
FÉLIX--Vas-tu achever une fois? et ta commission?
TOINON--Ben v'là; tu diras à monsieur Félisque, qui me dit, que
Camel . . .
FÉLIX--Hein?
TOINON--Que Camel est par icitte, épi qui faut que vous mettiez la
main dessus, passeque . . .
FÉLIX--Camel, sorti de prison! . . . C'est impossible.
POUTRÉ--C'est tellement possible qu'il était ici il n'y a pas une heure.
FÉLIX--Je suis perdu! . . . Cet homme-là a juré ma perte. Je suis déjà
dénoncé, j'en suis sûr.
TOINON--Bon, à c't'heure que ma commission est faite, j'vas aller
serrer le sabre à mon grand-père. A la revue! (S'en allant.) C'Camel-là,
allez, c'est p'tit! (Il sort.)
SCÈNE VII
POUTRÉ, FÉLIX
POUTRÉ--Eh bien, mon cher Félix, qu'est-ce-que tu vas faire
maintenant?
FÉLIX--Je ne serais pas fâché de le savoir moi-même.
POUTRÉ--Mais, tu vas être arrêté!
FÉLIX--C'est bien probable, mais qu'y faire? Peut-être me
relâcheront-ils; je n'ai pas tant fait après tout.
POUTRÉ--Tu n'as pas tant fait? Mais y penses-tu, Félix? Tu as
organisé des compagnies; tu as couru les villages pendant plus d'un
mois pour assermenté les patriotes; tu as fait des discours contre le
gouvernement; enfin tu étais capitaine d'une compagnie; tu t'es battu à
Odeltown, et tu dis que tu n'as pas tant fait! Ah bien! moi, je te dis que
tu en as fait bien plus qu'il n'en faut pour . . . pauvre enfant (il essaie
une larme) . . . Allons, pas de faiblesse; plus le malheur est grand, et
plus il faut se montrer courageux. Tiens Félix, la seule chose qui te
reste à faire . . .
SCÈNE VIII
POUTRÉ, FÉLIX, BÉCHARD
BÉCHARD, entrant--Que Félix ne reste pas ici une minute de plus, on
le cherche. (Apercevant Félix.) Va-t-en! va-t-en tout de suite, le colonel
X... vient de donner l'ordre de t'arrêter. . . .
POUTRÉ--Mon Dieu, que faire?
FÉLIX--Comment diable a-t-il pu savoir que j'étais arrivé?
BÉCHARD--S'il ne t'a pas vu, il s'en doute. Dans tous les cas, en
passant devant ce vieux misérable de colonel, j'ai aperçu Camel qui
sortait de la maison . . .
POUTRÉ--Oh! le gredin! . . .
BÉCHARD--«Prends garde de les manquer, lui dit le bonhomme; je l'ai
vu comme je vous vois là, avec sa tuque rouge et ses gros yeux de
chat-huant. Craignez pas, lui répondit Camel, je vais commencer par
Félix; il y a longtemps que je le guette, celui-là!--Eh bien, va chez son
père tout de suite, reprit le colonel, car s'il est revenu, le vieux a le nez
long; il ne le gardera pas longtemps.» J'ai bien

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