Eurimedon | Page 3

Nicolas Mary
perfide comme
eux a faict leurs funerailles,
Et comme partizan de ce traistre dessein

Il en cache l'autheur dans son humide sein:
En fin de ces brigands
la deffaite est entiere,
La mer fut leur refuge, elle est leur cimetiere,

Et l'onde a tellement prévenu mes efforts
Qu'ils ont esté plustost
ensevelis que morts.
ARCHELAS.
Finissons avec eux cette tragique Histoire
Perdons-en s'il se peut
jusques à la memoire,
Craignant que par le bruit des discours
superflus
Nous ne ressuscitions ceux qui ne vivent plus;
Que la joye
en nos coeurs succede à la tristesse,
Bannissons desormais cette
importune hostesse,
Et sans nous arrester aux soucis des mortels
À
ce Dieu tutelaire erigeons des Autels.
EURIMEDON.
Ah grand Roy! Cet honneur plus grand que ma naissance
Au lieu de

m'obliger, me chocque & vous offence:
Car cette vanité me rendant
odieux
Reproche en mesme temps une erreur à vos yeux:
Bien
loing de m'eslever à ce degré supréme
La rigueur du destin m'a mis à
l'autre extreme,
Pour toute qualité je suis Eurimedon
La fortune en
naissant me mit à l'abandon,
Et pourtant de mon sort l'admirable
advanture
Peut passer pour miracle à la race future:
En un point
seulement je le trouve assez beau
Puisque j'eus pour le moins un
illustre berceau.
Un Aigle me voyant estendu sur la poudre,
Soit
qu'il me voulut mettre à couvert de la foudre,
Ou bien faire de moy
quelque fameux guerrier
Porta mon petit corps à l'ombre d'un laurier:

Du depuis le destin lassé de me bien faire
Me mit entre les mains
d'un barbare Corsaire
Qui m'ayant dans un bois sous cet arbre trouvé

Parmy ses compagnons m'a tousjours eslevé.
Cent fois il m'a juré
que j'estois né d'un Prince
Et m'a tout dit, hormis mon nom, & ma
province,
Car de peur de me perdre il m'a tousjours caché
Cet
important secret qu'en vain j'ay tant cherché.
Je n'avois que douze ans
que desja mon courage
Ne pouvoit plus souffrir la paresse de l'aage,

Et bien que j'eusse horreur de leurs traits inhumains
Il falloit que ie
fisse un essay de mes mains.
Un jour l'occasion s'en montra toute
preste
Trois Pyrates venus fraischement de la queste
Ne purent sans
debat partager leurs butins,
Le lucre les rendant esgalement mutins

Ils passerent en fin des discours, à l'espée;
Et la valeur d'un seul
contre deux occupee
Dans l'inegalité l'alloit faire perir
Si je l'eusse
pû voir sans l'ozer secourir.
Contre ces lasches coeurs j'entrepris sa
deffence,
Et comme l'un des deux mesprisoit mon enfance
Il
donnoit à mes coups tant de facilité,
Que sa mort fut le prix de sa
temerité.
Dès lors tous estonnez de ce trait de courage,

Comme à
leur souverain ils me firent hommage;
Glorieux (disoient-ils) d'obeyr
desormais
Au Prince le plus grand que le ciel vit jamais:
Du depuis
leur respect pouvoit servir de marque
Que j'estois en effet n'ay de
quelque Monarque:
Mais je suis incertain de ma condition.
PASITHEE.

Vous estes trop modeste en vostre ambition,
Et si mon ame encor
doute en vostre origine,
C'est qu'au lieu d'estre humaine, elle la croit
divine.
EURIMEDON.
Ah ne me flattez pas, un si mal-heureux sort
Avec le rang des Dieux a
trop peu de rapport.
ARCHELAS.
Alcide avant sa mort estoit ce que nous sommes,
Ce Heros comme
vous nasquit entre les hommes,
Il fut leur protecteur, & cette qualité

Luy fraya le chemin de l'immortalité:
Ainsi cette vertu qui vous
faict adorable,
Et qui rend vostre gloire à son nom comparable,

Malgré les vains efforts d'un sort injurieux
Vous reserve une place à
la table des Dieux.
EURIMEDON.
Mon coeur n'affecte pas ces dignitez hautaines
Dont la presomption
bouffit les ames vaines,
Je prefere grand Roy, l'honneur de vous
servir
Aux grandeurs qui pourroient dans le Ciel me ravir.
ARCHELAS.
De grace (Eurimedon) quittez cette eloquence,
Laissez-vous une fois
vaincre à ma bien-vueillance
Commandez en ma Cour, mais en ce
juste point
Pour me favoriser ne vous deffendez point:
Où bien ce
grand esprit qui tout autre surmonte
À l'obligation adjoustera la honte,

Et sa grace conjointe aux offices du bras
Nous fera confesser que
nous sommes ingrats.
SCENE TROISIESME
TYGRANE.
Destin, Neptune, Amour, Dieux cruels, tristes Astres
Ne deliberez

plus, achevez mes desastres,
Et vos foudres grondans en d'inutiles
mains,
Que ne punissez-vous les crimes des humains?

Souffrez-vous qu'un mortel brave vostre vengeance?
Sans doute on
vous croira de son intelligence,
Et si contre mon chef vos couroux
sont si lens
De mon impunité naistront mille insolens;
Trop
pitoyables Dieux vangez-vous de Tygrane,
J'ay trahy Pasithée &
trompé Celiane,
L'une en mon changement, l'autre par lascheté:

Celiane ressent mon infidelité,
Et faute de secours, la belle Pasithée

Est par ses ravisseurs indignement traictée,
Cependant sur le point
qu'elle s'en va perir
Je suis les bras croisez & la laisse mourir.
Ah!
c'est trop endurer un ingrat sur la terre,
Cieux achevez mon sort par
un coup de Tonnerre:
Ce tragique accident ne sera pas nouveau,
Le
deluge du feu suivra celuy de l'eau,
Et mes membres espars sur cet
humide empire
Auront en mesme temps l'un & l'autre martyre.

Mais qu'en vain pour avoir un remede à mes maux
J'importune les
Dieux puis qu'ils sont mes rivaux:
Vaste mer qui retiens mon ame &
mes delices
Ouvre au moins à mon corps tes affreux precipices,

Puisque desja ma vie est sur ton Element,
Prens ce qui reste encor
d'un malheureux Amant.
Ah plustost
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