est en l'Isle de Lesbos.
EURIMEDON
TRAGI-COMEDIE.
ACTE I.
SCENE PREMIERE
EURIMEDON, PASITHEE.
EURIMEDON sortant d'un navire &
mettant PASITHEE au port.
En fin (belle Princesse) après beaucoup d'orages
Vous revoyez encor
ces aymables rivages,
Neptune partizan des ambusches d'amour
S'est montré favorable à vostre heureux retour,
Son perfide element a
respecté vos charmes,
Et vostre ravisseur a fleschi sous mes armes,
Qui n'ont pû consentir qu'une Divinité
Servist de recompense à
l'infidelité.
Mais que cette bonté qui vous rend adorable
Espargne à
mon sujet un Prince miserable.
Puis qu'Amour est l'autheur du mal
qu'il a comis,
Et que vos yeux (Madame) ont fait vos ennemis:
Pardonnez à l'offence en faveur des complices,
La vie est
quelquesfois le plus grand des supplices;
Car la mort finissant les
jours d'un Criminel
Finit un chastiment qu'ils rendoient eternel.
PASITHEE.
Grand Prince à qui je dois & l'honneur & la vie
Je tiens puis qu'il
vous plaist ma vengeance assouvie,
Et s'il me reste encor quelque
ressentiment
C'est pour vous obeir que j'en ay seulement:
Que sans
crainte Araxés retourne à Mitylene
Un secret repentir fera toute sa
peine,
Et ma direction ne rendra pas suspect
Celui qui pour
moy-mesme a manqué de respect.
EURIMEDON.
Madame: La grandeur des illustres courages
Se remarque bien mieux
dans l'oubly des outrages,
Qu'alors que la rigueur de leurs justes
arrests
Sur quelque Criminel vange leurs interests:
Ce n'est pas que
je vueille authorizer sa faute,
Ou prendre le party d'une audace si
haute;
Mais desja son supplice à son crime est uny,
Et s'il est sans
espoir il est assez puny.
PASITHEE.
Eh bien qu'il soit ainsi: mais je ne puis comprendre
D'où vous vient
pour ce traistre un sentiment si tendre,
Et je ne sçay comment un
coeur si genereux
A pour son amitié fait ce choix malheureux?
EURIMEDON.
Madame, Ce discours est de trop longue haleine
Une autre occasion
vous tirera de peine,
Cependant s'il vous plaist, allons rendre à la
Cour
Au lieu de la tristesse & la joye, & l'amour.
Mais j'aperçois le
Roy, si mon oeil ne se trompe,
Et bien que je le voye avecque peu de
pompe
Toutesfois de son front l'auguste majesté
Mieux qu'un
sceptre Royal faict voir sa qualité.
SCENE DEUXIESME
ARCHELAS, EURIMEDON, PASITHEE,
FALANTE.
ARCHELAS.
Falante: Je ne sçay quelle secrette joye
Avecque ce vaisseau la
fortune m'envoye;
Mais je me sens forcé malgré mon desespoir
De
l'aller dans le port moy-mesme recevoir.
FALANTE.
Sire, ces estrangers qui viennent du rivage
Vous pourront esclaircir
de cét heureux presage.
ARCHELAS.
Où sont-ils?
FALANTE.
Les voila qui viennent droit à vous,
Pour avoir le bon-heur
d'embrasser vos genoux.
ARCHELAS.
Ah ma fille! Est-ce toy que je revois encore?
Est-ce toy Pasithée? Ô
grands Dieux que j'adore
Je crains que dans l'excez de mon
contentement
Mon trespas ne succede à ce ravissement!
Mais
n'est-ce pas aussi l'effect de quelques charmes
Qui veut tromper mes
yeux affoiblis de mes larmes?
PASITHEE.
Non Sire, vous voyez celle que le malheur
Avoit fait le butin d'un
infame voleur:
Voicy cette Princesse indignement ravie,
Et qui
perdoit l'honneur aussi bien que la vie
Si l'invincible bras de ce
liberateur
N'eut empesché ma perte, en perdant son autheur.
ARCHELAS.
Chevalier, Je sçay bien que ma recognoissance
Est plus en mes desirs
que dedans ma puissance,
Et que pour bien payer cette belle action
Mon sceptre est au dessous de l'obligation:
Il est vray qu'un exploit si
digne de memoire
Trouve ordinairement son salaire en sa gloire;
Mais de peur d'estre ingrat à ce rare bien-faict,
Je vous offre le bien
que vous nous avez faict,
Partagez nos plaisirs, regnez dans mes
provinces,
Faites vous (s'il vous plaist) des sujets de mes Princes,
Je
feray tout pour vous, ayant tout faict pour moy,
Vous m'avez rendu
pere & je vous feray Roy.
EURIMEDON.
Ah Sire! mon secours ne vaut pas qu'on y pense
Et ce qui fit ma peine
a faict ma récompence
J'ay suivy seulement les loix de mon devoir
Pour servir Pasithée, il ne faut que la voir;
Et puisque je cherchois
cette belle contrée
Je benis le sujet qui m'en donne l'entrée,
Heureux
si les faveurs d'un auspice si doux
Me permettent l'honneur de vivre
aupres de vous.
PASITHEE.
C'est pour moy seulement que je dois dire heureuse
La mesme
occasion qui vous fut dangereuse:
Car quand vous n'auriez pas à mes
yeux combattu,
Cette Cour est tousjours ouverte à la vertu:
Mais si
vostre valeur m'eust lors abandonnée,
Je serois maintenant la plus
infortunée
Qui jamais icy bas ayt respiré le jour,
Et je ne verrois pas
cet aymable sejour:
Je serois maintenant pour comble de misere
Peut estre le jouet d'un horrible Corsaire;
Ou bien pour eviter ce
servage inhumain
Contre mon propre coeur j'aurois armé ma main:
Mais au triste moment de cette violence
La vostre a prévenu leur
crime, & mon offence,
Et le coup qui finit leur trame, & mes
malheurs
Mesla leur sang brutal à mes prodigues pleurs.
ARCHELAS.
Il falloit reserver à de honteux supplices
L'autheur de ce projet, ou du
moins ses complices,
Pour donner un exemple à la posterité
Du
juste traictement qu'ils avoient merité;
La mort que le bourreau
pouvoit rendre execrable
La gloire de vos coups l'a rendue
honnorable,
Et vous avez donné par des trespas si beaux
À des
infames corps des illustres tombeaux.
EURIMEDON.
Sire, Le Dieu des eaux les a dans ses entrailles,
Un
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