Légende burlesque de l'hyène et du lièvre.--Contes
égrillards.--Contes à combles.--Contes charades.
Cette classification est toute relative.
Depuis dix ans bientôt l'auteur de ce recueil a successivement servi, au
Sénégal, en Guinée et au Soudan, dans l'Administration des Affaires
Indigènes. Pendant ce temps il a mis à profit les loisirs que lui laissait
son travail pour transcrire les contes populaires du pays que lui
racontaient des indigènes de toutes classes et de toutes professions:
griots[1], gardes, interprètes, dioulas[2], laptots[3], simples
cultivateurs.
[Note 1: Musiciens ou bouffons indigènes.]
[Note 2: Colporteurs.]
[Note 3: Matelots ou piroguiers au service de l'Administration.]
Ce travail ne lui a pas été corvée et il ne dissimule pas que le plaisir
d'entendre narrer des histoires que beaucoup tiennent pour uniquement
puériles a tout d'abord sensiblement stimulé sa vocation naissante de
folkloriste. Mais il n'a pas tardé à se rendre compte du parti qui peut
être tiré de ces récits pour la compréhension de la psychologie indigène.
Le noir, qui se déroberait à un interrogatoire précis, dont le but,
pressenti, éveille en lui une défiance confuse, se révèle au contraire en
toute ingénuité dans ses contes où se traduisent les tendances--tout au
moins idéales--de la race. Il n'éprouve aucune fausse honte à exposer,
sous l'apparence d'un récit fantaisiste, la conception qu'il a de l'univers
et de sa formation, des lois, morales et naturelles qui le régissent et, en
général, de la vie.
Au point de vue pratique, l'utilité de ces récits n'est pas moindre pour le
fonctionnaire qui entend diriger les populations assujetties au mieux
des intérêts du pays qui l'a commis à cette tâche. Il faut connaître celui
que l'on veut dominer, de façon à tirer parti tant de ses défauts que de
ses qualités en vue du but que l'on se propose. Ce n'est qu'ainsi qu'on
parvient à s'assurer sur lui ce prestige moral qui fait les suprématies
effectives et durables.
Les conclusions que l'on peut tirer de la lecture des contes sous ce
rapport ont, au moins, une valeur confirmative de ce que l'observation
directe du noir nous aura déjà appris.
D'autre part, à cette heure où l'Islam envahit de plus en plus la terre
d'Afrique, il est bon d'enregistrer sans retard des traditions qui ne sont
pas encore tout à fait dénaturées dans les pays déjà islamisés et qui,
dans les régions encore intactes, ont conservé--ou peu s'en faut--leur
pureté. Ces traditions sont les suprêmes vestiges des croyances
primitives de la race noire et, à ce titre, méritent d'être sauvées de
l'oubli.
Elles le méritent encore au point de vue littéraire. Le fond des récits et
la façon dont ils sont traités les maintiennent au niveau des contes
populaires indo-européens ou sémites, avec lesquels ces récits offrent
d'ailleurs de manifestes ressemblances.
Quant à la forme qu'on a respectée, autant qu'il était possible de le faire
pour être compris des lecteurs français, elle est, espérons-nous, celle
même que comporte la narration de contes populaires[4]. Les contes
recueillis de 1904 à 1910 ont été sténographiés sous la lente dictée des
narrateurs indigènes: Ahmadou Diop, Boubakar Mamadou, Amadou
Kouloubaly, Ousmann Guissé, Gaye Bâ, etc. Ceux transcrits au cours
des années 1911 et 1912 ont été traduits par Samako Niembélé, un
interprète intelligent, parlant assez correctement le français et je
pourrais dire qu'ils sont plutôt son ouvre que la mienne, si je n'avais
essayé, par quelques mots changés çà et là, de donner à son style la
vivacité et l'expression qu'il ne pouvait, malgré une connaissance assez
avancée de notre langue, lui communiquer autant qu'il l'aurait souhaité.
[Note 4: Nombre de personnes, qui ne s'attendaient guère à trouver
chez le noir une imagination aussi variée, m'ont demandé si j'étais bien
certain que ces contes fussent vraiment populaires ou si l'on ne pouvait
les supposer, au contraire, l'oeuvre et l'apanage exclusif de relatifs
lettrés. J'ai répondu, je réponds encore ceci que ceux qui me les ont
racontés appartenaient tous aux classes les plus modestes de la société;
que d'ailleurs, au cours de déplacements qui m'amenaient parmi des
peuplades très diverses; j'avais entendu raconter avec quelques
variantes insignifiantes, les mêmes récits. Ainsi Le fils du sérigne
(ouolof), Le plus terrible des êtres animés (bambara) Kahué
l'omniscient (peuhl). Trois frères en voyage (gourmantié), exposent
mêmes symboles et les deux premiers reproduisent à peu près le même
récit. Il en est de même d'un conte môssi recueilli par Froger qui est
conçu sur le même plan. Je pourrais multiplier les exemples, mais je
préfère indiquer ces rapports en note à la fin du conte qui en occasionne
la constatation.]
J'insiste sur ce point que ni le fond ni les détails n'ont eu à souffrir de ce
souci d'amélioration de la forme.
On trouvera ici beaucoup d'expressions locales, familières sans doute
aux coloniaux, mais médiocrement intelligibles, sauf explication, pour
le lecteur européen. J'ai cru pourtant
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