devoir les conserver pour laisser
au récit sa couleur locale encore qu'il y ait une incohérence apparente à
mélanger dans un même conte des expressions ouoloves comme
«tiéré»[5] et soussou comme «kélé»[6]. En fait, notre occupation, en
amenant des rapports plus fréquents entre populations qui s'ignoraient à
peu près auparavant, favorise la création d'une sorte de sabir
ouest-africain au sein duquel des vocables du Ouadaï voisineront
bientôt avec des expressions du Cayor ou du Baoulé. Ce sabir contient
en puissance le patois futur de l'A.O.F. dont le français restera--nous y
comptons--la langue officielle et littéraire.
[Note 5: Couscous.]
[Note 6: Amant.]
Les contes enregistrés dans ce recueil émanent de sources assez
diverses pour justifier plus qu'à demi le sous-titre, guère trop général,
qui leur a été donné. Pour que ce sous-titre fût absolument légitime, il
faudrait qu'au nombre des contes rassemblés ici figurent ceux de la
Côte d'Ivoire et du Dahomey. Néanmoins, étant données les grandes
ressemblances des contes de ces deux dernières colonies[7] avec ceux
des trois autres pays composant le Gouvernement Général, on peut dire
qu'il existe une littérature ouest-africaine, homogène dans ses grandes
lignes et provenant d'une mentalité générale commune. C'est pourquoi
le sous-titre «Contes indigènes de l'Ouest-Africain, français» semble
pouvoir être maintenu.
[Note 7: Voir pour la Côte d'Ivoire, les contes de Delafosse et
notamment: Le ciel, l'araignée et la mort. La conquête du Baoulé. Le
crapaud et le caméléon, etc.]
Quant au titre principal: Aux lueurs des feux de veillée, il s'explique par
les conditions dans lesquelles se racontent généralement ces récits.
C'est le soir, aux lueurs vacillantes du feu près duquel les noirs
attardent leurs veillées, sinon dans le flou laiteux d'une nuit lunaire,
qu'on les entend narrer le plus volontiers. La pénombre ajoute son
charme de mystère au merveilleux pittoresque des contes. Si
l'impression devient trop angoissante, un conte égrillard, une fable
satirique dissipent la terreur qui commence à peser sur l'auditoire.
Il semble même que ce décor de demi-obscurité soit devenu
indispensable pour le conteur. A l'exception, en effet, des noirs qui ont
longuement vécu en contact avec nous et qui ont acquis à ce contact un
certain scepticisme, il n'est guère de narrateur qui raconte volontiers ses
légendes à la lumière du soleil. J'en ai acquis la certitude par ma propre
expérience.
L'indigène éprouve une sorte de défiance instinctive qui le fait répugner
tout d'abord à livrer ses traditions à la curiosité des Blancs. Il ne peut
saisir pour quelle raison l'Européen, qui affiche souvent l'incrédulité,
peut s'intéresser à des récits de vieillards ou d'enfants. Aussi
cherche-t-il une arrière-pensée à cette curiosité. Il faut le convaincre
peu à peu, feindre soi-même de croire aux êtres mystérieux de la nuit et
surtout lui prouver, par des citations d'histoires de même nature, que
déjà l'on a mis d'autres conteurs en confiance. Alors il ne se défend plus
et loin d'être hésitants à votre appelles contes affluent bientôt... d'autant
mieux que la perspective d'un «bounia» (cadeau) détermine les bons
vouloirs, d'abord indécis.
Il résulte de ce qui vient d'être dit que la récolte des contes, assez
maigre au début des recherches, se fait de plus en plus fructueuse au
bout d'un certain temps: 41 des contes de ce recueil ont été enregistrés
de 1904 à 1907; 47, de 1909 à 1910, en moins de 6 mois et 187 de
juillet 1911 à octobre 1912. On voit la progression!
SOURCES DES CONTES
La majeure partie est d'origine bambara (70).
Puis viennent, par ordre de fréquence.
Peuhl (ou Torodo)..................... 54 Gourmantié............................ 42
Ouolof................................ 26 Haoussa............................... 24
Malinké............................... 23 Hâbé.................................. 17
Môssi................................. 8 Soussou............................... 3
Kouranko.............................. 2 Sénofo................................ 2
Kissi................................. 1 Khassonké............................. 1
Dyerma................................ 1 Gourounsi............................. 1
Voici la répartition détaillée de ces contes, classés par races, pour
permettre à ceux qui désireront étudier plus spécialement la littérature
merveilleuse de telle ou telle race, de se retrouver plus aisément dans ce
recueil:
CLASSIFICATION DES CONTES PAR RÉPARTITION ENTRE
LES DIVERSES RACES
I. Contes Ouolof (26).
La légende de Diâdiane NDiaye. Les trois gloutons. La fille d'Aoua
Gaye. L'ensorcelée de Thiévaly. Le laptot giflé. Le guéhuel et le damel.
Les incongrus. Le lion, le guinné et le ouarhambâné. Le fils du sérigne.
Les maîtres de la nuit. Le chat-guinné de Saint-Louis. L'enterré vif. La
précaution inutile. Le spahi et la guinné. Le ngortann. Le cabri.
Mamadou et Anta la guinné. Le milicien et les cabris. Le chasseur de
Ouallalane. Service de nuit. Une ronde impressionnante. Hammat et
Mandiaye. Le guinné altéré. La sage-femme de Dakar. Les talibés
rivaux. Ibrahima et les hafritt.
II. CONTES SOUSSOU (3).
Le fils des bâri. L'enfant de Salatouk. L'almamy-caïman.
III. Contes Dyerma (1).
L'homme touffu.
IV. Contes Gourounsi (1).
Le canari merveilleux.
V. Contes Sénofo (2).
L'éléphantiasis de Moriba. Les présents des faro.
VI. Contes Môssi (8).
Les six géants et leur mère. L'hyène, le
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