Escal-Vigor | Page 7

Georges Eekhoud
r��ceptions... Elle est quelque chose comme mon ma?tre de c��r��monies, le r��gisseur g��n��ral de l'Escal-Vigor...
Il riait, mais Claudie trouva ce rire un peu pinc�� et ��trangl��. En revanche ce fut avec une intonation sinc��rement attendrie qu'il ajouta: ?C'est presque une soeur... �� deux nous avons ferm�� les yeux �� mon a?eule!?
Apr��s un silence: ?Et vous viendrez nous voir, aux P��lerins, monsieur le comte?? demanda Claudie, un peu inqui��t��e, dans ses sp��culations matrimoniales, par la flexion presque fervente des derni��res paroles d'Henry.
-- Oui, monsieur le comte, vous nous feriez grand honneur par cette visite, insista le bourgmestre. Sans nous vanter, ?les P��lerins? n'ont point leur ��gal dans tout le royaume. Nous ne poss��dons que b��tes de choix, sujets prim��s, les vaches et les chevaux aussi bien que les porcs et les moutons...
-- Comptez sur moi, fit le jeune homme.
-- Sans doute, monsieur le comte conna?t-il tout le pays? demanda Claudie.
-- Ou �� peu pr��s. L'aspect en est assez vari��. Upperzyde m'a laiss�� le souvenir d'une jolie villette avec des monuments et m��me un mus��e curieux... J'y d��couvris autrefois un savoureux Frans Hals... Ah, un joufflu petit joueur de chalumeau; la plus merveilleuse symphonie de chair, de v��ture et d'atmosph��re dont cet exub��rant et viril artiste ait jamais enchant�� la toile... Pour ce ravissant petit dr?le, je donnerais toutes les V��nus, m��me celles de Rubens... Il me faudra retourner �� Upperzyde.
Il s'arr��ta, songeant qu'il parlait latin �� ces braves gens.
-- On m'a entretenu aussi, reprit-il, des dunes et des bruy��res de Klaarvatsch... Attendez donc. N'y a-t-il point par l�� des paroissiens bizarres?...
-- Ah, les sauvages! fit le bourgmestre, avec protection et m��pris. Une population de sacripants! Les seuls vagabonds et indigents du pays!... C'est notre Guidon, mon vaurien de fils, qui les a pratiqu��s! Chose triste �� dire, il pourrait ��tre des leurs!
-- Je prierai votre gar?on de me conduire un jour par l��, bourgmestre! dit Kehlmark en faisant passer ses h?tes dans une autre pi��ce. Ses yeux s'��taient allum��s, au souvenir du petit joueur de chalumeau. �� pr��sent ils se voilaient et sa voix avait eu un tremblement, un accent d'une indicible m��lancolie, suivi comme d'un sanglot d��guis�� en toux. Claudie continuait �� regarder �� droite et �� gauche, supputant la valeur marchande des bibelots et des raret��s.
Dans la salle de billard, o�� ils venaient d'entrer, toute une paroi ��tait prise, comme on sait, par le Conradin et Fr��d��ric de Bade, peinture de Kehlmark lui-m��me d'apr��s une gravure tr��s populaire en Allemagne. Le supr��me baiser des deux jeunes princes, victimes de Charles d'Anjou, mettait sur leur visage une expression d'amour extr��me, quasi sacramentel, intens��ment rendue par Henry.
-- ?a?... Deux petits princes. Les ma?tres d'un de mes tr��s arri��re-a?eux... On va leur couper la t��te! expliqua-t-il, singuli��rement gouailleur, �� Claudie qui b��ait devant cette peinture presque avec des yeux de badaude, habitu��e des ex��cutions capitales.
-- Pauvres enfants! remarqua la grosse fille. Ils s'embrassent comme des amoureux...
-- Ils s'aimaient bien! murmura Kehlmark comme s'il e?t dit amen. Et il entra?na plus loin sa compagne. Comme elle constatait na?vement la profusion de statues et d'acad��mies d'hommes parmi les tableaux et les marbres: ?En effet, ce sont des machines comme il s'en trouve �� Upperzyde et dans d'autres mus��es!... Cela meuble! Faute de mod��les je travaille d'apr��s cela!? r��pliqua Kehlmark, et cette fois d'un ton indiff��rent, contrefaisant, aurait-on dit, les intonations profanes de ceux qu'il pilotait.
Moquait-il ses invit��s ou se surveillait-il lui-m��me?
Selon la mode villageoise, on s'��tait mis �� table �� midi.
Il ��tait neuf heures et le soir tombait.
Tout �� coup on entendit sonner et ronfler des cuivres.
Des torches se rapproch��rent avec des rythmes de s��r��nades foraines et projet��rent, dans la p��nombre des salons, un rougeoiement d'aurore bor��ale.
III
-- Qu'est cela? une trahison, un guet-apens! se r��cria Kehlmark en prenant un air intrigu��.
-- Nos jeunes gens de la Ghilde de Sainte-C��cile, notre ?harmonie?, qui viennent vous souhaiter la bienvenue, monsieur le comte! annon?a c��r��monieusement le fermier des P��lerins.
Les yeux de Kehlmark brill��rent d'un feu oblique: ?Une autre fois, je vous montrerai mon atelier... Allons les recevoir!? dit-il, en rebroussant chemin et en se hatant de descendre l'escalier d'honneur, heureux, semblait-il, de cette diversion contre laquelle pestait int��rieurement la rus��e Claudie.
Les Govaertz et les autres invit��s le suivirent en bas dans la vaste orangerie dont on avait ouvert sur l'ordre de la toujours invisible Blandine, les larges portes vitr��es.
Les musiciens de la Ghilde se sont form��s en demi-cercle au pied du perron.
Ils soufflent �� pleins poumons dans les tubes �� larges pavillons et mart��lent en conscience la peau d'ane des caisses.
Tous portaient, �� quelques variantes pr��s, le costume pittoresque des gars du pays. Chez beaucoup, l'accoutrement, ��lim�� et m��me rapi��c��, contractait plus de patine et de rago?t que les nippes trop neuves des convives. Il y en avait de franchement d��braill��s, sans veste, en manches de chemise,
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