Escal-Vigor | Page 6

Georges Eekhoud
artiste de profession, se plut, au caf��, �� croquer un tr��s pimpant m��daillon de Claudie, qu'il lui offrit apr��s qu'on l'eut fait circuler �� la ronde, pour l'��merveillement des naturels de plus en plus ravis par la rondeur de leur jeune Dykgrave. Michel Govaertz, particuli��rement, ��tait aux anges, flatt�� des attentions du comte pour son enfant pr��f��r��e. Tout le temps Henry avait trinqu�� avec elle, et il ne cessait de la complimenter sur son costume: ?Il vous sied �� ravir, disait-il. Combien vous vous imposez plus naturellement sous ces atours que cette dame, l��-bas, qui se fait habiller �� Paris!? Et il lui d��signait du regard une baronne tr��s compass��e et fagot��e, assise �� l'autre bout de la table, et qui, flanqu��e de deux d��sinvoltes loups de mer, ne s'��tait point d��partie, depuis le potage, d'une moue d��go?t��e et d'un silence plein de morgue.
-- Peuh! avait r��pondu Claudie, vous voulez rire, monsieur le comte. C'est bien que vous nous ayez prescrit le costume du pays, sinon je me serais aussi v��tue comme nos dames d'Upperzyde.
-- Je vous en conjure, reprit le comte, gardez-vous de pareil affublement. Ce serait faire acte de trahison!
Et le voil�� qui se lance dans un pan��gyrique du costume na?vement appropri�� aux particularit��s du terroir, aux diff��rences de contr��es et de races. ?Le costume, d��clare-t-il, compl��te le type humain. Ayons nos v��tements personnels comme nous avons notre flore et notre faune sp��ciales!? Ses mots imag��s semblent peindre et modeler de belles formes humaines harmonieusement drap��es.
Au plus fort de sa conf��rence ��thologique, il s'aper?oit que la jeune paysanne l'��coute sans rien comprendre �� son enthousiasme.
Pour la distraire, il se mit en devoir de lui montrer les diverses pi��ces du chateau fra?chement restaur��, bourr�� de souvenirs et de reliques. Claudie prit le bras du comte et, ouvrant la marche, il invita les autres villageois �� les suivre d'enfilade en enfilade. Les yeux de Claudie, comme deux charbons ardents, d��voraient l'or des cadres, des lambris et des torch��res, les tapisseries f��odales, les panoplies d'armes rares, mais demeuraient insensibles �� l'art, au go?t, �� l'ordonnance de ces luxueux accessoires. De nobles nus, peints ou sculpt��s, entre autres les copies des jeunes hommes du Buonarotti encadrant les compositions du plafond de la Sixtine, ne la frappaient que par leur costume in naturalibus. Elle ��clatait, en se renversant, d'un rire polisson, ou bien se couvrait le visage, jouant l'effarouchement, la gorge houleuse; et Kehlmark la sentait fr��mir et panteler contre sa hanche. Michel Govaertz marchait sur leurs pas avec la bande ahurie et ��grillarde. Des loustics commentaient les toiles de ma?tres, s'affriolaient et, devant les nudit��s mythologiques, faisaient, de l'oeil et m��me du geste, leur choix.
�� plusieurs reprises, le bourgmestre alla leur recommander plus de discr��tion.
Comme il revenait de les rappeler vainement �� la d��cence: ?Quelqu'un qui n'est pas content de vous voir parmi nous, monsieur le comte, dit-il, c'est notre domin��, Dom Balthus Bomberg.?
-- Ah bah! fit le Dykgrave. En quoi lui port��-je ombrage? je ne pratique pas, j'en conviens, mais je crois en savoir aussi long que lui sur le chapitre des religions, et quant �� la v��ritable, l'��ternelle vertu je m'entendrai bien avec les braves gens de tous les cultes... Au fait, Dom Balthus a d��clin�� mon invitation d'aujourd'hui, en donnant �� entendre que pareilles promiscuit��s r��pugnent �� son caract��re... En voil�� de l'��vang��lisme!... Il est gentil pour ses paroissiens...
-- Savez-vous bien, qu'il a d��j�� pr��ch�� contre vous! dit Claudie.
-- Vraiment? Il me fait beaucoup d'honneur.
-- Il ne vous a pas attaqu�� directement et s'est bien gard�� de vous nommer, reprit le bourgmestre, mais les assistants ont tout de m��me compris qu'il s'agissait de Votre Seigneurie, lorsqu'il d��non?ait tels beaux chatelains venus de la capitale, qui affichent des id��es de m��cr��ants et qui, manquant �� tous leurs devoirs, donnent le mauvais exemple aux humbles paroissiens, en moquant, par leurs moeurs dissolues, le tr��s saint sacrement du mariage! Et patati, et patata! Il para?t qu'il en a eu pour un bon quart d'heure, du moins �� ce que nous ont racont�� mes d��votes de soeurs, car ni moi, ni les miens nous ne mettons le pied dans son ��glise!...
En entendant cette allusion �� son faux m��nage, le comte avait l��g��rement chang�� de couleur, et ses narines accus��rent m��me une nerveuse contraction de col��re qui n'��chappa point �� Claudie.
-- N'aurons-nous pas l'honneur de saluer madame... ou, comment dirai-je, mademoiselle...? demanda la paysanne en balbutiant avec affectation.
Une nouvelle expression de furtif m��contentement passa sur la physionomie de Kehlmark. Ce nuage n'��chappa non plus �� la fut��e villageoise. ?Tant mieux, songeait-elle, la mijaur��e semble d��j�� l'avoir exc��d��!?
-- Vous voulez parler de mademoiselle Blandine, mon ��conome, fit Kehlmark d'un air enjou��! Excusez-la. Elle est tr��s occup��e et, de plus, extr��mement timide... Son grand plaisir consiste �� pr��parer et �� diriger, dans la coulisse, mes petites
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