langues se d��liaient, des rires, parfois un juron, scandaient leur idiome guttural, haut en couleur avec, pourtant, des caresses et des velout��s inattendus.
Logique dans sa d��rogation �� l'��tiquette, violant toute pr��s��ance, l'amphitryon avait eu le bon esprit d'asseoir chaque fois �� c?t�� d'un de ses pairs de l'oligarchie une fermi��re, une patronne de chaloupe ou une poissonni��re, et, r��ciproquement, �� c?t�� d'une voisine de chateau, se calait un jeune nourrisseur de crane encolure ou un chaloupier aux biceps noueux.
Les amis de Kehlmark constat��rent que presque tous les convives ��taient dans la fleur ou dans la chaude maturit�� de l'age. On aurait dit une s��lection de femmes avenantes et de gars plastiques et galbeux.
Parmi les invit��s se trouvait un des principaux cultivateurs du pays, Michel Govaertz de la ferme des P��lerins, veuf, p��re de deux enfants, Guidon et Claudie.
Apr��s le seigneur de l'Escal-Vigor, le fermier des P��lerins ��tait l'homme le plus important de Zoudbertinge, le village sur le territoire duquel ��tait situ�� le chateau des Kehlmark.
Durant la minorit�� et l'absence du jeune comte, Govaertz l'avait m��me remplac�� �� la t��te de la wateringue ou conseil d'entretien et de pr��servation des terres d'alluvion, dites polders, conseil dont le Dykgrave ��tait le chef. Et ce n'��tait pas sans une certaine mortification d'amour-propre que, par le retour de Kehlmark, le fermier des P��lerins s'��tait vu rel��gu�� au rang d'un simple membre des comices en question. Mais l'affabilit�� du jeune comte avait bient?t fait oublier �� Govaertz cette petite diminution d'autorit��. Puis, auparavant, il ne si��geait dans la wateringue que comme repr��sentant du Dykgrave, tandis que comme jur�� il avait droit d'initiative et voix d��lib��rative dans le chapitre. De plus, n'avait-il point ��t�� r��cemment ��lu bourgmestre de la paroisse? Gros paysan, quadrag��naire de belle prestance, pas m��chant, mais vaniteux, de caract��re nul, il avait ��t�� extr��mement flatt�� d'��tre invit�� au chateau et d'occuper, avec sa fille, la t��te de la table. Soutenu par ses comp��res, surtout styl�� et instigu�� par sa fille, la non moins ambitieuse mais plus intelligente Claudie, il incarnait les pr��rogatives et les immunit��s civiles et tenait frondeusement t��te au pasteur Bomberg. Un instant, il craignit que le comte de Kehlmarck ne profitat de son influence pour se faire nommer magistrat du village. Mais Henry abhorrait la politique, les comp��titions qu'elle engendre, les bassesses, les intrigues, les compromissions qu'elle impose aux hommes publics. De ce c?t��, Govaertz n'avait donc rien �� craindre. Aussi r��solut-il de se faire un ami et un alli�� du grand seigneur, pour r��duire le domin�� �� l'impuissance. Cette attitude lui avait ��t�� recommand��e par Claudie d��s qu'on apprit l'arriv��e du chatelain d'Escal-Vigor.
Pour honorer le bourgmestre, le comte avait assis Claudie Govaertz �� sa droite.
Claudie, la forte t��te de la maison, ��tait une grande et plantureuse fille, au temp��rament d'amazone, aux seins volumineux, aux bras muscl��s, �� la taille robuste et flexible, aux hanches de taure, �� la voix imp��rative, type de virago et de walkyrie. Un opulent chignon de cheveux d'or brun casquait sa t��te volontaire et r��pandait ses m��ches sur un front court, presque jusqu'�� ses yeux hardis et effront��s, bruns et fluides comme une coul��e de bronze, dont un nez droit et ��vas��, une bouche gourmande, des dents de chatte, soulignaient la provocation et la rudesse. Toute en chair et en instincts, un besoin de tyrannie, une ambition f��roce parvenait seule �� r��fr��ner ses app��tits et �� la conserver chaste et inviol��e jusqu'�� pr��sent, malgr�� les ardeurs de sa nature. Pas l'ombre de sensibilit�� ou de d��licatesse. Une volont�� de fer et aucun scrupule pour arriver �� ses fins. Depuis la mort de sa m��re, c'est-��-dire depuis ses dix-sept ans -- aujourd'hui elle en comptait vingt-deux -- elle gouvernait la ferme, le m��nage et, jusqu'�� un certain point, la paroisse. C'est avec elle que devrait compter le pasteur. Son fr��re Guidon, un adolescent de dix-huit ans, et m��me son p��re le bourgmestre, tremblaient lorsqu'elle ��levait la voix. Un des plus beaux partis de l'?le, elle avait ��t�� tr��s recherch��e, mais elle avait ��conduit les pr��tendants les plus argenteux, car elle r��vait un mariage qui l'��l��verait encore au-dessus des autres femmes du pays. Telle ��tait m��me la raison de sa vertu. Magnifique et vibrant morceau de chair, aussi affriol��e qu'affriolante, elle d��courageait les poursuites des males s��rieusement intentionn��s, quoiqu'elle e?t voulu s'abandonner, se pamer dans leurs bras et leur rendre ��treinte pour ��treinte, qui sait, peut-��tre m��me les provoquer et, au besoin, les prendre de force.
Afin de mater et d'��tourdir ses postulations, Claudie se d��pensait, la semaine, en corv��es, en besognes ��reintantes, et, aux kermesses, elle se livrait �� des danses furieuses, provoquait des algarades, fomentait des hourvaris et des rixes entre ses galants, mais leurrant le vainqueur, le ma?trisant au besoin, affectant encore plus de brutalit�� que lui, allant jusqu'�� le battre et le traiter comme
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