Eric le Mendiant | Page 6

Pierre Zaccone
conseils.
Le vieil abb�� sembla alors se recueillir, puis il reprit:
-- Je ne sais, mon ami, dit-il, si vous connaissez au pays un homme que l'on a pris l'habitude de d��signer sous la d��nomination d'��ric le mendiant...
-- Je le connais, r��pondit Tanneguy en fron?ant le sourcil.
-- Cet homme, poursuivit l'abb��, parcourt journellement les communes de la c?te, et il va partout, semant les nouvelles bonnes ou mauvaises, vraies ou fausses, qu'il a recueillies sur son chemin.
-- Je lui ai souvent fait l'aum?ne, et Marga?t aussi!... objecta Tanneguy...
-- Cela ne m'��tonne pas!... il pr��l��ve dans la contr��e une d?me consid��rable, dont j'ai ou? dire qu'il faisait mauvais usage. C'est, je crois, une nature perverse, mais cet homme n'est pas seulement m��chant, il est encore tr��s dangereux.
-- Je le sais!... fit Tanneguy.
-- Vous avez eu �� vous en plaindre...
-- Une seule fois.
-- Et depuis, vous ne lui faites plus l'aum?ne?...
-- Moi, je l'ai chass�� de la ferme... mais Marga?t lui donne, encore de temps �� autre, �� ce que j'ai appris.
-- Alors, je commence �� m'expliquer l'esp��ce de haine qu'il vous a vou��e.
-- Ah! il me hait.
-- Il dit du moins beaucoup de mal de vous...
-- Mais on n'y ajoute pas foi...
-- Tanneguy, c'est une des erreurs les plus funestes des natures loyales et droites, de ne jamais croire �� la puissance des m��chants!... il est bien souvent difficile, m��me aux hommes les plus vertueux, de se pr��server de leurs terribles atteintes.
-- Et qu'importe ce que cet ��ric peut dire de moi! s'��cria Tanneguy en redressant le front avec une fiert�� pleine de noblesse; il y a vingt ans que j'habite le pays, monsieur l'abb��, et j'y ai assez d'amis d��vou��s, pour leur laisser le soin de me d��fendre contre les calomnies de tous les mendiants...
-- Mais s'il ne s'agissait pas pr��cis��ment de vous?
-- Comment?...
-- S'il s'agissait de Marga?t, par exemple?
-- Marga?t!...
-- Vous ne resteriez pas, je le suppose, tout �� fait aussi indiff��rent aux calomnies qui pourraient l'atteindre.
-- Il a dit du mal de Marga?t!...
Le p��re Tanneguy s'��tait lev�� �� moiti��, son visage avait tout �� coup pali, et sa main puissante et robuste s'appuyait carr��ment sur la table de ch��ne.
Mais l'abb�� Kersaint ��tait trop l'ami de Tanneguy, pour ne pas aller jusqu'au bout, et il poursuivit, malgr�� la col��re qui grondait sourdement dans la poitrine du p��re de Marga?t.
-- Mon ami, lui dit-il, je me suis promis de vous dire toute la v��rit��, et je ne veux vous en rien cacher. ��ric a dit, et je vous le r��p��te, pour vous mettre �� m��me de prendre des mesures qui fassent cesser de telles calomnies, ��ric a dit que depuis plusieurs mois vous receviez fr��quemment chez vous un jeune homme que sa position sociale devrait au contraire ��loigner de Marga?t.
-- Octave!... balbutia Tanneguy.
-- Octave! r��p��ta le cur��; je sais moi, et tous vos amis savent aussi que le jeune Octave passe chez, vous, qui ��tes le fermier de sa m��re, quand le d��sir d'aller chasser dans les environs l'a r��veill�� de bonne heure; mais ��ric voit les choses autrement, et il les r��pand avec des commentaires qui peuvent nuire �� la r��putation de Marguerite.
-- Le mis��rable!...grommela Tanneguy en enfon?ant ses ongles dans la table.
-- Voil�� ce qu'il dit, mon ami; il est triste, il est douloureux, d'avoir �� d��fendre une enfant aussi pure que Marguerite de pareilles indignit��s, mais malheureusement, plus les calomnies sont absurdes, plus elles trouvent de cr��dit aupr��s de nos paysans... Vous y aviserez... et dans peu, j'en suis s?r, il n'en sera plus question...
Tanneguy ne r��pondit pas: son oeil s'��tait ardemment fix�� au parquet; une paleur livide s'��tait r��pandue sur ses joues, son coeur battait �� se rompre.
Il se leva.
-- Monsieur l'abb��, dit-il alors d'une voix profond��ment ��mue, je vous remercie pour Marguerite et pour moi, vous avez le courage de me dire la v��rit��, et maintenant je comprends bien des choses que je ne parvenais pas �� m'expliquer.
-- Quelles choses? fit l'abb��.
-- Oh!... des riens; les sourires des uns, l'air contraint des autres, la joie maligne de tous... l'infamie, monsieur l'abb��. Marguerite est perdue...
-- Y pensez-vous!...
-- Perdue, vous dis-je... Marguerite est pure comme la ros��e de mai; mais on ne le croit plus... je me vengerai.
-- Tanneguy!...
-- Ce n'est rien... soyez tranquille... j'aurai du calme, mais il y a du sang des Tanneguy dans mes veines, et nous verrons bien.
-- Que comptez-vous faire?
-- Vous allez le savoir, et en peu de mots, comme il convient... Marguerite va retourner avec votre domestique, la vieille Jeanne, �� ma ferme de Lanmeur... Moi, pendant ce temps, j'irai r��gler mes affaires avec l'intendant des Kerhor, et demain je quitterai le pays...
-- Partir!
-- Demain, monsieur l'abb��...
-- Vous reviendrez sur cette r��solution.
-- Je ne partirai pas sans vous serrer la main, monsieur l'abb��, mais je partirai...
En parlant ainsi, Tanneguy fit un geste d'adieu
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