En chine | Page 8

Judith Gautier
par des exhortations, composaient des hymnes, des chants de guerre, des ��l��gies. Un grand nombre de ces po��mes primitifs ont ��t�� rassembl��s et sauv��s de l'oubli par Confucius, qui les a class��s et en a form�� le recueil si c��l��bre, intitul�� ?Le Che-King livre des vers.?
Dans la grande pr��face de ce recueil, le Ma?tre dit: ?Les po��sies naissent des pens��es, des sentiments que l'on ��prouve en soi-m��me et qui se produisent au dehors;? et Tchou-Hi, un illustre commentateur du Che-King, ajoute: ?Du jour o�� l'homme est n��, il a exerc�� son jugement, il a regard�� ce qui se passait autour de lui. Cette facult�� lui vient du ciel. Il a essay�� alors d'exprimer par des paroles, par des interjections, par des chants, ce qu'il ��prouvait, sans pouvoir encore exprimer tous ses sentiments.?
La premi��re partie du Che-King, la plus ancienne, est intitul��e: ?Les Souffles du Royaume? (Koua-Fan). Ce titre indique bien que ces po��mes anonymes sont l'oeuvre du g��nie populaire, les souffles de l'ame de tous.
La versification, cependant, avait d��j�� en ces temps recul��s, une forme compliqu��e, concise, all��gorique, qui diff��rait peu de la forme actuelle. L'art po��tique ��tait divis�� en plusieurs genres: le genre simple ou direct, dans lequel on exposait simplement la pens��e, le genre m��taphorique, le genre noble ou ��lev��, Quelquefois, on m��langeait deux de ces modes.
Les onomatop��es sont tr��s fr��quentes dans les vers du Che-King, il semble que ces harmonies imitatives charmaient tout particuli��rement les po��tes d'autrefois.
Voici l'��nonc�� d'une de ces strophes:
Kin-tchi Yin-Yin Tou-Tchi Song-Song Tcho-Tchi Pong-Pong Sio-Liu Ping-Ping
Sur les seize mots, qui composent ce quatrain, huit ne signifient rien; il reste donc peu de chose pour exprimer la pens��e de l'auteur, mais ce qui reste suffit au po��te chinois. Voici le sens de ces vers:
?On apporte les mat��riaux: Yin-Yin. Les charpentiers taillent: Song-Song. Les menuisiers clouent: Pong-Pong. On construit la palissade: Ping-Ping.?
Les Chinois ont l'habitude de dire: ?L'arbre de la po��sie prit racine au temps du Che-King, ses bourgeons parurent avec Le-Ling, et Sou-Vou qui vivaient sous l'empereur Vou-Ti (140 ans avant notre ��re). Ses feuilles pouss��rent en abondance sous le r��gne des Han et des Ouei, mais il ��tait r��serv�� �� la dynastie des Tang de voir ses fleurs, et de go?ter ses fruits.?
C'est, en effet, sous les Tang que v��curent Li-Tai-P�� et Thou-Fou, les deux plus grands po��tes qu'ait eu la Chine. Les Tang r��gn��rent de l'an 618 �� l'an 909 de notre ��re. Li-Tai-P�� naquit en 702 et Thou-Fou en 714. Il y a donc plus de onze cents ans que les deux po��tes jouissent en Chine d'une popularit�� incomparable que le temps n'a fait qu'accro?tre. Dans ses vers, Li-Tai-P�� a une forme originale et br��ve, un style color�� aux images rares et choisies, plein d'allusions, de sous-entendus et souvent d'ironie; ce po��te aimait le vin et s'enivrait fr��quemment, mais il abrite souvent derri��re le paravent de l'ivresse de graves manquements �� l'��tiquette dont les courtisans s'offensaient.
Thou-Fou est consid��r�� comme l'��gal de Li-Tai-P��, sans que les Chinois aient os�� d��cider lequel surpasse l'autre: ?Lorsque deux aigles ont pris leur essor, disent-ils, et s'��l��vent �� perte de vue, qui donc pourrait reconna?tre lequel des deux a vol�� le plus pr��s du ciel??
Thou-Fou naquit �� King-Tcheou, dans la province de Chen-Si (montagne occidentale); ses parents ��taient fort pauvres, mais remarquant chez leur fils une intelligence peu commune, ils l'envoy��rent n��anmoins aux ��coles. Thou-Fou obtint le grade de bachelier, puis celui de licenci��, puis il ��choua au doctorat. Il ne s'obstina pas �� courir une seconde fois la chance du concours, et se laissa aller �� la passion qui l'entra?nait vers la po��sie.
L'envergure de son esprit lui permit d'embrasser tous les genres �� la fois: ?Il fut,? disent les Chinois, ?��loquent, sublime, d��licat, brillant.? Il aimait la nature par dessus tout, et son plus grand bonheur ��tait de la chanter. Avec moins d'��tranget��, moins d'impr��vus, les po��sies de Thou-Fou sont presque aussi pittoresques que celles de Li-Tai-P��, le grand ami qu'il proclamait son ma?tre; elles sont plus ais��ment traduisibles ayant plus de naturel, de tendresse compatissante, d'��motion devant les douleurs de l'humanit��. Lisez ce po��me qui est un de ses meilleurs:
LE BEAU PALAIS DE JADE
?En faisant mille circuits, le ruisseau court, sous les sapins, entre lesquels le vent s'allonge.
?Les rats gris s'enfuient vers les vieilles tuiles.
?�� quel roi fut ce palais, on ne le sait plus. Le toit, avec les murailles, au pied de ce rocher �� pic, tout est tomb��. Les Feux-Esprits, n��s du sang des soldats tu��s, hantent la ruine. Sur la route d��truite, les sources qui s'��coulent, semblent sangloter des regrets...
?Et du bruit de toutes ces eaux vives, les ��chos forment une v��ritable musique. La couleur de l'automne jette sa douce m��lancolie sur toutes choses.
?H��las! la beaut�� de celles, qui, l�� furent belles, devient maintenant de la poussi��re jaune...
?�� quoi servit, alors, d'admirer
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