cormorans pêcheurs.» Elle est, par elle-même, des
plus explicatives. D'un coup d'oeil, on apprend, sur cette pêche, et
d'inoubliable manière--ce qu'il en faut savoir, c'est-à-dire la forme et les
attitudes des oiseaux pêcheurs, la structure du radeau qui les conduit à
leur besogne, la façon dont ils portent le collier qui s'oppose à
l'ingurgitation de la proie.
«En loge pour les degrés de mandarin...» Imagineriez-vous la façon
dont peuvent être disposées ces loges?--Et ce moulin à eau mû par des
hommes, l'imagineriez-vous? Non. La plus habile description ne nous
présente jamais que successivement les lignes d'un tableau qu'ici vous
embrassez et comprenez d'un seul coup d'oeil.
La leçon d'écriture japonaise, la fête des drapeaux, le marchand de
poupées, les enfants jouant à la toupie, autant de spectacles topiques
dont rien, sinon l'image arrivant au secours de la parole, ne peut
évoquer la physionomie et le mouvement exacts, caractéristiques, la
colorisation expressive.
Lorsque cette série de douze beaux voyages s'achèvera par un voyage
en Alsace-Lorraine signé d'un nom aimé et respecté, elle aura vraiment
une signification éducatrice complète. Après avoir fait aimer aux
esprits les moins aventureux le voyage d'agrément ou l'utile voyage
d'exploration et de colonisation, elle affirmera que notre patrie aussi est
belle--et semble plus belle encore, lorsqu'on la compare.
N'oublions pas que, parce qu'elle est belle et riche, la patrie française
est, pour d'autres hommes, un objet de rêve et parfois de mauvaise
envie. Un des fruits les plus savoureux des beaux voyages est l'estime
nouvelle, l'amour renouvelé qu'ils nous inspirent à l'heure du retour,
pour les mérites, pour les beautés de la terre française, pour
«l'enchantement du ciel de France.»
Dès que le Français s'est éloigné un temps de notre mère-patrie, il
s'aperçoit mieux que jamais qu'elle a des vertus et des charmes
incomparables. Plus qu'ailleurs, en France, l'homme trouve sécurité et
liberté, on ne sait quelle façon d'aimer les autres hommes, que tout
l'univers connaît bien--et qui fait dire quelquefois aux gitanes, ces
sans-patrie: «C'est encore en France qu'on est le plus libre, et le moins
malheureux.»
Ceci est le mot authentique d'un bohémien dont le voyage fut la vie
même.
JEAN AICARD
Saint-Raphaël, Août 1911
[Illustration: CARTE DE LA CHINE][1]
[Note 1: La carte de la Chine est reproduite dans l'édition HTML du
présent projet.]
EN CHINE
CHAPITRE I
ANTIQUITÉ DE LA CHINE
La Chine est une des plus vénérables aïeules du Monde et de la
civilisation. Elle nous offre cet exemple--unique dans l'histoire de la
terre--d'un peuple qui, depuis la plus lointaine antiquité, s'est développé
sans interruption, jusqu'aux temps modernes toujours semblable à
lui-même sans se mêler, sans se diviser à travers les siècles, les
invasions, les conquêtes, car il a toujours su s'assimiler le vainqueur.
À peine modifié dans son langage et son écriture, ce peuple est
aujourd'hui ce qu'il était plus de VIII siècles avant la naissance de la
civilisation grecque.
L'Égypte, Babylone, l'Indoustan, la Grèce, Rome, toutes ces splendeurs
se sont éteintes, seule la Chine a traversé les âges, d'un cours égal, sans
s'amoindrir comme un beau fleuve intarissable.
Les commencements de la Chine s'enfoncent en de tels lointains, qu'il
est impossible de les fixer avec certitude, mais à partir d'un certain
point, rien n'est plus certain ni mieux prouvé que son antiquité: rien de
plus sûr que ses annales. Près de trois mille ans avant notre ère, elle
avait déjà un passé, car c'est alors que fut fondé «le Tribunal pour écrire
l'histoire.» Ce tribunal n'a jamais cessé ses travaux, et fonctionne
encore aujourd'hui. Son histoire est très véridique--car l'impartialité de
ses historiens est assurée par un procédé infaillible: plusieurs lettrés,
attachés au palais impérial, écrivent chaque jour, sans se concerter et en
secret, sur des feuilles volantes, toutes les actions de l'empereur, et
toutes les nouvelles qu'on leur rapporte et qu'ils peuvent contrôler. Le
soir, ils jettent leurs écrits dans un grand coffre scellé, percé d'une fente
comme une tirelire. Jamais on n'ouvre le coffre du vivant de la famille
régnante qui pourrait avoir intérêt à falsifier la vérité. Plus tard, on
confronte les écrits, et on rédige les annales.
On a coutume de dire que les Chinois ont tout inventé, tout, ou presque
tout.
Quand on fouille un peu dans leur histoire, on marche de surprise en
surprise.
Il y a quatre mille cinq cents ans, ils connaissaient la boussole, et s'en
servaient pour se diriger sur terre, car en ces temps, il n'y avait pas de
route, et les quelques chemins tracés n'allaient pas bien loin.
C'était en des chars très ornés que se cachait «le mystérieux esprit qui
désigne le Sud.» Le Sud et non le Nord, mais n'est-ce pas la même
chose? Le prolongement de l'aiguille aimantée vers le pôle opposé. Les
Chinois ne se sont intéressés qu'à la direction qu'il leur était utile
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