En chine | Page 2

Judith Gautier
Monsieur le Capitaine Marcel Pionnier (capitaine Baudesson), Chargé
de Missions par le Gouvernement, auteur du volume sur les Indes;
et enfin à Madame Judith Gautier, Membre de l'Académie Concourt,
auteur des volumes sur la Chine et le Japon.
On trouvera, parmi les signataires des six volumes qui suivront, des
noms des plus connus.
Avec de tels noms d'auteurs, l'ensemble de ces ouvrages se présente
assez heureusement de soi-même au grand public; mais ce qu'on peut
tout particulièrement lui signaler, c'est l'intérêt que présentent les jolies

planches en couleurs dont ces livres sont enrichis. La valeur
documentaire positive en fait le premier mérite; il est décuplé, pour la
plupart de ces planches, par l'attrait que leur donne le ton à la fois juste
et aimable des coloris.
J'imagine que beaucoup de ces illustrations sont des photographies en
couleurs prises directement; tels autres sont des aquarelles, assurément
exécutées d'après nature; et toutes ces images sont des «portraits de
pays» ressemblants et vivants.
Commenté par de pareilles images, le texte parlera aux yeux des
enfants, fixera leur attention; et, après les avoir vues, ils n'oublieront
plus le pays où ils croiront avoir réellement voyagé.
En chaque série se résument les caractères généraux, très
différents--des grandes contrées qu'elles mettent sous nos yeux.
J'ouvre, au hasard, l'une d'elles: voici un «Bazar à Marrakech»; la
disposition des boutiques sous le toit de poutres qui, çà et là, laisse par
un trou, voir l'éclat du ciel, voilà qui attire invinciblement ma curiosité
et la retient; puis c'est l'allure des passants qui la sollicitera; puis la
qualité de l'ombre lumineuse qui règne sous ce «couvert»; et j'ai tout
revu du Maroc, si je l'ai visité autrefois; j'en ai tout vu et appris, si je ne
le connaissais pas.
Bien plus parlant encore m'apparaît ce maigre personnage de bonze
noir, le «Porteur de dépêches,» qui, son bâton horizontal sur le dos, à la
hauteur des épaules, les coudes en arrière, les mains comme accrochées
et pendues aux extrémités de sa matraque, d'un pas large et fatigué,
chemine dans le crépuscule--sur le ciel vert et jaune, se détachent là-bas,
le profil d'une habitation mauresque et les silhouettes de deux
bédouines... Cet étique fantôme, c'est le facteur de là-bas, le porteur de
rêves, d'espérances, de déceptions aussi, l'incarnation même du voyage.
Dans «l'Égypte» on remarquera plus particulièrement les «Arabes du
désert.» Cette page donne l'idée exacte d'une course de chameaux
comme j'en ai pu voir moi-même, non pas en Égypte, mais en Tunisie.

Et quoi de plus amusant, pour des yeux d'écolier, que «l'École d'enfants
dans la Mosquée du Sultan Kelaun,» les bambins assis à terre, leurs
babouches à côté d'eux--le maître «assis en tailleur» dans sa grande
chaise ajourée!
Certes, la photographie, de nos jours, nous présente partout et à toute
heure des documents aussi précis, mais non pas avec cette variété et
cette gaîté de couleurs, qui, pour les petits et les grands, est un attrait
des plus vifs... qu'on se rappelle l'influence de l'ancienne et naïve
imagerie d'Épinal sur nos cerveaux enfantins. Heureux les enfants
d'aujourd'hui!
Comment, avec des mots, à moins d'être Pierre Loti, donnerez-vous au
lecteur l'idée de ce que peut être un prince hindou, un maharadja en
grand costume? Et que vous en dirait la photographie sans la couleur?
Comment saurez-vous que l'éléphant qui porte ce prince est vêtu d'un
brocart d'or? que le char sans roue, le trône qu'on voit sur le dos de
l'énorme animal est, comme le prince, un ruissellement de dorure?
L'image coloriée peut seule le dire; à elle seule elle est un conte
féerique; et voilà une façon gaie d'apprendre aux bambins ce qu'est un
maharadja et dans quelles somptuosités il parade parfois, sous un
parasol d'or, et sur un éléphant recouvert d'or flamboyant et de
pierreries rutilantes.
Le texte des deux volumes sur la Chine et le Japon a été demandé à
Madame Judith Gautier.
Personne ne pouvait mieux qu'elle parler de cette Chine «qui a inventé
tout ou presque tout, à une époque des plus reculées. Il y a quatre mille
ans les chinois se servaient déjà de boussoles. Bien des siècles avant
Gutenberg, ils avaient inventé l'imprimerie, ils gravaient des livres
qu'ils tiraient en nombre illimité. Ils ont inventé la soie, il y a 4500 ans.
Ils ont même inventé la poudre: il y a neuf siècles, ils en emplirent des
globes de fer qu'ils lançaient à l'aide de tubes: c'était presque des obus.»
Madame Judith Gautier nous parlera des moeurs, des usages, de la
poésie de ce pays où une justice extraordinaire, qui paraît se complaire
à inventer les supplices les plus hideux, permet aux criminels les plus

redoutables, lorsqu'ils sont condamnés à mort, de s'acheter un
remplaçant parmi les citoyens pauvres et honnêtes.
Dans le volume sur la Chine, je vous signale la planche où sont
représentés «Les
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