En ballon! Pendant le siege de Paris | Page 7

Gaston Tissandier
mer de brume que s'est ��coul��e mon enfance! C'est toi, Paris, qui as su ouvrir mon coeur aux sentiments d'ind��pendance et de libert�� qui m'animent! Te voil�� captif aujourd'hui? L'heure de la d��livrance sonnera-t-elle pour toi? Je sais bien que la foi, la constance, ne manqueront jamais �� tes enfants; mais qui peut compter sans les hasards de la guerre?
Pendant que mille r��flexions naissent et s'agitent ainsi dans mon esprit, le vent me pousse toujours dans la direction de l'Ouest, comme l'atteste ma boussole. Apr��s Saint-Cloud, c'est Versailles qui ��tale �� mes yeux les merveilles de ses monuments et de ses jardins.
Jusqu'ici je n'ai vu que d��serts et solitudes, mais au-dessus du parc la sc��ne change. Ce sont des Prussiens que j'aper?ois sous la nacelle. Je suis �� 1,600 m��tres de haut; aucune balle ne saurait m'atteindre. Je puis donc m'armer d'une lunette et observer attentivement ces soldats, lilliputiens vus de si haut.
Je vois sortir de Trianon des officiers qui me visent avec des lorgnettes, ils me regardent longtemps; un certain mouvement se produit de toutes parts. Des Prussiens se chauffent le ventre sur le tapis vert, sur cette pelouse que foulait aux pieds Louis XIV. Ils se l��vent, et dressent la t��te vers le _C��leste_. Quelle joie j'��prouve en pensant �� leur d��pit.--Voil�� des lettres que vous n'arr��terez pas, et des d��p��ches que vous ne pourrez lire! Mais je me rappelle au m��me moment qu'il m'a ��t�� remis 10,000 proclamations imprim��es en allemand �� l'adresse de l'arm��e ennemie.
J'en empoigne une centaine que je lance par dessus bord; je les vois voltiger dans l'air en revenant lentement �� terre; j'en jette �� plusieurs reprises un millier environ, gardant le reste de ma provision pour les autres Prussiens que je pourrai rencontrer sur ma route.
Que contenait cette proclamation? Quelques paroles simples disant �� l'arm��e allemande que nous n'avions plus chez nous ni empereur, ni roi, et que s'ils avaient le bon sens de nous imiter, on ne se tuerait plus inutilement comme des b��tes sauvages. Paroles sens��es, mais jet��es au vent, emport��es par la brise comme elles sont venues!
Le _C��leste_ se maintient �� 1,600 m��tres d'altitude; je n'ai pas �� jeter une pinc��e de lest, tant le soleil est ardent; car il n'est pas douteux que mon ballon fuit, et, sans la chaleur exceptionnelle de l'atmosph��re, mon mauvais navire n'aurait pas ��t�� long �� descendre avec rapidit��, et peut-��tre au milieu des Prussiens. En quittant Versailles, je plane au-dessus d'un petit bois dont j'ignore le nom et l'exacte position. Tous les arbres sont abattus au milieu du fourr��; le sol est aplani, une double rang��e de tentes se dressent des deux c?t��s de ce parall��logramme. A peine le ballon passe-t-il au-dessus de ce camp, j'aper?ois les soldats qui s'alignent; je vois briller de loin les ba?onnettes; les fusils se l��vent et vomissent l'��clair au milieu d'un nuage de fum��e.
Ce n'est que quelques secondes apr��s que j'entends au-dessous de la nacelle le bruit des balles et la d��tonation des armes �� feu. Apr��s, cette premi��re fusillade, c'en est une autre qui m'est adress��e, et ainsi de suite jusqu'�� ce que le vent m'ait chass�� de ces parages inhospitaliers. Pour toute r��ponse, je lance �� mes agresseurs une v��ritable pluie de proclamations.
C'est un panorama toujours nouveau qui se d��roule aux yeux de l'a��ronaute; suspendu dans l'immensit�� de l'espace, la terre se creuse sous la nacelle comme une vaste cuvette dont les bords se confondent au loin avec la vo?te c��leste. On n'a pas le loisir de contempler longtemps le m��me paysage quand le vent est rapide; si le puissant aquilon vous entra?ne, la sc��ne terrestre est toujours nouvelle, toujours changeante. Je ne tarde pas �� voir dispara?tre les Prussiens qui ont perdu leur poudre contre moi: d'autres tableaux m'attendent. J'aper?ois une for��t vers laquelle je m'avance assez rapidement. Je ne suis pas sans une certaine inqui��tude, car le _C��leste_ commence �� descendre; je jette du lest poign��e par poign��e, et ma provision n'est pas tr��s-abondante. Cependant je ne dois pas ��tre bien ��loign�� de Paris. L'accueil que m'a fait l'ennemi en passant au-dessus d'un de ses camps ne me donne nulle envie de descendre chez lui.
J'ai toujours remarqu��, non sans surprise, que l'a��ronaute, m��me �� une assez grande hauteur, subit d'une fa?on tr��s-appr��ciable l'influence du terrain au-dessus duquel il navigue. S'il plane au-dessus des d��serts de craie de la Champagne, il sent un effet de chaleur intense, les rayons solaires sont r��fl��chis jusqu'�� lui; il est comme un promeneur qui passerait au soleil devant un mur blanc. S'il trace, en l'air, son sillage au-dessus d'une for��t, le voyageur a��rien est brusquement saisi d'une impression de fra?cheur ��tonnante, comme s'il entrait, en ��t��, dans une cave.--C'est ce que j'��prouve �� 10 heures 45 en passant �� 1420 m��tres au-dessus des arbres, que je ne
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