seconds des roches djurjuriennes: presque tous ces hommes-l�� ont un bon visage.
A mesure que nous avan?ons sur la route, l'heure matinale nous fait rencontrer un nombre consid��rable d'Arabes auxquels se m��lent quelques Maures et quelques Kabyles. Tous portent des l��gumes au march�� d'Alger. Chacun pousse devant soi un ou plusieurs bourricos ployant sous la charge. Les bourreaux! Et quand donc la Soci��t�� protectrice des animaux viendra-t-elle en aide �� leurs victimes? Le ma?tre stimule sa b��te en la piquant sans cesse, avec la pointe d'un baton, �� un m��me endroit de la cuisse qui, �� force d'��tre ainsi aiguillonn��e, pr��sente une large plaie saignante; et le pauvre petit ane, qui n'a que la taille d'un grand veau, va trottinant toujours, sous un fardeau trop lourd, jusqu'�� ce qu'il tombe mort. Que mange-t-il? et quand mange-t-il? On ne l'a jamais su.
Quel regard triste! et comme sa t��te se penche m��lancoliquement! mais il para?t pourtant r��sign�� �� son sort. Ah! c'est heureux vraiment qu'il soit fataliste! Mahomet aurait bien d? lui r��server une place dans son paradis!
L'autorit��, qui se m��le de tout en Alg��rie comme en France, ne peut-elle rien pour l'infortun�� bourrico? Elle ordonne aux gendarmes de briser, dans la main de l'Arabe, l'instrument de torture chaque fois qu'il est arm�� d'une pointe en fer. La pointe en bois est-elle donc moins cruelle?
Nous nous croisons avec de vieilles haridelles charg��es de fruits superbes: des oranges exquises qui m?rissent, apr��s celles d'Alger et de Blidah, chez les Amaraoua, tribus de la basse Kabylie. Puis ce sont de l��g��res carrioles conduites par de jolies petites femmes au teint brun, �� l'oeil noir, �� la mine tr��s-��veill��e: les mara?ch��res mahonnaises du fort de l'Eau. Cette colonie, fond��e en 1850 par des familles de Mahon, est tr��s-florissante; elle approvisionne le march�� d'Alger de l��gumes excellents, elle exporte en France des primeurs d'artichauts et de petits pois. A Bougie, �� Philippeville, �� B?ne comme �� Alger et sur tout le littoral, les Mahonnais, colons �� demeure fixe, out trouv�� une veine d'or dans la culture mara?ch��re et dans celle des arbres fruitiers. Voici de grands chariots tra?n��s par quatre chevaux qui conduisent au vapeur en partance pour Marseille un million d'artichauts r��colt��s au fort de l'Eau et dans les champs tr��s-fertiles des deux rives de l'Arrach. Nous passons sous la Maison-Carr��e. Ce fortin turc construit sur une ��minence est devenu un p��nitencier d'indig��nes rebelles.
La diligence s'arr��te devant l'auberge du Roulage. Le conducteur demande un champoreau: m��lange de caf�� noir, d'eau-de-vie et de sucre que l'ouvrier de Paris appelle un gloria. Il nous engage �� faire comme lui: nous allons traverser un pays de broussailles vierges et de mares stagnantes, o�� habite une alli��e des Arabes hostiles: la fi��vre!
Nous nous pla?ons sous l'��gide du champoreau; mais �� peine madame Elvire a-t-elle tremp�� ses l��vres dans le breuvage f��brifuge, qu'elle les en ��carte avec un geste de d��go?t. Elle l'offre �� un Arabe en guenilles qui l'avale en faisant claquer sa langue contre son palais et s'��crie: _Bono! bono!_ pour la remercier. C'est tout ce qu'il sait de fran?ais.
--O fille d'��ve! dis-je, vous faites perdre �� ce pauvre diable sa place dans le paradis.
--H��! l'ami, fit-elle en se tournant vers le petit fils de Sem, il faut aller �� confesse et avouer au mufti [Pr��tre musulman.] que tu as bu de I'eau-de-vie.
Pour toute r��ponse l'Arabe lui montre les trous de son burnous �� travers lesquels reluit sa peau cuivr��e. Nous lui jetons quelques sous qu'il ramasse d'une main rapace. Beaucoup d'Arabes demandent l'aum?ne; tous ou presque tous la re?oivent sans vergogne.
--Cela leur donne sur nous une incontestable sup��riorit��, observe le Philosophe: la pauvret�� n'est pas pour eux un sujet de honte, puisqu'ils n'en rougissent pas.
En route! postillon! nous n'aimons pas ces quatre murs carr��s derri��re lesquels des malheureux pleurent la plus belle, la plus ch��rie des amantes: la libert��! et d'o�� ils ne sortiront que plus aigris encore et plus acharn��s contre leurs ma?tres: les chiens de France.
Nous sommes �� la Regha?a. En 1837, ce n'��tait qu'une ferme naissante qui fut vigoureusement attaqu��e le 9 mai de cette ann��e-l�� par les Kabyles du bas pays, ayant �� leur t��te le fr��re d'Abd-el-Kader, Mustapha-el-Hadj [Le p��lerin de la Mecque.]. Ce coup de main, qui ��tait une provocation, motiva la premi��re exp��dition en territoire kabyle. Le village borde un ruisseau ombrag�� de lauriers roses et dont l'eau verte ne coule que tr��s-lentement.
Deux ou trois habitants sont sur leur porte; ils ont le visage d'un blanc jaunatre. Est-ce le reflet du ruisseau? Leurs joues creuses nous serrent le coeur; et pourtant nous apercevons l��-bas des plantations vigoureuses, des champs bien cultiv��s et en plein rapport. Le pain ne manque pas �� la Regha?a, ni m��me le bien-��tre; mais �� quoi bon faire double r��colte et avoir sa grange pleine, quand la
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