fi��vre vous coupe la faim?
Pourquoi a-t-on couch�� ce village dans ce bas-fond, au lieu de l'��riger sur cette colline o�� l'air est salubre? Partout o�� les colons ont ��t�� ��tablis sur la hauteur, ils n'ont pas pay�� �� la camarde palud��enne cet effroyable tribut de deux g��n��rations d'hommes qu'elle pr��leva sur Boufarik, avant que le d��frichement et l'am��nagement des eaux eussent fait de ce campement empest�� o�� ?les corneilles elles-m��mes ne pouvaient vivre [Dicton arabe.]? le march�� le plus florissant de la Mitidja.
La voici! L'immense plaine de deux cent mille hectares se d��roule devant nous, jusqu'au pied de l'Atlas: �� notre gauche, vers la mer, jusqu'�� la pointe du cap Matifou; �� notre droite, jusqu'aux massifs du Sahel. Elle baigne enti��rement dans un brouillard ��pais que les premiers rayons du soleil ont pr��cipit�� des hauteurs du ciel, en condensant les sueurs nocturnes de la terre. Le jeu de la lumi��re produit des effets merveilleux dans cette mer profonde de vapeurs accumul��es: d'un bleu d'ardoise au raz du sol, elle offre au regard, �� mesure qu'il s'��l��ve, des ondes lumineuses d'un gris d'argent travers��es ?�� et l�� par des rayons solaires pareils �� des fl��ches d'or. Les plus hautes montagnes de l'Atlas, vigoureusement dessin��es sur le ciel o�� s'effacent les derni��res ��toiles, s'��lancent comme des ?lots de ces flots diaphanes dans lesquels s'enfoncent leurs grandes ombres noires. Les cultures ont disparu. Ce sont partout d'imp��n��trables maquis de lentisques, de lauriers-roses, de gen��ts ��pineux, de bruy��res g��antes, d'asphod��les dont les distillateurs alg��riens font de la fine-champagne. Il y a l�� aussi des ch��nes-li��ges, et quelques ch��nes-zen, mais petits et rabougris. Nul autre vestige de civilisation que la route empierr��e, nouveau sillon ouvert dans ce sol abandonn��. De chaque c?t�� de la pierre concass��e par les n��gres �� veste rouge qu'on rencontre sur toutes les grandes routes, martelant le gris sous un soleil vertical, se presse une herbe courte et drue, tout ��maill��e d'une flore sauvage.
On dirait un tapis de velours vert o�� la main d'une f��e a brod��, avec les couleurs de l'arc-en-ciel, les arabesques les plus bizarres.
Madame Elvire s'extasie sur ce paysage enchant��.
--Euh! exclame le Philosophe, nous respirons la peste. Des broussailles vierges aux portes d'Alger! et l'on r��pond aux colons qui demandent de la terre qu'on n'en a pas �� leur donner! Et la France ne peut pas nourrir ses habitants dans les ann��es m��diocres! Et dans les meilleures, l'Angleterre et la Belgique sont oblig��es d'aller acheter aux ��tats-Unis ou en Russie le tiers de la r��colte qui leur manque! Et...
--Un chacal! fit madame Elvire, en d��signant du doigt un animal qui traversa la route comme une fl��che.
--Pardon, Madame! dit le postillon, mais ce chacal est tout bonnement...
--Quoi donc?
--Un lapin!
Un peu plus loin, deux oiseaux s'envol��rent.
--Des perdrix! fis-je.
--Oui, Monsieur, ajouta le postillon, des perdrix rouges.
--Que n'ai-je mon fusil! dit M. Jules en soupirant.
--Quoi! exclama le G��n��ral, tuer ces pauvres petites b��tes!... et devant moi!
Le Caporal s'enfon?a repentant dans son coin.
Tout �� coup le d��cor change.
Quel fl��au a pass�� par ici? Quel Vandale a pi��tin�� le tapis de velours brod�� par la f��e? Plus une fleur, plus un brin d'herbe! Quel sauvage a arrach�� leur robe verte �� ces arbres dont les troncs et les bras nus se tordent d'un air d��sesp��r��? Pas un oiseau, pas un insecte! Le silence de la mort r��gne dans ces lieux d��sol��s que recouvre aussi loin que s'��tend la vue un linceul de poussi��re grise et noire.
--Ce sont ces coquins d'Arabes, dit le postillon, qui ont mis le feu aux broussailles du c?t�� de la mer, il y a quinze jours environ. L'incendie, pouss�� par le vent, prit sa course d'une telle vitesse, que mes chevaux, lanc��s au grand galop, pouvaient �� grand'peine le devancer. Nous venions de Tizi-Ouzou, et ce diable de feu se mit �� nous poursuivre aux approches de l'Alma. Je vous r��ponds que je n'avais pas besoin de jouer du violon �� mes b��tes. Le curieux de l'histoire, c'est que devant nous, �� deux ou trois cents m��tres, sur la route, galopait un lion...
--Un lion! en ��tes-vous bien s?r, postillon, et n'��tait-ce pas aussi un lapin?
--Un vrai lion, Madame, de la grande esp��ce fauve: car il y a aussi le lion noir qui est moins grand et moins commun, sinon moins dangereux.
--Et duquel, mon ami, e?tes-vous le plus peur, de ce diable de feu ou de ce grand lion fauve?
--Vous n'avez donc pas lu dans les livres, que le Sidi, le seigneur, comme disent les Arabes, ne recule pas devant tout un douar [Les tentes d'une famille.] en armes, mais qu'une b?che qui flambe le met en fuite?
--Et comment pr?tes-vous cong�� de ce compagnon?
--L��-bas derri��re nous, �� l'endroit o�� la route fait un angle, l'incendie suivit son chemin en droite ligne dans la direction du vent, et le Sidi disparut dans
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