aquilin et fier, surmontant une petite bouche souriante; le front large, couronn�� d'un magnifique diad��me de cheveux bruns. Grande, svelte, avec des pieds d'enfant et les plus belles mains que les fils d'Adam admir��rent depuis ��ve. Le bon sens d'un vieux juge et la fantaisie d'une petite ma?tresse, l'esprit du diable et le coeur d'une soeur de charit��; enfin, le courage du lion dans une enveloppe fragile, car le docteur Andral avait envoy�� madame Elvire en Alg��rie pour y r��tablir sa sant�� alt��r��e par les hivers de Paris.
Son habit de voyage ��tait des plus pittoresques sur un ample v��tement d'��toffe anglaise, elle portait un manteau doubl�� de petit-gris qui l'enveloppait tout enti��re, la prot��geant contre la pluie, la poussi��re et le vent. Elle avait un grand chapeau de feutre aux larges bords, recouvert d'une coiffe blanche qui retombait sur les ��paules. Un voile vert, flottant au vent, pouvait au besoin fermer la fen��tre que la coiffe laissait ouverte devant un visage blanc et rose, qui se trouvait ainsi d��fendu contre l'ardeur du soleil ou la curiosit�� des indig��nes. ?Je suis laide �� faire peur,? nous dit-elle en nous abordant. Certes, il fallait qu'elle f?t belle pour I'��tre encore dans cet appareil bizarre; mais il est des femmes dou��es de la grace originelle qui embellit tout.
Un des trois braves ��tait le mari de madame Elvire. D��s la premi��re ��tape, et d'une voix unanime, on l'appela le Conscrit; car nous reconn?mes que, r��veur et distrait, absorb�� en lui-m��me, il ��tait incapable de nous conduire. D'ailleurs, le G��n��ral paraissait lui inspirer une admiration sans bornes. Si merveilleux que f?t le paysage, ses yeux, apr��s s'y ��tre arr��t��s un instant, se tournaient toujours vers madame Elvire comme pour chercher en elle un point de comparaison. Bient?t aussi il manifesta, dans sa fa?on d'envisager les hommes et les choses du monde africain, une tendance paradoxale qui lui valut par surcro?t le beau surnom de Philosophe. Voici l'homme en trois lignes: de moyenne taille, blond, assez sentimental, tr��s-myope, et le mari le plus amoureux de sa femme qui se soit jamais vu.
M. Jules ***, qui faisait partie de notre corps d'arm��e, m��rita les galons de Caporal par le z��le qu'il d��ploya au moment du d��part. C'est lui qui retint nos places �� la diligence d'Alger �� Tizi-Ouzou et fit charger les bagages. Il fut en outre investi des fonctions d'agent comptable. Il portait sur ses ��paules, tr��s-bravement, ma foi! une soixantaine d'ann��es dont plusieurs pesaient double. Plus nous avons l'��piderme sensible, et plus les ronces du chemin nous blessent cruellement: cet homme excellent s'��tait d��chir�� �� plus d'un buisson ��pineux; mais il avait la jeunesse qui d��lie le temps, celle du coeur. M. Jules entourait madame Elvire de soins si empress��s et si d��licats, que l'heureux mari pouvait r��ver tout le long de la route, certain que son tr��sor et lui-m��me ��taient bien gard��s par ce bon compagnon. Donc nous part?mes d'Alger le vendredi 7 avril, deux jours avant la r��volte des Ouled-Sidi-Cheikh, qui allait gagner successivement les Harars, les Ouled-Na?l, puis remonter dans le Tell jusqu'aux approches de T��niet, de Tit��ri et de S��tif. La Fortune ��tait avec nous: quarante-huit heures plus tard, l'autorit�� se f?t jointe �� nos amis pour nous retenir de gr�� ou de force; car, en pays insurg��, les touristes sont pour elle d'autant plus incommodes, qu'ils sont plus aventureux.
Quand la diligence quitta la place Bresson, emport��e dans la rue de Constantine par ses six chevaux lanc��s au galop, le soleil sortait radieux de son lit d'or et de pourpre. Un grand calme r��gne sur la mer qui, �� l'horizon, embrasse le ciel derri��re le magique rideau des brouillards iris��s. A gauche, la rade d'Alger, du cap Matifou �� la pointe Pescade, ressemble �� une ��norme coquille de nacre de perle aux reflets changeants; �� droite, les cr��tes de la Bou-Zar��ah et de Mustapha-Sup��rieur se dorent et se d��coupent en ar��tes vives sur un azur �� teintes d'opale. Les villas ��parses brillent comme autant de perles dans le collier d'��meraudes des collines, dont le pied demeure envelopp�� de vapeurs noires. Derri��re nous, coiff��e comme d'un turban maure par les maisons de sa ville haute superpos��es en terrasse, Alger, inond��e de lumi��re, caress��e par les brises marines, parfum��e par la flore orientale, semble vouloir d��ployer toutes ses s��ductions pour nous retenir dans ses murs hospitaliers.
Madame Elvire est ��mue: un diamant ��tincelle entre les cils de sa paupi��re, et elle dit en soupirant: ?Mon doux Alger, quand te reverrai-je?? La conqu��te de 1830 n'est-elle pas justifi��e par ce regret et cette larme?
Nous saluons de la main, comme un ami, le palmier de la rue de Constantine qui, sous le souffle de la premi��re brise, s'incline pour nous souhaiter un bon voyage. A Mustapha-lnf��rieur, nous prenons la route de la Maison-Carr��e, qui contourne ��
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